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Crise libyenne : Rabat et Athènes dénoncent l’ingérence étrangère


Rédigé par La rédaction Mercredi 22 Janvier 2020

Internationalisé depuis l’intervention militaire de l’OTAN en 2011, qui s’est achevée par la chute du régime de Khaddafi, le drame libyen ne cesse de s’aggraver, avec multiplication des intervenants étrangers, au grand dam des pays maghrébins, africains et de la Méditerranée orientale.



Dimanche 19 janvier va se tenir à Berlin un Sommet sur la Libye auquel ne prennent part ni les parties en conflit, ni la Tunisie, ni la Grèce, ni le Maroc, ces trois pays étant pourtant directement concernés, à divers degrés.

Le format choisi pour le Sommet de Berlin, « 5+5 », à savoir les cinq membres permanents du Conseil de sécuritéde l’ONU (Etats-Unis, France, Russie, Chine, Grande Bretagne) et cinq acteurs considérés (par qui ?) comme « clefs » du conflit libyen (Italie, Allemagne, Turquie, Egypte, Emirats arabes unis), est très révélateur.

UMA, UA, UE out !

Sur ces dix pays, un seul est africain, l’Egypte. Dans son infinie mansuétude, la chancelière allemande, Angela Merkel, a daigné, en fin de compte, inviter également l’Algérie. L’inexistence de l’Union du Maghreb Arabe et l’inutilité de l’Union Africaine sont, ainsi, officiellement actées.

Les pays européens se distinguent, dans cette affaire libyenne, par la profondeur de leurs mésententes. La France soutient discrètement Haftar, tandis que l’Italie apporte son appui, tout aussi discret, au gouvernement Serraj. Et il est fait peu de
cas des intérêts de la Grèce, pourtant voisin maritime de la Libye. La politique extérieure unifiée de l’Union Européenne s’avère, ainsi, être juste un discours pompeux destiné à la consommation interne.

Les protecteurs de la « révolution » étrangement absents

Tout aussi intéressant est l’apparent désintérêt des Etats-Unis pour ce conflit, et ce, après avoir mobilisé la communauté internationale pour démolir le régime de Khaddafi. On est loin de la prise de « toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne » à laquelle appelait la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, le 17 mars 2011.

Maintenant que les Libyens s’entretuent, il n’est prévu aucune opération « United Protector » de l’OTAN pour préserver la vie des civils coincés dans les zones de combat.

Irréductibles protagonistes

Organisée sous l’égide de la Russie et de la Turquie, lundi 13 janvier à Moscou, la rencontre entre les deux frères ennemis
libyens, Faïz Sarraj, chef du Gouvernement d’Union Nationale libyen (GNA) basé à Tripoli, et le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne, n’a pas abouti à la suspension des hostilités escomptée. Ce dernier a, en effet, quitté la capitale russe sans
avoir signé l’accord de cessez-le-feu proposé par les pays organisateurs.

Espace de confrontation pour intérêts divers

Egypte, Emirats arabes unis et Arabie Saoudite soutiennent la faction de Khalifa Haftar surtout pour contrer le gouvernement de Faïz Serraj, accusé d’être sous l’influence des Frères musulmans et des milices islamistes et de Misrata (tribu composée de descendants de soldats turcs). L’accord militaire signé, le 27 novembre, entre la Turquie et le gouvernement Serraj n’a fait qu’envenimer
les choses, le Parti au pouvoir à Ankara appartenant à la mouvance des Frères musulmans.

Pour Ankara, le calcul est double. D’une part, soutenir un régime de la même obédience idéologique, avec des avantages économiques à la clef, une fois la paix rétablie. D’autre part, tracer des frontières maritimes avec la Libye, afin d’étendre le domaine maritime turc en Méditerranée orientale, en empiétant sur ceux des autres pays riverains, la Grèce et l’Egypte essentiellement.

Maghrébins et Africains, les grands perdants

Outre la population libyenne, livrée à la folie sanglante des parties en conflit et à l’appétit des puissances régionales, les principaux perdants du conflit libyen sont les pays maghrébins et africains, ceux du Sahara et du Sahel en particulier. Car la déliquescence de l’Etat libyen a permis à Al Qaïda et Daech de s’y installer et y proliférer, et de là, étendre leurs activités terroristes et criminelles
vers cette zone de non-droit qui s’étend des frontières de la Mauritanie à celles du Soudan, plongeant leurs tentacules en Afrique de l’Ouest.

Les chances pour que le Sommet de Berlin sur la Libye produise une quelconque avancée sont aussi minces que celles des
sept autres qui l’ont précédé, depuis la conférence de Skhirat. « La Libye n’est pas un fonds de commerce ou de diplomatie qui peut être utilisé pour organiser des conférences et se prendre en photos », a fait sévèrement remarquer Nasser Bourita, qui dénonce des « shows diplomatiques ».

Ahmed NAJI

​Réémergence des vieux clivages

Après la chute de la dictature kaddhafiste, les tribus libyennes sont revenues à l’ancienne partition du pays. En 1919, l’Italie reconnaît l’autonomie de la République de Tripolitaine, proclamée un an plus tôt, et de l’Emirat de Cyrénaïque, dirigé par Idriss, chef de la confrérie des Senoussi. La Tripolitaine, à laquelle le Fezzan était rattaché, fut placée sous contrôle britannique après la 2ème guerre mondiale, la Cyrénaïque, sous contrôle français. En 1949, l’ONU se prononce en faveur d’un Etat libyen unifié et Idriss 1er fut proclamé Roi de Libye, premier Etat indépendant du Maghreb, en 1951. En fait, cette partition, qui a toujours existé, date de l’antiquité, quand la Tripolitaine était sous influence phénicienne et la Cyrénaïque, grecque. Chassez le naturel, il revient au galop ! 

​Repères

Crise de légitimité
 A quelle légitimité peut réellement prétendre chacune des parties en conflit en Libye ? Même si le gouvernement de Faïz Serraj, constitué le 12 mars 2016, jouit de la reconnaissance de l’ONU, il n’est pas reconnu par le parlement de Tobrouk, dont les membres ont été légalement élus, le 25 juin 2014. Réinstallé en 2019 à Benghazi, ce parlement a également vu sa légitimité remise en cause par la Cour suprême libyenne, qui a modifié, le 6 novembre 2014, une disposition de la Constitution de ce pays, annulant de fait le résultat des élections législatives.
Guerre des hydrocarbures en Méditerranée orientale
1,7 milliard de barils de pétrole et 3,45 billions de mètres cubes de gaz naturel, telle est l’estimation des experts du potentiel du bassin Levantin, à l’Est de la Méditerranée orientale. La gourmandise turque est contrariée par la fermeté de l’Egypte, de la Grèce et de Chypre, pays maritimes riverains de la Libye et adversaires de la Turquie, qui rejettent, avec l’Union européenne et les Etats-Unis, l’accord de délimitation des frontières maritimes, conclu entre Ankara et Tripoli. Le Maroc s’interroge sur sa conformité avec l’accord de Skhirat.

Autre coût du Non-Maghreb
La Tunisie, directement menacée par le conflit libyen, tente d’en éviter l’aggravation. L’Algérie, non moins inquiète de ses frontières orientales, cherche à se donner un rôle plus important, maintenant qu’elle a un nouveau président. Aucun de ces deux pays ne pèse suffisamment lourd pour influer sur les évènements en Libye. Aucun d’entre eux n’a songé mobiliser l’UMA afin d’y contrer les influences étrangères. A jouer chacun sa propre partition, les pays maghrébins voient leur espace régional commun outragé par des intérêts étrangers. C’est là un autre coût du non-Maghreb








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