- Vous et votre cause des mères célibataires et leurs enfants, êtes intégrées dans un cours d’éducation civique de la 6ème année primaire. Quel commentaire en faites-vous, vous luttez depuis des années pour la défense de cette catégorie sociale souvent stigmatisée ?
- Dans ma vie de militante, j’ai eu beaucoup de reconnaissance à l’échelle nationale et internationale, mais celle-là, c’est une consécration ! J’étais profondément attaquée et visée plusieurs fois durant mon aventure de militante. Aujourd’hui, voir les pouvoirs publics, notamment le ministère de l’Education Nationale, l’enseigner aux enfants en fin d’école primaire, ne peux que me rendre fière. Surtout que c’est destiné à des enfants de 12 ans qui sont au début de l’adolescence. Ainsi, ces enfants ne se laisseront pas faire par la suite et ne subiront pas de pression morale ou – pire - le viol. Si l’enseignant a la finesse de comprendre le sens de ce qu’on lui demande de faire, on fera une révolution très positive dans notre pays. Je le souhaite d’ailleurs.
- Cette décision est-elle faite avec votre consentement ?
- J’ai eu la belle surprise. J’ai souvent été invitée à des conférences et séminaires sous le thème des mères célibataires et de leurs enfants. Je voulais porter la voix de ces enfants, sans me rendre compte des conséquences. Je suis très contente que le Maroc soit avantgardiste. Il le sera encore, grâce à l’esprit ouvert des Marocains.
- Le nombre d’enfants de mères célibataires est-il toujours en hausse ?
- Effectivement, c’est toujours en hausse. Depuis l’indépendance du Maroc, la population était estimée à environ 10 millions. Aujourd’hui, nous avons dépassé le cap de 30 millions. Avec la promiscuité, la pauvreté et toutes les difficultés sociales, c’est normal que leur nombre augmente. Je suis sûre qu’en plus de l’intégration de la cause des mères célibataires et de leurs enfants dans le programme scolaire officiel du Royaume, plusieurs associations actives dans ce domaine vont certainement réagir pour faire la suite de l’école. Je suppose et souhaite que nous assistons au lancement de quelque chose de nouveau dans notre pays dans ce contexte. Une fenêtre d’espoir sera ouverte.
- Comment votre association dédiée aux mères célibataires a-t-elle vécu la période du confinement ?
- Les salariés de l’association « Solidarité féminine » étaient confinés également. Nous avons veillé à leur assurer les mêmes salaires. Bien que des financements soient nos ressources, nous avons deux ans de réserves pour assurer les salaires et les bourses. Durant cette période, les assistantes sociales sont restées actives et joignables par téléphone pour assurer le suivi des femmes célibataires. Les bourses sont restées intactes. Nous avons repris nos activités actuellement. Nous avons tenu à assurer le bien-être des mamans et de notre personnel.
- Après la levée du confinement, combien de mères célibataires sont prises en charge par l’association « Solidarité féminine » ?
- Juste avant le confinement, 25 mères célibataires étaient prises en charge. Certaines ont réussi à réintégrer leurs familles, avec lesquelles elles se sont réconciliées. Nous prendrons en charge prochainement une vingtaine de mamans, à qui il faut assurer un travail adéquat et des bourses, entre autres. Nous en engageons de plus en plus.
- Dans ma vie de militante, j’ai eu beaucoup de reconnaissance à l’échelle nationale et internationale, mais celle-là, c’est une consécration ! J’étais profondément attaquée et visée plusieurs fois durant mon aventure de militante. Aujourd’hui, voir les pouvoirs publics, notamment le ministère de l’Education Nationale, l’enseigner aux enfants en fin d’école primaire, ne peux que me rendre fière. Surtout que c’est destiné à des enfants de 12 ans qui sont au début de l’adolescence. Ainsi, ces enfants ne se laisseront pas faire par la suite et ne subiront pas de pression morale ou – pire - le viol. Si l’enseignant a la finesse de comprendre le sens de ce qu’on lui demande de faire, on fera une révolution très positive dans notre pays. Je le souhaite d’ailleurs.
- Cette décision est-elle faite avec votre consentement ?
- J’ai eu la belle surprise. J’ai souvent été invitée à des conférences et séminaires sous le thème des mères célibataires et de leurs enfants. Je voulais porter la voix de ces enfants, sans me rendre compte des conséquences. Je suis très contente que le Maroc soit avantgardiste. Il le sera encore, grâce à l’esprit ouvert des Marocains.
- Le nombre d’enfants de mères célibataires est-il toujours en hausse ?
- Effectivement, c’est toujours en hausse. Depuis l’indépendance du Maroc, la population était estimée à environ 10 millions. Aujourd’hui, nous avons dépassé le cap de 30 millions. Avec la promiscuité, la pauvreté et toutes les difficultés sociales, c’est normal que leur nombre augmente. Je suis sûre qu’en plus de l’intégration de la cause des mères célibataires et de leurs enfants dans le programme scolaire officiel du Royaume, plusieurs associations actives dans ce domaine vont certainement réagir pour faire la suite de l’école. Je suppose et souhaite que nous assistons au lancement de quelque chose de nouveau dans notre pays dans ce contexte. Une fenêtre d’espoir sera ouverte.
- Comment votre association dédiée aux mères célibataires a-t-elle vécu la période du confinement ?
- Les salariés de l’association « Solidarité féminine » étaient confinés également. Nous avons veillé à leur assurer les mêmes salaires. Bien que des financements soient nos ressources, nous avons deux ans de réserves pour assurer les salaires et les bourses. Durant cette période, les assistantes sociales sont restées actives et joignables par téléphone pour assurer le suivi des femmes célibataires. Les bourses sont restées intactes. Nous avons repris nos activités actuellement. Nous avons tenu à assurer le bien-être des mamans et de notre personnel.
- Après la levée du confinement, combien de mères célibataires sont prises en charge par l’association « Solidarité féminine » ?
- Juste avant le confinement, 25 mères célibataires étaient prises en charge. Certaines ont réussi à réintégrer leurs familles, avec lesquelles elles se sont réconciliées. Nous prendrons en charge prochainement une vingtaine de mamans, à qui il faut assurer un travail adéquat et des bourses, entre autres. Nous en engageons de plus en plus.
Recueillis par
Safaa KSAANI
Portrait
Quand le courage et la tendresse s’entremêlent
Son histoire avec les mères célibataires aura marqué les esprits. Elle a débuté en 1981. Alors qu’elle travaillait comme éducatrice sanitaire et sociale, une rencontre a été un tournant dans sa vie : une femme donne le sein à l’enfant qu’elle doit abandonner. Lorsqu’elle le lui retire, l’enfant se met à hurler. Cette scène de séparation forcée hante Aïcha EchChenna. “Je n’ai pas pu dormir ce soir là. Je jurais toute la nuit que je ne laisserai jamais cette scène se reproduire”, nous raconte-telle avec amertume. Elle découvre ensuite les endroits insalubres où sont relégués les enfants nés hors mariage, où ils sont nombreux à mourir. C’est alors qu’elle décide d’agir et avec l’aide d’une religieuse française, en fondant une garderie pour permettre aux mères célibataires rejetées par leurs familles de faire garder leurs bébés et de pouvoir s’adonner à une activité professionnelle.
Née en 1941 à Casablanca, Aïcha Ech-Chenna vécut à Marrakech jusqu’à l’âge de 12 ans. Son beaupère la contraint à quitter l’école pour la couture. Une situation qui révolta sa mère qui décide d’envoyer sa fille, seule à bord d’un bus, vivre chez sa tante à Casablanca.
À 16 ans, la petite militante doit de nouveau arrêter l’école pour travailler et faire vivre sa mère, désormais seule. Elle réussit malgré tout à obtenir un diplôme d’infirmière en jonglant avec différents métiers à côté. Un métier qu’elle ne supportait pas au début, qui, toutefois, l’a mise en contact avec les enfants abandonnés. La voilà dans la grande aventure.
En 1985, elle décide de créer « Solidarité féminine », une association dédiée aux mères célibataires. Elle y propose une formation de trois ans à des métiers tels que la restauration, la coiffure ou encore les soins esthétiques, mais aussi des cours d’alphabétisation.
Née en 1941 à Casablanca, Aïcha Ech-Chenna vécut à Marrakech jusqu’à l’âge de 12 ans. Son beaupère la contraint à quitter l’école pour la couture. Une situation qui révolta sa mère qui décide d’envoyer sa fille, seule à bord d’un bus, vivre chez sa tante à Casablanca.
À 16 ans, la petite militante doit de nouveau arrêter l’école pour travailler et faire vivre sa mère, désormais seule. Elle réussit malgré tout à obtenir un diplôme d’infirmière en jonglant avec différents métiers à côté. Un métier qu’elle ne supportait pas au début, qui, toutefois, l’a mise en contact avec les enfants abandonnés. La voilà dans la grande aventure.
En 1985, elle décide de créer « Solidarité féminine », une association dédiée aux mères célibataires. Elle y propose une formation de trois ans à des métiers tels que la restauration, la coiffure ou encore les soins esthétiques, mais aussi des cours d’alphabétisation.
S. K.
Repères
L’éducation civique, ça s’apprend
Enfants nés hors mariage : un phénomène qui prend de l’ampleur
35 ans d’aide à la réintégration des femmes célibataires
Dans un cours sur la solidarité avec les personnes en situation difficile, intégré au programme d’éducation civique de la 6ème année du primaire, le ministère de l’Education Nationale a dédié un cours sur les mères célibataires et leurs enfants à travers un texte citant le parcours de la militante Aïcha Ech-Chenna. Une nouveauté intégrée dans les manuels scolaires changés récemment.
Enfants nés hors mariage : un phénomène qui prend de l’ampleur
Près de 100.000 enfants sont sans état civil au Maroc, relève l’agence espagnole EFE. Selon Mustafa Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, l’année dernière, 91.474 enfants non-inscrits à l’état civil avaient été identifiés. Le gouvernement marocain a lancé une première campagne en 2017 qui, en décembre 2018, a réussi à inscrire 53.418 enfants. Le gouvernement marocain a lancé en avril 2019 une nouvelle campagne nationale pour l’inscription des enfants à l’état civil ainsi qu’un comité ministériel mixte et des commissions régionales, mais la Covid-19 et le confinement ont paralysé cette opération.
35 ans d’aide à la réintégration des femmes célibataires
Créée en 1985, l’association « Solidarité féminine », dédiée aux mères célibataires, propose une formation de trois ans à des métiers tels que la restauration, la coiffure ou encore les soins esthétiques, mais aussi des cours d’alphabétisation. Durant ces trois années, les enfants sont également pris en charge en crèche. L’association est aussi très active par téléphone, aidant en moyenne 500 femmes par an qui appellent généralement pour des conseils juridiques.