Loin du tumulte urbain, entre Dakhla et Aousserd, un petit félin doté d’une fourrure dense et soyeuse a choisi le désert aride pour demeure. Cette chétive créature est depuis sa découverte l’objet d’un intérêt tout particulier des chercheurs, qui veulent percer son mystère. Etant solitaire, « le Chat des sables » adopte une attitude singulière, préférant communiquer par des postures corporelles et des signaux visuels plutôt que par des sons.
Ce comportement curieux a poussé quatre chercheurs (Dr Alexander Sliwa du zoo de Cologne, Saâd Azizi et Mahmoud Zine Eddine du zoo de Rabat, et Grégory Breton de Panthera, France) à mener une aventure dans l’environnement hostile du chat afin d’élaborer une étude permettant de mieux comprendre le domaine vital de ce félin. L’étude, intitulée « Domaines vitaux des chats des sables africains (Felismargarita) », a livré le plus grand nombre de données jamais collectées sur ce félin et a appelé ainsi à reclasser l’espèce comme « quasi-menacée ».
Le cas du Chat des sables n’est pas une exception. En effet, le Maroc est l’un des pays les plus riches de la région Ouest paléarctique du point de vue géographique, climatique et écologique et, par voie de conséquence, il est le deuxième pays en termes de diversité biologique du bassin méditerranéen après la Turquie.
Ce comportement curieux a poussé quatre chercheurs (Dr Alexander Sliwa du zoo de Cologne, Saâd Azizi et Mahmoud Zine Eddine du zoo de Rabat, et Grégory Breton de Panthera, France) à mener une aventure dans l’environnement hostile du chat afin d’élaborer une étude permettant de mieux comprendre le domaine vital de ce félin. L’étude, intitulée « Domaines vitaux des chats des sables africains (Felismargarita) », a livré le plus grand nombre de données jamais collectées sur ce félin et a appelé ainsi à reclasser l’espèce comme « quasi-menacée ».
Le cas du Chat des sables n’est pas une exception. En effet, le Maroc est l’un des pays les plus riches de la région Ouest paléarctique du point de vue géographique, climatique et écologique et, par voie de conséquence, il est le deuxième pays en termes de diversité biologique du bassin méditerranéen après la Turquie.
Une démarche nationale
En effet, l’étude du Chat des sables s’inscrit dans le cadre d’une convention qui englobe des recherches effectuées sur tous les carnivores situés dans le Sahara marocain. « Les préparatifs pour cette recherche remontent à 2014. Les premières expéditions envoyées avaient pour premier objectif de savoir si ces chats existent. Après, on a acquis des permis scientifiques qui nous permettaient de capturer momentanément ces animaux », nous révèle le docteur Azizi, chef du Service Zoologie et Vétérinaire du Jardin Zoologique National.
« L’opération consiste à capturer physiquement le Chat des sables, faire une anesthésie, et installer le collier VHF pour pouvoir le localiser, en même temps on fait des mesures géométriques. D’autres espèces seront soumises à ces études, en particulier le Renard de Rüppell, le Fennec, le Loup doré d’Afrique, le Chat ganté… », ajoute notre interlocuteur.
Une biodiversité vitale
Du Nord au Sud, des montagnes majestueuses aux vastes plaines, en passant par les littoraux impressionnants et les vastes étendues désertiques, le Maroc abrite de nombreuses espèces animales, dont bon nombre, malheureusement, sont en voie de disparition ou ont déjà disparu. Le plus connu est le Lion de l’Atlas, mais d’autres peuvent l’être comme la Gazelle Dorcas, le Macaque de Barbarie, le Caracal, la Tortue d'Hermann et l'Outarde Houbara.
Après une petite recherche sur Internet, on trouve que les articles publiés sur le sujet estiment que le nombre des espèces en voie de disparition au Maroc ne dépasse pas une quarantaine, sauf que pour les experts, ce chiffre est largement sous-estimé et loin de refléter la réalité.
« Si on ne compte que les reptiles, le tiers de cette classe est menacée, la moitié de la classe des amphibiens est aussi menacée d’extinction, du coup, le nombre est beaucoup plus qu’une quarantaine, mais plutôt s’élève à des centaines », alerte Abdeljabbar Qninba, auteur de plusieurs ouvrages sur le patrimoine naturel marocain et expert en biodiversité. Il tient aussi à préciser que « les classes mentionnées ne concernent que les vertébrés sans inclure les autres groupes zoologiques ».
Selon les données officielles, la faune marocaine compte environ 25.000 espèces, dont 11% sont endémiques au Maroc. Cette faune englobe comme espèces : 113 mammifères, 317 oiseaux, 98 reptiles, 11 amphibiens, 1.189 poissons et 17.893 invertébrés.
Le programme de réintroduction
Dans le cadre de la stratégie nationale de conservation et de réhabilitation de la faune sauvage et de ses habitats, l’instance chargée de la mise en œuvre du programme de réintroduction est l’Agence Nationale des Eaux et des Forêts, qui opère en étroite collaboration avec les Zoos, lesquels jouent le rôle de pépinière dans cette démarche.
A titre d’exemple, le Jardin Zoologique National de Rabat héberge 22 espèces menacées au Maroc, dont 8 espèces faisant l’objet d’un programme de réintroduction afin qu’elles réintègrent leur habitat naturel, parmi lesquelles 5 espèces éteintes à l’état sauvage au Maroc.
Mais, pour les experts, cela reste toujours insuffisant, car « le Maroc manque encore de réserves suffisantes pour héberger toutes les espèces menacées en captivité, dans le but d'augmenter leur nombre et d'améliorer leur condition physique avant d'être relâchées dans leur habitat naturel », précise Professeur Qninba.
« On souffre aussi de pénurie en matière d’aires protégées qui représentent des sortes de laboratoires en milieu naturel, et qui permettent d'avoir un accès à des informations de première main sur les écosystèmes et les espèces, afin de comprendre le fonctionnement de ces éléments naturels et de découvrir de quelle façon elles peuvent s’adapter aux changements », déplore-t-il.
Cependant, il y a des signes prometteurs, tempère-t-il. « Il n’y a pas longtemps, j’étais dans la région de M'Hamid El Ghizlane, et j’ai vu comment des addax (une grande antilope saharienne) ont été relâchés dans la nature et sont actuellement surveillés. Les premiers constats relevés sur leur état d’adaptation sont prometteurs et donnent l’espoir de voir d’autres espèces réintégrer leur habitat naturel », dévoile notre expert.
Notons aussi que le Maroc a mené dans ce sillage plusieurs opérations de réintroduction, qui ont abouti avec succès. A titre d’exemple, le macaque de Barbarie a été relâché en 2007, après un long processus de réintroduction, dans le Parc National de Toubkal, de même que plusieurs autres espèces, chacune dans son habitat naturel.
Trois questions au Dr Saâd Azizi « Nos études visent à mobiliser davantage la communauté internationale pour la cause »
Dr Saâd Azizi, chef du Service Zoologie et Vétérinaire au Jardin Zoologique National de Rabat et chercheur ayant élaboré l’étude sur le Chat des sables, a répondu à nos questions.
Dans votre rapport, vous lancez un appel pour reclasser le Chat des sables parmi les espèces « quasi-menacées », pourquoi ?
- Nous avons découvert que la répartition du Chat des sables a diminué, que son habitat naturel se détériore manifestement, que les ressources alimentaires sont moins disponibles en raison des années de sécheresse et que la concurrence avec d'autres carnivores plus puissants s'est accrue. Compte tenu de ces faits, nous pouvons déclarer que cette espèce doit être considérée comme quasi-menacée. Ce statut permettra de mobiliser davantage la communauté nationale et internationale pour donner plus d’importance au Chat des sables.
Le Chat des sables sera-t-il hébergé dans le Jardin Zoologique de Rabat ?
- Nous ne sommes pas en mesure d'héberger le Chat des sables pour le moment en raison d'un manque d'autorisation, mais ça reste une action envisageable. Cependant, cette opération nécessite plusieurs mesures préalables dont, entre autres, l’aménagement de l’emplacement et la collecte de données.
A l’instar des opérations de réintroduction pour les antilopes sahariennes et l’Ibis chauve, verrons-nous un jour le Lion de l’Atlas restitué à la nature ?
- En effet, il s’agit d’un ancien projet qui remonte à la fin des années 80. Des chercheurs anglais avaient proposé de réintroduire le Lion de l’Atlas dans les régions d’Azilal, mais ce projet n’a jamais abouti.
La réintroduction des lions de l’Atlas nécessite, en premier lieu, la disponibilité d'un habitat approprié et sûr pour les lions, ainsi que les ressources financières et humaines nécessaires pour mener à bien une telle entreprise.
Il s’agit notamment de trouver un espace vaste et inclusif des représentants de l’espèce, ainsi qu’une bonne faune sauvage qui constituera une ressource alimentaire pour le lion. Cependant, cela nécessiterait une planification minutieuse et une collaboration internationale pour assurer le succès de l'opération.
La réintroduction des lions de l’Atlas nécessite, en premier lieu, la disponibilité d'un habitat approprié et sûr pour les lions, ainsi que les ressources financières et humaines nécessaires pour mener à bien une telle entreprise.
Il s’agit notamment de trouver un espace vaste et inclusif des représentants de l’espèce, ainsi qu’une bonne faune sauvage qui constituera une ressource alimentaire pour le lion. Cependant, cela nécessiterait une planification minutieuse et une collaboration internationale pour assurer le succès de l'opération.
Recueillis par Y. E.
3 questions au Pr Abdeljabbar Qninba « On est dans une course contre la montre »
Enseignant-chercheur, auteur de plusieurs ouvrages sur le patrimoine naturel marocain et expert en biodiversité, Pr Abdeljabbar Qninba répond à nos questions.
Quel est votre avis sur l'efficacité des mesures mises en place par le Maroc pour préserver la biodiversité ?
Malheureusement, on a beaucoup tardé pour réaliser la gravité de la situation, en témoigne la cadence de la disparition des espèces ces dernières années. L’Agence Nationale des Eaux et Forêts, en tant qu’organisme chargé de la conservation des espèces, notamment terrestre, déploie d’immenses efforts pour préserver ce patrimoine écologique. On est dans une course contre la montre !
Les scientifiques indiquent que nous sommes tout près d'une sixième extinction de masse ? Qu’est-ce que cela veut dire ?
A travers les temps géologiques, il y a eu des changements globaux à l’échelle planétaire, conduisant à la disparition d’un grand nombre d’espèces en même temps, dont la plus célèbre est l'extinction du Crétacé-Tertiaire (KT) qui a eu lieu il y a environ 66 millions d'années. Cette extinction a marqué la fin de l'ère des dinosaures, et de nombreux autres groupes d'organismes marins et terrestres ont également été touchés.
La confrontation à une sixième extinction de masse signifie que de nombreuses espèces animales et végétales sont en danger critique ou ont déjà disparu en raison de l'activité humaine et de ses impacts sur les écosystèmes de la planète.
Comment le Maroc peut-il préserver les écosystèmes naturels pour assurer la survie des espèces animales et la biodiversité ?
La meilleure stratégie consiste à créer des aires protégées où les espèces pourront survivre sans difficulté, car elles seront soigneusement surveillées, ménagées et toujours sous contrôle.
En préservant les écosystèmes naturels et les relations entre les espèces, ces vastes zones peuvent servir de lieux de reproduction, d'alimentation et de repos aux animaux sauvages tout en préservant les équilibres écologiques.
Recueillis par Y. E.