Nous sommes au quartier Bourgogne de Casablanca, dans un salon huppé de la place. D. B., coiffeuse chevronnée, demande à sa cliente qui vient de lui annoncer qu’elle souhaite garder sa tresse coupée si elle ne souhaiterait pas la lui vendre. Un instant de surprise s’installe, avant que la cliente, intriguée, ne se laisse convaincre. Combien? Pour un mètre de cheveux en très bon état, une transaction à 10.000 dirhams est réalisée en un claquement de doigts. Bientôt, D. B. pourra transformer cette longue tresse ébène en une perruque qu’elle vendrait à prix d’or. Voici donc un nouveau marché dissimulé au Maroc, réservé néanmoins à une minorité : celle des plus futées.
Dans l’ombre des salons de coiffure et des perruqueries, un commerce florissant se tisse mèche après mèche. La vente de cheveux, pratique ancestrale, connaît un regain d’intérêt à l’échelle mondiale. De l’Inde à l’Espagne voisine, en passant par la Chine et la Russie, ce marché aux multiples ramifications révèle les inégalités économiques et les aspirations esthétiques de notre époque.
En Inde, premier exportateur mondial, les temples hindous sont de véritables chapelles de cet or capillaire. Des millions de pèlerins offrent chaque année leurs cheveux en offrande, sans se douter que leur don alimentera un commerce lucratif. Les négociants se procurent ces «cheveux du temple» à des prix dérisoires, pour les revendre au centuple sur le marché international. Ainsi, les cheveux indiens, célèbres pour leur qualité et leur longueur, se retrouvent sur les têtes des mannequins et des actrices du monde entier. La Chine, quant à elle, s’est imposée comme l’usine à cheveux du monde. Des collecteurs sillonnent les campagnes des provinces enclavées, offrant aux villageois quelques yuans en contrepartie de leur longue chevelure. Ces mèches anonymes se retrouveront sur la tête de femmes occidentales à la recherche d’extensions parfaites. La transformation est méticuleuse : les cheveux sont lavés, triés et bien souvent traités chimiquement pour correspondre aux standards de beauté occidentaux.
L’Europe ne fait pas exception à cette mode. En France, où la vente de cheveux n’est pas réglementée, des sites web jouent les intermédiaires entre les acheteurs et les vendeurs. La fourchette de prix varie de 300 à 1.500 euros pour des cheveux de première qualité, selon la longueur et la couleur. En Espagne, des salons de coiffure offrent un service de rachat, faisant de la coupe de cheveux une transaction financière. Le marché européen est particulièrement friand de cheveux blonds, souvent plus rares et donc plus chers.
La crise économique a fait naître en Russie une nouvelle catégorie de «donateurs» : des femmes, souvent jeunes, qui vendent leurs cheveux pour arrondir leurs fins de mois. À Moscou et à Saint-Pétersbourg, des instituts spécialisés offrent jusqu’à 100 euros pour une chevelure blonde de 40 centimètres, une somme considérable dans certaines régions du pays. Les cheveux russes, épais et robustes, sont très prisés sur le marché international.
Ce marché soulève des questions éthiques. La réglementation, quasi inexistante dans la plupart des pays, laisse la porte ouverte aux abus. En Inde, des voix s’élèvent pour dénoncer l’exploitation des femmes pauvres. En Chine, la traçabilité des cheveux reste opaque. En Europe, l’absence de cadre légal spécifique inquiète les autorités sanitaires. Les consommateurs, souvent ignorants de l’origine de leurs extensions, contribuent involontairement à un système opaque et parfois injuste.
Au Maroc, ce marché est encore embryonnaire mais prometteur. Pourtant, pour certains, vendre ses cheveux est devenu un investissement. Des femmes cultivent leur chevelure pendant des années, suivant un régime strict et des soins coûteux, dans l’espoir d’un gain substantiel. Une forme d’épargne sur tête, en somme. Les cheveux, autrefois symbole de féminité et de beauté, deviennent une marchandise comme une autre, soumise aux lois du marché.
Ce qu’en pense la réglementation? Si la vente d’organes est strictement interdite, au Maroc, comme ailleurs, le commerce capillaire file entre les doigts du législateur.
Le restera-t-il encore? Seul l’avenir nous le dira. En attendant, D. B. continue de coiffer ses clientes, mèche après mèche, tissant ainsi les fils d’une nouvelle économie capillaire.
Dans l’ombre des salons de coiffure et des perruqueries, un commerce florissant se tisse mèche après mèche. La vente de cheveux, pratique ancestrale, connaît un regain d’intérêt à l’échelle mondiale. De l’Inde à l’Espagne voisine, en passant par la Chine et la Russie, ce marché aux multiples ramifications révèle les inégalités économiques et les aspirations esthétiques de notre époque.
En Inde, premier exportateur mondial, les temples hindous sont de véritables chapelles de cet or capillaire. Des millions de pèlerins offrent chaque année leurs cheveux en offrande, sans se douter que leur don alimentera un commerce lucratif. Les négociants se procurent ces «cheveux du temple» à des prix dérisoires, pour les revendre au centuple sur le marché international. Ainsi, les cheveux indiens, célèbres pour leur qualité et leur longueur, se retrouvent sur les têtes des mannequins et des actrices du monde entier. La Chine, quant à elle, s’est imposée comme l’usine à cheveux du monde. Des collecteurs sillonnent les campagnes des provinces enclavées, offrant aux villageois quelques yuans en contrepartie de leur longue chevelure. Ces mèches anonymes se retrouveront sur la tête de femmes occidentales à la recherche d’extensions parfaites. La transformation est méticuleuse : les cheveux sont lavés, triés et bien souvent traités chimiquement pour correspondre aux standards de beauté occidentaux.
L’Europe ne fait pas exception à cette mode. En France, où la vente de cheveux n’est pas réglementée, des sites web jouent les intermédiaires entre les acheteurs et les vendeurs. La fourchette de prix varie de 300 à 1.500 euros pour des cheveux de première qualité, selon la longueur et la couleur. En Espagne, des salons de coiffure offrent un service de rachat, faisant de la coupe de cheveux une transaction financière. Le marché européen est particulièrement friand de cheveux blonds, souvent plus rares et donc plus chers.
La crise économique a fait naître en Russie une nouvelle catégorie de «donateurs» : des femmes, souvent jeunes, qui vendent leurs cheveux pour arrondir leurs fins de mois. À Moscou et à Saint-Pétersbourg, des instituts spécialisés offrent jusqu’à 100 euros pour une chevelure blonde de 40 centimètres, une somme considérable dans certaines régions du pays. Les cheveux russes, épais et robustes, sont très prisés sur le marché international.
Ce marché soulève des questions éthiques. La réglementation, quasi inexistante dans la plupart des pays, laisse la porte ouverte aux abus. En Inde, des voix s’élèvent pour dénoncer l’exploitation des femmes pauvres. En Chine, la traçabilité des cheveux reste opaque. En Europe, l’absence de cadre légal spécifique inquiète les autorités sanitaires. Les consommateurs, souvent ignorants de l’origine de leurs extensions, contribuent involontairement à un système opaque et parfois injuste.
Au Maroc, ce marché est encore embryonnaire mais prometteur. Pourtant, pour certains, vendre ses cheveux est devenu un investissement. Des femmes cultivent leur chevelure pendant des années, suivant un régime strict et des soins coûteux, dans l’espoir d’un gain substantiel. Une forme d’épargne sur tête, en somme. Les cheveux, autrefois symbole de féminité et de beauté, deviennent une marchandise comme une autre, soumise aux lois du marché.
Ce qu’en pense la réglementation? Si la vente d’organes est strictement interdite, au Maroc, comme ailleurs, le commerce capillaire file entre les doigts du législateur.
Le restera-t-il encore? Seul l’avenir nous le dira. En attendant, D. B. continue de coiffer ses clientes, mèche après mèche, tissant ainsi les fils d’une nouvelle économie capillaire.