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​Bureaux de change face à Covid-19: La dure réalité d’un secteur en banqueroute


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Jeudi 29 Avril 2021

Les Bureaux de change sont dans la tourmente. En effet, depuis plus d’un an, 781 sociétés de change connaissent un gel total de leur activité et leurs 5000 employés sont frappés à leur tour par la perte d’emploi. Pire, ils ont été exclus par le CVE, de façon inexpliquée, du bénéfice de l’indemnité du fonds de soutien depuis juillet 2020, contrairement aux autres secteurs liés au tourisme qui n'ont été touchés que partiellement. Voyage dans une activité pas comme les autres.



​Bureaux de change face à Covid-19: La dure réalité d’un secteur en banqueroute
Tout ce qui brille n’est pas de l’or, dit l’adage. Aujourd’hui, cette réalité s’applique malheureusement à un secteur, jadis convoité et qui faisait rêver plus d’une personne. Car qui dit Bureau de change, pense automatiquement aux devises (dollars, euros et la liste est longue), donc de la richesse. Mais Covid-19 est venu montrer la face cachée de l’iceberg. Un paradis qui ne fait plus rêver. Et les professionnels ou les opérateurs en savent quelque chose, eux qui ont désormais les yeux rivés sur un retour hypothétique des touristes étrangers, des Marocains résidents à l’étranger ou encore le bon vouloir de l’Officie de change et de BAM d’instaurer un équilibre entre Banques et ces bureaux de change.

Quelque part, dans une ruelle non loin de l’Avenue Fahd El Oumir à Agdal à Rabat, un box lève le rideau en ce mardi matin. Le gérant, au regard hagard, attend impatiemment l’arrivée d’un client. Ce qui ne sera pas de sitôt. Les temps sont durs, explique-t-il.Plus loin de là, au DFK bureau de change, le constat est le même en cette période de crise sanitaire. 

« Actuellement, avec Covid-19 qui a entrainé le confinement combiné à la fermeture totale des frontières, notre Bureau de change est en arrêt total d’activité. C’est une situation qui est presque générale », souligne un autre qui a requis l’anonymat. Il ajoute : « Pas de touristes, pas de MRE, cela signifie une baisse de chiffres d’affaire de manière significative alors que les charges fixes (loyer, électricité, contrats de maintenance etc...) n’ont pas connu de baisse ni de réduction. Pour notre interlocuteur, tous ces éléments réunis ne peuvent que prédire une disparition, voire une baisse définitive des rideaux dans un avenir très proche sans oublier l’absence d’aucun soutien ni aide de la part des organismes gouvernementaux concernés.

Gel de l’activité

A la Fédération nationale des associations régionales des bureaux de change (AFNAR), la mine est grise car l'activité de change est pratiquement gelée depuis 14 mois principalement dans les régions touristiques : Fès, Marrakech, Agadir, Meknès, Rabat, Essaouira, Ouarzazate, Tétouan, Casablanca. Dans certaines régions, l'activité n'a été reprise que de 15%, souligne-t-on, même si l’on avait espéré un début partiel avec l’allègement des mesures barrières.

« Cependant, avec la propagation de la deuxième et troisième vagues ainsi que la fermeture intégrale des frontières, la situation s'est empirée étant donné que notre secteur est lié au tourisme étranger et aux Marocains du monde sans lesquels nous n'avons aucune alternative. Nous travaillons avec un objet unique qui est le change des billets de banque », fait remarquer le Président de cette Fédération, El Yamlahi Abdeslam. 

Pire « malgré nos souffrances, le Conseil de veille économique a exclu nos salariés du bénéfice de l'indemnité Covid depuis juillet 2020 pour des raisons inconnues, sans prendre en compte nos diverses réclamations au Chef du gouvernement, au ministre de l'Economie et des Finances, au ministre du Tourisme et au ministre du Travail », explique-t-il. Pour les professionnels, il est urgent, voire primordial, la nécessité d’accorder l’indemnité Covid avec effet rétroactif depuis juillet 2020 afin d’éviter la catastrophe. Cette mesure salutaire si elle se réalisait permettrait aux acteurs de Bureaux de change d’espérer pour la reprise post Covid-19.

Pour ce qui est du plan d’accompagnement, le constat est amer. « Nous constatons avec regret qu'aucun plan d'accompagnement spécifique n'a été mis en place par l'administration de tutelle ni par le CVE pour permettre la relance post Covid-19. Nous souhaitons que les responsables prennent conscience de la gravité de la situation et ouvrent le dialogue avec notre Fédération au niveau du CVE pour activer la mise en place de solutions efficaces au lieu de prescrire des calmants », fait remarquer, en off, un autre acteur en la personne de M.K.

Besoin de soutien

Pourtant, l’activité de bureaux de change est un secteur pourvoyeur d’emploi. Ainsi la profession a pu créer environ 5000 postes d'emploi stables depuis la crise mondiale de 2008 malgré la faiblesse de la marge bénéficiaire. Celle-ci connait une dégringolade depuis 2018 pour atteindre des proportions de 0,20% sinon un peu plus.

A la Fédération, cette chute est liée à la concurrence accrue des banques et qui accordent à leurs clients marocains du monde des cours attractifs. A cela s’ajoute aussi le marché parallèle. Une pratique qui gagne du terrain. Aujourd’hui, les professionnels ne savent plus à quel Saint se vouer même s’ils sont soucieux de développer leur business, de maintenir les postes d'emploi actuels et de créer des nouveaux, en adéquation avec la stratégie nationale de l'inclusion financière.

Pour ce faire, le secteur a besoin du soutien du CVE (ministère de l'Economie et des Finances, de Bank Al Maghrib et l'Office des Changes) afin de prendre des initiatives encourageantes à l'instar du contrat programme qui a été signé avec la Confédération Nationale du Tourisme et d'autres secteurs sinistrés par les effets catastrophiques du Covid-19. Ceci dans l'espoir de sauver des milliers de familles qui continuent de souffrir depuis ces 14 mois. L’appel sera-t-il entendu ? L’avenir nous le dira.

Des doléances aux oubliettes
La demande est persistante et pourtant l’Office des changes reste de marbre. En effet, les professionnels ont contacté, à maintes reprises, l’autorité de tutelle, en l’occurrence l’Office pour l’ouverture d’une activité d’appoint à même de permettre aux acteurs de disposer d’une source de revenus, notamment les opérations de paiement et de transfert tout en gardant l’agrément sous la catégorie « A » à condition de rechercher une convention signée avec un établissement de paiements. Malgré les documents fournis, à ce sujet, la question est restée lettre morte, donc aux oubliettes, au grand dam des professionnels. Faut-il voir dans cette attitude une volonté manifeste de sous-peser le poids économique d’un secteur animé que par des jeunes ? Si l’on n’est pas encore à ce stade, la réalité impose plusieurs interprétations. Toujours est-il que les Bureaux de change ont besoin d’un nouveau souffle, de nouvelles règlementations par rapport aux conséquences désastreuses de Covid-19, afin qu’ils puissent faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
 

El Yamlahi Abdeslam, Président de FNAR

Nécessité de mesures alternatives d’urgence


Pour le Président de la Fédération nationale des Associations régionales des bureaux de change, El Yamlahi Abdeslam, l’atonie dans le secteur nécessite une nouvelle approche, à travers des mesures innovantes pour instaurer un équilibre devant mettre fin à la concurrence déloyale entre banques et Bureaux de change. 

- L’Office vient d’annoncer une dotation spéciale. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

Pour nous, c’est toujours le statu quo. En effet, depuis avril 2020, nous avons sollicité l'Office des changes pour l'élargissement du champ de notre activité dans les opérations de paiement et de transfert tout en gardant notre agrément « A ». Ceci dans le but de relancer notre activité pendant la pandémie et pour lequel il avait donné son accord de principe depuis Juillet 2020 à condition de présenter des conventions de partenariat avec des établissements de paiement. Chose qui a été réalisée en septembre 2020 de la même année. Malheureusement, nous avons été surpris d'apprendre, après cinq mois, que nous devrions convertir notre agrément en catégorie « C ».

- Cette situation va-t-elle changer la donne dans l’activité des Bureaux de change ?

Effectivement, cela va entrainer la perte de notre autonomie financière, commerciale et administrative pour devenir un agent rattaché à nos concurrents que sont les établissements de paiement. L’explication avancée est que cette décision revient à Bank Al Maghrib et non à l'Office des changes qui est notre administration de tutelle, lequel doit veiller à la survie de ce secteur vital pour l'économie du pays. Puisque notre activité contribue à la collecte d'environ 80% des devises en billets de banques qui sont versées exclusivement dans les caisses des banques privées assorties de conditions. Lesquelles ont été fixées par la Décision de BAM N° 1/W/18 du 12/01/2018, lors de la mise en application du système de flexibilité du dirham.

- A ce sujet, peut-on parler de concurrence déloyale ou tout simplement la nécessité d’établir un équilibre ?

Tout à fait car nous avions la possibilité de verser nos excédents en devises auprès des guichets de Bank al Maghrib à un cours plus intéressant sur le même pied d'égalité avec nos concurrents banquiers. Cette possibilité a été supprimée depuis 2009 par BAM pour des raisons que nous ignorons et nous n'avions pas cessé vainement de réclamer dans le cadre du respect des règles de concurrence loyale.

- L’espoir est-il permis pour une nouvelle dynamique dans le secteur ?

En effet, lors de la dernière réunion tenue à l'Office des changes, il nous a été promis d'étudier la possibilité de nous accorder des facilités à travers les opérations du cash-advance (dépannage des touristes étrangers porteurs de cartes), tout comme pour les cartes rechargeables en devises après accord des banques. L’Office nous a également promis la possibilité d'ouvrir des comptes en devises auprès des banques après accord de BAM ainsi que des dotations « Al Omra », voyages d'affaires, frais médicaux. Cependant, tout en sachant que même en cas de réalisation de ces promesses,dont nous n'avons aucune suite à ce jour, nos adhérents ont besoin de mesures d'urgence d'alternative pour relancer la machine pendant cette période d’atonie liée à Covid-19. Sachant que toutes ces opérations ne peuvent rien rapporter tant que le tourisme étranger n'a pas encore repris sa vitesse de croisière.
 



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