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Covid-19 : Pourquoi le Maroc doit rapidement circonscrire le feu des clusters


Rédigé par Saâd JAFRI Lundi 20 Avril 2020

Jour après jour, de nouveaux foyers de contamination sont constatés dans différentes villes du Royaume, semant la panique parmi les marocains. Le ministère de la Santé tire la sonnette d’alarme.



Covid-19 : Pourquoi le Maroc doit rapidement circonscrire le feu des clusters
À partir du 14 avril, la situation épidémiologique au Maroc est marquée par l’apparition de foyers à grand risque de santé publique. Ce risque est lié au point de départ du foyer à forte densité, centres commerciaux et structures industrielles, avec un grand risque communautaire de diffusion de l’épidémie. Depuis mardi dernier, ce ne sont pas moins de 400 cas de contamination qui ont été enregistrés suite à des «clusters» (unité épidémiologique de cas pathologiques, exprimés cliniquement ou non, survenant dans un même lieu) découverts dans des unités industrielles et commerciales au niveau de plusieurs villes, notamment, Casablanca, Marrakech, Fès et Tanger.

«C’est sûr que ce genre de situations traduit l’existence de dysfonctionnements graves dans les mesures de distanciation sociale et les mesures d’hygiène collective ou individuelle», nous confie Berraho Mohamed Amine, Médecin et Professeur à l’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès.

«Cependant, il est très difficile de statuer sur l’origine précise de ces dysfonctionnements du moment qu’il suffit qu’une seule personne ne respecte pas les mesures d’hygiène individuelle et les mesures barrières pour que tout le dispositif s’écroule», ajoute-t-il. Surtout si cette personne travaille dans un milieu à forte densité et avec beaucoup de contacts. Ainsi, M. Berraho précise qu’une évaluation de la situation est indispensable pour pouvoir identifier l’origine et corriger les défaillances (voir 3 questions à). Et la médecine du travail a un grand rôle à jouer dans ce contexte.

La capitale économique en tête de liste

Casablanca, ville la plus peuplée du Royaume et la plus touchée par le Covid-19, a connu cette semaine une hausse spectaculaire des contaminations, suite à un « cluster » localisé dans la zone industrielle d’Ain Sebaa. Le directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la Santé, Mohamed El Youbi, a sonné l’alerte, le 15 avril, après qu’environ 85 cas confirmés aient été enregistrés.

Il a suffi d’un seul et unique cas pour que cette contamination groupée se propage comme un feu de paille. Celle-ci avait été repérée la semaine dernière. Ce qui n’a pas empêché les responsables de l’usine de décréter la continuation de la production, se limitant à une simple désinfection des lieux.

La suite, on la connaît. Les contaminations se sont enchaînées parmi le personnel pour atteindre le total vertigineux d’une centaine d’ouvrières diagnostiquées positives au covid-19 en l’espace de quelques jours. Ce qui donne un aperçu effrayant sur la capacité du virus à se propager en milieu clos et non protégé.

La capitale spirituelle en état de panique

La même semaine, presque le même scénario catastrophique se reproduit à Fès. A partir du mardi 14 avril, une soixantaine d’employés d’un hypermarché se situant dans le grand centre commercial de la ville « Borj Fez», sont diagnostiqués porteurs du Covid-19. La plupart d’entre eux seraient des chefs de rayon et des membres de l’équipe de sécurité et d’autres personnes présentant des symptômes seraient également en attente des résultats du test.

Ainsi, le cluster constitué dans la capitale spirituelle du Royaume aura généré 84 cas positifs au Coronavirus (bilan arrêté au vendredi 18 avril à 18h00).

Cette montée en flèche des contaminations a semé la panique parmi les citoyens de la ville et jeté une chape de doute et d’incertitude sur l’ensemble des marocains à quelques jours de la fin, aujourd’hui prolongée, de la période de confinement.

A Marrakech les chiffres explosent

Le sentiment d’inquiétude envahit également les habitants de la cité ocre installée depuis plusieurs semaines à une peu enviable place du podium des villes marocaines les plus contaminées par le coronavirus, après Casablanca. Et il y a de quoi : 285 contaminations qui ont été enregistrées dans des foyers familiaux et des sites industriels, entre le 16 et le 17 avril, plus des deux tiers, précisément 208 ont été recensés dans un foyer à Marrakech. Ce qui a amené des organisations de la société civile de la région à exprimer leur inquiétude.

Première à monter au créneau, l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH) s’est dite « surprise de la flambée remarquable des cas de contamination au niveau de la région Marrakech-Safi », surtout qu’elle avait appelé les autorités publiques, dès le début de l’épidémie, à veiller au respect des mesures préventives au sein des centres commerciaux. Pour ce faire, l’association souligne la nécessité d’un suivi sanitaire non seulement des personnes testées positives, mais également ceux avec qui ils étaient en contact.

Il semble aujourd’hui évident qu’avec l’apparition et la multiplication des clusters, le Maroc est entré de plain-pied dans la deuxième phase de la pandémie. Une situation qui implique davantage de vigilance et autant de contraintes à un moment où le pays s’apprête à voir un certain nombre de ses unités industrielles, comme celles de Renault, reprendre du service, dans l’espoir de redémarrer un tissu économique plus que jamais au bord de l’apoplexie.

Saâd JAFRI

3 questions à Berraho Mohamed Amine

Berraho Mohamed Amine
Berraho Mohamed Amine
« Les régions concernées par ces foyers peuvent glisser de la situation épidémique vers la phase 3 »
 
Nous avons contacté M. Berraho Mohamed Amine, Médecin et Professeur d’enseignement supérieur en Epidémiologie Clinique à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah - Fès.

- Cette semaine a été marquée par l’apparition de foyers de contamination dans quatre villes distinctes, quelles sont les actions que mettre en oeuvre les autorités sanitaires pour faire face à cette situation?

- En plus de l’évaluation de la situation pour déterminer l’origine et éviter des situations similaires, il est d’une grande importance et de toute urgence de renforcer les mesures de traçage des contacts avec une définition sensible et large des contacts. Il faut l’isolement contrôlé des contacts jusqu’à obtention des résultats de la RT-PCR. Évaluer et renforcer les mesures barrières et de distanciation sociale adoptée dans les structures commerciales et industrielles. Et finalement, se préparer à un éventuel glissement vers la phase 3 de l’épidémie dans ces régions.

- Y-a-t-il le risque de voir la formation de nouveaux «clusters» ?

- Dans ce genre de situation, il est très difficile d’obtenir une exhaustivité dans la traçabilité des contacts et ainsi arrêter la chaîne de transmission. En plus du risque de transmission dans ces milieux professionnels s’ajoute le risque de transmission dans les déplacements de ces employés et le risque de transmission au sein de leurs domiciles. Il est très probable, que les prochains jours connaîtront l’apparition de petits foyers, communautaires et familiaux, liés à ces foyers en milieux professionnels avec un grand risque de diffusion communautaire. Ce qui expose la situation épidemique dans les régions concernées par ces foyers vers la phase 3.

- Faut-il donc s’attendre à une augmenta-tion des contaminations dans les jours à venir ?

- Il faut noter, qu’en plus de la grande disparité de l’évolution de l’épidémie entre les régions, il existe une grande disparité de cette évolution au sein d’une même région, province, et même commune. Ce constat est lié à la précocité et l’efficacité des mesures de distanciation sociale et de confinement misent en place depuis le 21 mars, ce qui a évité au Maroc l’évolution vers une diffusion communautaire dans tout le territoire. La maîtrise de ces foyers, en plus du respect des mesures de distanciation sociale, des mesures barrières, des mesures d’hygiène collectives et individuelles ainsi que le respect du confinement, détermineront l’évolution de l’épidémie sur le plan régional et national.
Receuillis par S. J.

 








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