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Campagne de vaccination anti-Covid-19 : les questions qui restent en suspens


Rédigé par Anass Machloukh Mercredi 18 Novembre 2020

«L’Opinion» est allé directement à la source, auprès d’experts renommés, afin de trouver réponse à certaines questions qui demeurent en suspens concernant la future campagne de vaccination. Eclairage.



-- Le Maroc est-il vraiment le premier pays au monde à lancer une campagne massive de vaccination de sa population ?

Dans sa dernière édition, l’hebdomadaire panafricain, «Jeune Afrique» en a fait la manchette de sa Une, titrant en gros caractères «Covid-19 : Le Maroc, premier pays au monde à lancer une campagne de vaccination nationale». Au-delà de la fierté et de l’espoir que pourraient susciter une telle affirmation, la question est de savoir si vraiment notre pays est la première nation à profiter d’une campagne nationale de vaccination contre le Covid, avec tout ce que cela suppose comme courage, mais également comme risques en raison du manque de retour sur expérience en ce domaine.

Une simple recherche sur Internet révèle que la Chine est le premier pays au monde à lancer une campagne de vaccination massive, puisque l’Empire du milieu a déjà pris une sérieuse avance en lançant dès cet automne une campagne de vaccination contre le Covid-19, sur des centaines de milliers de personnes. Et ce, avant même la fin officielle des tests en laboratoire. D’autres pays ayant accueilli les essais cliniques de vaccins développés en Chine comme les Emirats Arabes Unis ou le Brésil risquent de lancer des campagnes analogues à celle annoncée au Maroc de façon simultanée.

- Quel vaccin sera utilisé en premier dans la prochaine campagne de vaccination ?

Le communiqué du Cabinet Royal n’a pas fait allusion au vaccin qui sera utilisé au début. Or, il est clair que le vaccin du laboratoire chinois Sinopharm sera le premier à être administré aux Marocains puisque le Maroc en a déjà commandé et reçu 10 millions de doses avec option d’achat de 3 millions de doses supplémentaires. Moulay Mustapha Ennaji, directeur du laboratoire de virologie de l’université Hassan II de Casablanca, nous a assuré que le vaccin chinois a été approuvé au vu des résultats satisfaisants des essais cliniques, réalisés au Maroc. « 600 personnes y ont pris part et les résultats se sont soldés par un succès », a-t-il indiqué. En dehors du Maroc, le vaccin chinois a été expérimenté sur 500.000 personnes dans d’autres pays tels que les Emirats Arabes Unis, Bahreïn, le Pérou et l’Argentine. En Chine, 1 million de personnes ont été déjà vaccinées.

L’autre vaccin qui risque de suivre celui de Sinopharm de façon immédiate est celui d’Astra-Zeneca dont le Maroc a commandé entre 17 et 20 millions de doses qui seront livrées au cours du mois de décembre, comme nous l’avait déclaré le Docteur Samir Machour, artisan de cette transaction, lors d’une récente interview.
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- Faut-il craindre d’éventuels effets secondaires du vaccin chinois ?

Contacté par « L’Opinion », Jaâfar Heikel, épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses, nous a expliqué que le vaccin chinois qui sera utilisé au Maroc est un vaccin inactivé, c’est-à-dire qu’on prend une copie du virus neutralisé et on en tire une immunité que la réaction du corps génère. «Le vaccin chinois est basé sur un virus dont on a réduit la capacité de nuire à l’Homme», a-t-il tenu à clarifier sur un ton rassurant. Selon Moulay Mustapha Ennaji, la promptitude de préparation du vaccin ne doit pas hanter les esprits outre mesure, bien que ce vaccin ait été développé dans un laps de temps record en moins d’un an. Un avis que partage Jaâfar Heikel qui estime que le lancement de la campagne de vaccination nationale est basé sur les résultats satisfaisants des essais cliniques de phase 3 qui sont « extrêmement probants et prometteurs », selon son expression. M

ême constat pour Saïd Afif, membre du comité technique et scientifique de la campagne de vaccination, qui nous a assuré qu’aucun effet secondaire n’a été observé chez les participants aux essais cliniques, à l’exception de quelques cas de fièvre légère, ce qui est tout à fait normal. «Toutefois, il n’y a pas de visibilité sur le long terme», tempère Jaâfar Heikel qui reconnaît que : « Personne ne peut dire que le vaccin n’a pas d’effets secondaires d’ici deux, cinq ou dix ans. Ce que nous savons, actuellement, c’est que les résultats des essais cliniques ne nous donnent une assurance que sur le court terme».

- Pourra-t-on choisir le vaccin avec lequel on se fera vacciner ?

Mis à part le vaccin de Sinopharm, le Maroc a commandé d’autres vaccins fabriqués par d’autres laboratoires. Il s’agit de ceux de la société britannique Astra Zeneca, de Pfizer et de Johnson & Johnson. Pour ces deux derniers vaccins, les caractéristiques biologiques ne sont pas les mêmes que pour les vaccins de Sinopharm et d’Astra-Zeneca. Le vaccin de Pfizer est ainsi conçu selon une nouvelle technique appelée « ARN messager ». Selon M. Heikel, cette technique consiste à prendre des morceaux du code génétique du virus et les insérer dans les cellules qui se transforment en virus pour stimuler la création des anticorps. En termes de résultats d’essais cliniques, seuls les vaccin Pfizer, Spoutnik et Moderna ont affiché autant d’efficacité que le vaccin chinois avec un taux qui dépasse parfois 90% de réussite dans la phase 3. Dans cette offre variée de vaccins, certaines voix s’élèvent déjà parmi l’opinion publique pour demander s’il serait possible de choisir son vaccin. A ce propos, une source proche du dossier nous a affirmé que cette possibilité ne risque pas d’être ouverte «puisque la campagne de vaccination se déroulera selon un séquençage préétabli en fonction des arrivages des doses de vaccins commandées par le Maroc». En clair, le choix du vaccin administré sera déterminé par la période de vaccination et par la disponibilité dudit vaccin.

- Les tranches de populations définies comme prioritaires dans la campagne de vaccination pourront-elles refuser de se faire vacciner ?

Si la question du libre-arbitre reste de mise pour le commun de la population, elle n’a plus cours dans les corps constitués comme la police, l’armée et le corps soignant dont les membres devront s’astreindre, selon nos sources, à la vaccination obligatoire pour des raisons évidentes de sûreté sanitaire publique. Pour le reste de la population marocaine, et tout en balayant toute éventualité d’une vaccination obligatoire, le gouvernement avait affiché l’ambition de vacciner 80% de la population, soit 24,5 millions de personnes au-delà de 18 ans, avec 49 millions de doses.

Cette annonce a suscité une certaine méfiance parmi la population et les théories complotistes ont commencé à circuler, notamment sur les réseaux sociaux comme c’est le cas partout dans le monde. Ce qui fait dire à Tayeb Hamdi, chercheur en politique et système de santé, que l’obligation «ne fera que susciter davantage de méfiance chez les citoyens». De son côté, Moulay Mustapha Ennaji assure que le vaccin ne sera pas obligatoire. Même avis pour Allal Amraoui, député du Parti de l’Istiqlal à la Chambre des Représentants, qui nous a affirmé qu’un tel acte doit surtout se baser sur le volontariat.

« Si les gens veulent vivre en communauté, ils doivent se faire vacciner », nous a déclaré ce dernier, avant d’ajouter que : « Les autorités devront inciter l’ensemble de la population à participer activement à la prochaine campagne de vaccination». Pour sa part, Jaâfar Heikel appelle à associer davantage les experts et les scientifiques dans la stratégie de communication autour de la campagne de vaccination.

- Quel sera le prix du vaccin ?

La vaccination sera au début à titre gracieux pour les personnes prioritaires, nous confie Saïd Afif. Pour la suite des opérations, le vaccin s’il n’est pas gratuit, sera certainement subventionné. A ce titre et face à la rareté des données, il ressort selon des informations qui nous ont été récemment communiquées par le Dr Samir Machour, pivot de l’opération d’acquisition par le Maroc de 20 millions de doses de vaccin du britannique Astra-Zeneca, que le prix d’achat de ce dernier auprès dudit laboratoire variera entre «4 à 7 dollars la dose et que le prix par patient sera probablement de 8 à 14 dollars pour les deux doses nécessaires à la vaccination». Et de toute les manières, comme nous le confirme Azzedine Ibrahimi, directeur du laboratoire de biotechnologie de Rabat : «Le vaccin sera remboursé par le régime de l’Assurance maladie, ceci fait l’objet de discussions avec l’ANAM». Quid des étrangers et des personnes guéries ? 

Parmi les questions les plus relayées sur les réseaux sociaux, celles relatives à l’opportunité ou non de vacciner les résidents étrangers au Maroc, ainsi que les personnes déjà atteintes et guéries du Covid, sont malheureusement restées sans réponses, en dépit de nos sollicitations adressées au ministère de la Santé. Si rien n’a encore été dit officiellement concernant les étrangers résidents au Maroc en situation régulière ou irrégulière qu’il serait imprudent d’exclure de la cam- pagne de vaccination, Saïd Afif, le membre du Comité Technique et Scientifique de cette campagne nous a déclaré qu’elle «concernera également les étrangers résidant au Maroc puisqu’ils qu’ils vivent parmi nous».

Pour ce qui est des personnes déjà atteintes et guéries, Moulay Mus- tapha Ennaji, directeur du labo- ratoire de virologie de l’université Hassan II de Casablanca, nous a confié qu’elles ne sont pas concer- nées par la campagne annoncée, en précisant que seules les per- sonnes qui n’ont jamais contracté la maladie seront vaccinées. Et ce, du fait que ceux qui ont guéri de la COVID développent des défenses naturelles dans leur sang.

Anass MACHLOUKH

Trois questions à : Tayeb Hamdi

«Le but de la campagne de vaccination est d’assurer une immunité collective en vaccinant une partie importante de la population»

Tayeb Hamdi, chercheur en politique et système de santé, a répondu à nos questions sur la prochaine campagne de vaccination contre la Covid-19.

- Le Maroc est l’un des premiers pays à lancer officiellement la vaccination, comment vous expliquez cela ?

- Le Maroc a été parmi les premiers pays à annoncer la volonté de vacciner sa population de façon aussi ample, ceci est le fruit de l’implication personnelle de SM le Roi, grâce à laquelle le Maroc a pu particpier aux essais cliniques phase 3 du vaccin du laboratoire chinois Sinopharm. Cette position privilégiée va permettre au Maroc de bénéficier du vaccin le plutôt possible avec des quantités abondantes. Plusieurs pays développés ont d’ores et dèja précommandé les vaccins candidats avant même la parution des résultats des essais cliniques. Les Etats Unis n’attendent que la validation des résultats pour commencer à vacciner sa population immédiatement. La Chine a dèja vacciné un million de personnes.

- Les experts disent que le vaccin est efficace, en cas d’apparition d’effets secondaires, quelles sont les voix de recours ?

- Même après l’usage du vaccin, il existe ecore une phase 4 dont le but est de vacciner une population plus large que celle de la phase 3 (40.000 personnes) pour savoir s’il existe d’autres effets indisérables. Normalement, il est rare de détecter des effets secondaires après la phase 3, mais ça peut arriver.

- La campagne est prévue pour trois mois, est-ce suffisant ?

- Il est difficile de prévoir la durée de campagne actuellement, cela dépend du degré de préparation et de la logistique mise en place à cet effet. Outre cela, la durée du vaccin sera déterminée par les quantités de vaccin que le Maroc pourra s’en procurer. En somme, je pense que la campagne de vaccination prendra beaucoup plus de temps que prévu.









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