Alors que les statistiques mondiales révèlent une tendance baissière de la pandémie de Coronavirus, l’heure est aux premiers benchmarks comparatifs. La propagation du virus ayant touché certaines parties du globe avant les autres, l’exercice qui consiste à comparer les résultats de la lutte contre la pandémie dans différents pays ne prend tout son sens que lorsque la crise sanitaire se révèle en tendance déclinante. Le Haut Commissariat au Plan (HCP) a diffusé le 27 mai une synthèse qui se base sur une approche par un benchmark de la situation de la pandémie Covid-19. Le document qui analyse la situation mondiale globale arrêtée le 22 mai 2020 prédit « un espoir réel d’une levée maîtrisée du confinement » au Maroc. Le benchmark du HCP a été effectué sur un ensemble assez large, ce qui a permis de donner une approche pour classifier les pays par compartiment et appréhender plus aisément leur situation pandémique.
Un classement en 4 groupes
« Cette classification a permis également d’examiner pour chacun des groupes les impacts ou risques de la levée du confinement » peut-on lire dans la note du Haut Commissariat qui dégage 4 groupes de pays (voir infographie). Le 1er groupe est constitué des pays très atteints par la pandémie mais qui n’ont pas pu, à ce stade et selon des degrés divers, maîtriser son évolution. Le 2ème groupe se réfère aux pays fortement touchés mais qui ont réussi à atteindre une assez bonne maîtrise de la propagation de la maladie. Le 3ème groupe rassemble des pays relativement peu touchés mais n’ayant pas encore atteint un contrôle total de la propagation. Le dernier groupe (G4) est composé des pays qui ont atteint le contrôle de l’épidémie et où son impact relatif est limité.
Le Maroc en déconfinement « sous contrôle »
Selon le HCP, « il est aisé de constater que le Maroc, après tous les efforts intenses mis en œuvre pour contenir la propagation de la pandémie, se retrouve très proche de la zone de succès. La confirmation de la tendance à la baisse du R0 -indicateur de progression moyenne des contaminations cumulées sur une période récente- « permettra de s’assurer que le déconfinement prochain d’une partie de sa population dicté par des raisons économiques et sociales évidentes ne fera pas dévier le Maroc de la trajectoire qui devrait le conduire vers la configuration du Groupe 4.Le renforcement de la vigilance et l’intensification des tests actuellement en cours laissent penser que le Maroc s’achemine vers une logique de déconfinement sous contrôle », indique le Haut Commissariat.
Des pays en situation incertaine
Si le Maroc semble présenter des indicateurs plutôt rassurants, la situation d’une grande partie des autres pays du groupe 3 -où se classe le Royaume- est par contre encore incertaine « au vu des indicateurs principaux et des tendances des courbes qui indiquent parfois des évolutions erratiques. Certains de ces pays ont d’ores et déjà déclenché un déconfinement qui pourrait s’avérer prématuré », souligne le HCP précisant que ces pays -qui pour la plupart ont fourni des efforts importants pour combattre la pandémie et s’acheminent vers la quasi-maîtrise de sa propagation (à des degrés divers)-« pourraient basculer vers une situation moins favorable en cas de déconfinement prématuré ou mal planifié ».
Le risque du déconfinement prématuré
La situation de la pandémie dans différents pays est très disparate. Alors que certains pays sont manifestement arrivés à contenir sa propagation, d’autres sont toujours en quête de sa maîtrise. Le HCP donne l’exemple de la Pologne (classée dans le même groupe 3) qui a pourtant été un des pays qui a réagi le plus rapidement par la mise en place du confinement dès le 13 mars et où le déconfinement a été lancé le 11 mai « alors que ce pays était techniquement toujours en situation de propagation (R0 >1) indiquant que l’évolution de la maladie n’était pas encore sous contrôle. La tendance post-déconfinement des cas quotidiens est repartie à la hausse signe d’un potentiel rebond. La courbe d’infectés cumulés, pour sa part, augmente linéairement sans aucun signe d’aplatissement », indique le HCP.L’exemple polonais semble donner raison aux décisions des autorités sanitaires du Royaume de ne pas hâter un déconfinement avant de confirmer que l’épidémie et bien sous contrôle.
Maroc : le pays le mieux positionné parmi les grands pays africains
Selon le benchmark du HCP, l’Afrique semble relativement épargnée par la maladie puisqu’elle enregistre à ce stade environ 100.000 cas cumulés (75 cas/million d’habitants) et 3.100 décès (2,3 décès/million habitants). Le taux de propagation enregistré dans le continent est supérieur à 1% ce qui le situe dans le groupe 3 où sont classées les régions relativement peu touchées mais n’ayant pas encore atteint un contrôle total de la propagation. « La plupart des pays africains se retrouvent ainsi dans ce groupe 3 indiquant ainsi un impact limité du virus à ce jour. Même les grands pays africains (Nigeria, Egypte, Afrique du Sud) sont pour la plupart relativement peu touchés mais enregistrent généralement une progression moyenne assez élevée (au-delà de 4%) ce qui indique, à des degrés divers, une faible maîtrise de l’évolution de la maladie », note le HCP.
Le Maroc qui est également dans le groupe 3 (son R0 serait en dessous de 1 et sa progression récente sur les 10 derniers jours de 1,4% et en baisse continue) est « le pays le mieux positionné parmi les grands pays africains dans ce groupe et le plus proche pour basculer vers le quadrant 4 qui est composé des pays relativement peu atteints et qui sont en cours d’éradication de la maladie. La courbe des cas quotidiens fait néanmoins apparaître des soubresauts préoccupants. La courbe des cas cumulés est toujours à la hausse avec quelques indices de début d’aplatissement mais surtout n’est plus dans une tendance exponentielle. De surcroît, si l’on considère les cas actifs, la tendance de la courbe est à la baisse », précise le HCP.
Le Maroc qui est également dans le groupe 3 (son R0 serait en dessous de 1 et sa progression récente sur les 10 derniers jours de 1,4% et en baisse continue) est « le pays le mieux positionné parmi les grands pays africains dans ce groupe et le plus proche pour basculer vers le quadrant 4 qui est composé des pays relativement peu atteints et qui sont en cours d’éradication de la maladie. La courbe des cas quotidiens fait néanmoins apparaître des soubresauts préoccupants. La courbe des cas cumulés est toujours à la hausse avec quelques indices de début d’aplatissement mais surtout n’est plus dans une tendance exponentielle. De surcroît, si l’on considère les cas actifs, la tendance de la courbe est à la baisse », précise le HCP.
3 questions à Asmaa Attarça sociologue
Asmaa Attarça
« La pandémie a causé des mutations dont il faudra également faire le suivi »
La sociologue Asmaa Attarça répond à nos questions sur les enjeux socioéconomiques de l’après-confinement et sur la nécessité d’un suivi sociologique des impacts de la pandémie.
- Au vu du benchmark du HCP peut-on commencer à parler d’une relance socioéconomique imminente ?
- Le Rapport du HCP présente la situation sanitaire au Maroc et le positionne dans le contexte pandémique mondial, mais ne contient pas de lectures sociologiques. Les efforts salutaires du Royaume ont certainement mitigé l’impact de la pandémie et laissent prévoir un déconfinement contrôlé, mais à l’image d’autres pays dans le monde, la pandémie a causé des mutations dans les situations sociologiques dont il faudra également faire le diagnostic et le suivi.
- Les lectures statistiques doivent-elles être renforcées avec des lectures sociologiques ?
- À cause de la pandémie, toutes les spécialités scientifiques se rejoignent et se réunissent pour travailler autour d’une seule thématique : Covid 19. À côté des sciences exactes, les sciences humaines sont justement capables d’aider à comprendre la société et subvenir à des nouveaux besoins qui ont émergé dans le contexte de la pandémie et qui s’installent parfois sur le moyen et long terme.
- Comment faire le suivi de ces nouvelles donnes sociologiques ?
- Après les suivis des impacts directs de la pandémie (mortalités, évolution du nombre de personnes infectées), il est nécessaire d’encourager les études et recherches sociologiques liées à l’épidémie Covid- 19 au Maroc afin de s’assurer de bien suivre et corriger les impacts indirects sociaux et économiques. Là aussi, il faudra, à un moment ou un autre, faire un benchmark pour voir comment les pays évoluent dans ce domaine.
La sociologue Asmaa Attarça répond à nos questions sur les enjeux socioéconomiques de l’après-confinement et sur la nécessité d’un suivi sociologique des impacts de la pandémie.
- Au vu du benchmark du HCP peut-on commencer à parler d’une relance socioéconomique imminente ?
- Le Rapport du HCP présente la situation sanitaire au Maroc et le positionne dans le contexte pandémique mondial, mais ne contient pas de lectures sociologiques. Les efforts salutaires du Royaume ont certainement mitigé l’impact de la pandémie et laissent prévoir un déconfinement contrôlé, mais à l’image d’autres pays dans le monde, la pandémie a causé des mutations dans les situations sociologiques dont il faudra également faire le diagnostic et le suivi.
- Les lectures statistiques doivent-elles être renforcées avec des lectures sociologiques ?
- À cause de la pandémie, toutes les spécialités scientifiques se rejoignent et se réunissent pour travailler autour d’une seule thématique : Covid 19. À côté des sciences exactes, les sciences humaines sont justement capables d’aider à comprendre la société et subvenir à des nouveaux besoins qui ont émergé dans le contexte de la pandémie et qui s’installent parfois sur le moyen et long terme.
- Comment faire le suivi de ces nouvelles donnes sociologiques ?
- Après les suivis des impacts directs de la pandémie (mortalités, évolution du nombre de personnes infectées), il est nécessaire d’encourager les études et recherches sociologiques liées à l’épidémie Covid- 19 au Maroc afin de s’assurer de bien suivre et corriger les impacts indirects sociaux et économiques. Là aussi, il faudra, à un moment ou un autre, faire un benchmark pour voir comment les pays évoluent dans ce domaine.
Recueillis par O. A.
Repères
Le « best-case scenario »
Le 2ème groupe est constitué de pays qui ont réussi à freiner la propagation du virus grâce au confinement et aux mesures associées, et ce, malgré les nombres élevés d’infections. La stratégie de tests massifs, grâce aux moyens importants déployés par ces pays généralement développés, a également été décisive (à titre d’exemple le Danemark a atteint 75 tests pour 1000 habitants).Ceci a permis, d’entamer un déconfinement une fois les indicateurs majeurs au vert (R0<1) et les prérequis logistiques mis en œuvre.
Le « worst-case scenario »
Parmi les pays du 1er groupe (qui ne sont pas encore arrivés à circonscrire la propagation) certains cas présentent une situation de risque de propagation exponentielle qui s’apparente au scenario dit ‘’d’évolution naturelle’’. Certains pays d’Amérique latine ainsi que l’Inde en sont des illustrations parlantes. Pour bon nombre de ces pays (UK, USA, Brésil, Inde, Iran…) le confinement n’a pas été appliqué de manière stricte et dans les temps, ce qui aboutit maintenant à une situation de déconfinement confuse.