Priorité à la vie humaine par rapport à l’économie. Jusqu’à présent le confinement général à l’aveugle permet aux pays de gagner du temps pour mieux s’organiser. Ce n’est pas une mauvaise solution pour le Maroc aux vues de l’état de nos ressources. Mais même à devenir obsédé, nul n’est à l’abri, malgré les mesures barrières : masques, lunettes ou visières, gants, lavage des mains, distanciation physique, car on ne peut désinfecter tout ce qu’on touche, respire, côtoie ou porte. Alors comment est-ce que le Maroc – dont la grande vague d’infection est encore à venir - pourrait s’organiser pour mieux s’en sortir ?
Les seuls chiffres fiables actuellement sont les nombres de morts. Les taux de mortalité les plus bas appartiennent à des puissances économiques :
- L’Allemagne – pays le plus peuplé d’Europe avec 83 millions d’habitants sur 468 776 km2, soit près de 177 personnes au km2- rapporte au 1 avril : 54.933 Covid19 actifs, 775 décès, 16.100 guéris, avec une stratégie de dépistages massif, et répété, utilisant le maillage médical de proximité du pays (hôpitaux, cliniques, cabinets médicaux, laboratoires), qui permet aujourd’hui de pratiquer plus de 500.000 tests de dépistage par semaine. Résultats : plus d’infectés recensés, et une mortalité qui n’atteint pas 1%. Pourtant il n’y a pas de confinement en Allemagne : juste une distanciation de 2 mètres, la limitation des déplacements, une limitation des rencontres à 2 personnes distanciées. L’Allemagne produit 1,5 millions de tests chaque semaine, et possède une centaine de machines automate de lecture de tests.
- La Corée du sud 51,47 millions d’habitants sur 100.210 km2, soit 514 personnes au km2, rapporte au 1er avril : 4155 Covid-19 actifs, 165 décès, 5567 guéris. Dès que la chine enregistrait ses 1ers cas, Séoul s’est mise à fabriquer sur place des nouveaux tests avec résultats en 6 H. Elle en pratique 20.000 par jour, et possède la mortalité la plus faible. Dépistage massif et répété. C’est sa stratégie qui a inspiré l’Allemagne, bien que là elle fut poussée à l’extrême, avec pistage par vidéosurveillance des séropositifs, et leurs contacts, et publication sur le Maps à destination du grand public.
On pourrait continuer à passer en revue la performance inédite de Taïwan, qui a mis quasiment en résidence surveillée les personnes venant de l’étranger dès début février. La Thaïlande avec son test non PCR en 10 à 15 mn, ses 97 laboratoires, le Vietnam … etc.
Tous ces pays, qui n’ont pas confiné réellement leurs populations, qui ont isolé seulement les personnes infectés, au prix d’informations claires (y compris le port obligatoire par tous du masque chirurgical), au prix de restrictions importantes des libertés, et quels que soient les traitements utilisés, ont démontré que la clef était dans :
Le Maroc 37 millions d’habitants sur 710.850 km2, soit une moyenne de 74 habitants au km2 devrait donc tendre au dépistage massif et répété, en utilisant son maillage sanitaire :
Tous ces pays, qui n’ont pas confiné réellement leurs populations, qui ont isolé seulement les personnes infectés, au prix d’informations claires (y compris le port obligatoire par tous du masque chirurgical), au prix de restrictions importantes des libertés, et quels que soient les traitements utilisés, ont démontré que la clef était dans :
- la rapidité de l’anticipation, l’isolement des personnes positives, même asymptomatiques.
- « les tests sont une mesure initiale cruciale pour contrôler un virus »,
- une protection et un soutien sans faille du corps soignant, le salut réside dans leur collégialité.
Le Maroc 37 millions d’habitants sur 710.850 km2, soit une moyenne de 74 habitants au km2 devrait donc tendre au dépistage massif et répété, en utilisant son maillage sanitaire :
- Fabriquer des masques chirurgicaux pour toute la population, et obliger tout le monde à en porter. Il en faudrait dans les 80 millions/jour en attendant le dépistage massif.
- Fabriquer les gants jetables, éventuellement en plastic fin (comme ceux pour la coloration des cheveux) pour toute la population, par millions aussi.
- Protéger le corps soignant, par des combinaisons, des visières, des masques FFP2, des gants et bottes protège chaussures. Et « tester, tester, tester »
- Fabriquer à tout prix ses tests, acheter le procédé, plutôt qu’attendre son tour pour pouvoir acheter les tests, et les voir détournés contre du cash. Il en faudrait au minimum 160 millions.
- Opter dans un 1er temps pour le dépistage massif avec les tests rapides sérologiques, non PCR, voir des autotests. S’ils sont positifs, adresser les patients aux laboratoires de virologie, pour confirmation et confinement obligatoire de 25 jours. S’ils sont négatifs, les refaire 5 à 8 jours après,
- Profiter du maillage médical, pour le dépistage massif de proximité : cliniques, cabinets médicaux, laboratoires privés, pharmacies, infirmeries, centres de santé, étudiants en médecine. Réserver les CHU aux cas compliqués à ventiler artificiellement, et les hôpitaux publiques et cliniques aux cas symptomatiques mineurs.
- Choisir une stratégie de déconfinement : Libérer seulement les personnes immunisées, ou également les personnes négatives pour la sauvegarde de notre économie. Ou bien sortie progressive générale à l’aveugle and wait and see.
- Information claire et transparente de la population sur les mesures barrières : port de masque, gants, lunettes ou visière, distanciation physique de 2 m (et non 1 m), lavage des mains, pas de rencontre supérieure à 2 personnes distanciées entre elles.
- Si l’immunité induite par le BCG se concrétisait, vacciner tous ceux qui seraient IDR (intradermoréaction à la tuberculine) négatifs, au-delà de 6-7 ans, ou mieux vacciner tous les adultes Corona-négatifs.
- En attendant gérer la pénurie de test, en prescrivant des TDM (scanner) thoraciques au moindre signe suspect.
- Laisser les médecins adapter les traitements précoces à chaque malade.
- Information transparente sur l’état de la contagion dans le pays. Et pourquoi pas un tracking téléphonique anonyme.
- Supprimer les concours d’accès aux facultés de médecine. Quitte à devoir exporter les médecins comme Cuba.
Le Maroc peut le faire : « être rapide, transparent et préventif », comme en Corée du Sud. Tôt ou tard, il devra faire tout cela, pour sortir du confinement en toute sécurité, au risque d’éterniser la crise sanitaire, et de ruiner l’économie pour des années à venir. Personne ne nous aidera mieux que nous même, c’est chacun pour soi même chez les alliés. C’est une véritable Marche Verte pour la vie qu’il faut entreprendre.
Professeur Aziza Benkirane
Professeur Aziza Benkirane