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De la nécessité d’un PLF plus audacieux


Rédigé par Abdellatif Maâzouz le Mardi 10 Novembre 2020

« Pour que la Loi de finances 2021 instaure les conditions perceptibles d’une relance économique vigoureuse, d’une couverture sociale rassurante et d’une préservation soutenable des équilibres économiques et sociaux de notre pays ».



Abdellatif Maâzouz
Abdellatif Maâzouz
L’AEI avait réagi, le 22 septembre 2020, à la note de cadrage du chef du gouvernement concernant le projet de loi de finances (PLF) 2021. Elle avait alors proposé dix mesures urgentes à intégrer dans ledit projet en vue de soutenir notre tissu économique, sauvegarder l’emploi, préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens et préparer l’avenir de notre pays en agissant immédiatement et en investissant particulièrement dans la santé, la protection sociale et dans les transitions écologique et digitale. L’AEI avait également insisté sur la nécessité pour le gouvernement de bien définir le nouveau positionnement international de notre économie au regard des opportunités créées par le redéploiement en cours des chaînes de valeur internationales et plus particulièrement européennes et d’y mettre les moyens qu’il faut. 

En effet, la crise sans précédent que nous vivons appelle le Gouvernement à adopter des mesures exceptionnelles et à déployer les moyens appropriés pour en réduire les effets. De louables intentions ont été annoncées en matière de relance économique, de couverture sociale, d’amélioration de la gouvernance du secteur public et de régularisation des activités informelles. Mais, le PLF présenté par le Gouvernement souffre d’un manque d’audace quant aux mesures et moyens mobilisés, d’une absence de ciblage des populations à soutenir et des activités à sauvegarder et d’une imprécision dans la programmation spatiale et temporelle devant traduire ces intentions en actions impactantes. 

Les mesures de relance économique et de couverture sociale doivent être massives et rapides pour donner les effets socioéconomiques escomptés. La version actuelle du PLF 2021 ne répond pas à cette préoccupation. 

Par ailleurs, les mesures annoncées par ce projet risquent d’être retardées, voire bloquées, par l’absence de certains éléments du cadre législatif et réglementaire approprié. C’est le cas de la loi sur les partenariats public-privé (PPP), sachant qu’une partie importante des financements des grands projets prévus par le PLF 2021 en dépend. C’est également le cas de la charte des investissements et de la réforme fiscale issue des assises de la fiscalité sur lesquelles le gouvernement a beaucoup investi pour améliorer l’environnement des affaires dans notre pays.

Comme prévu, la réforme fiscale tant attendue aurait pu élargir la base imposable, réduire de manière substantielle les niches fiscales sans effets économiques et sociaux, et alléger la pression sur les revenus et la consommation des ménages. Elle aurait ainsi pu assurer plus de ressources et moins d’endettement public.

D’autres réformes et textes de lois promis par le gouvernement sont aussi en attente, alors qu’ils sont déterminants pour la mise en œuvre des mesures annoncées ; c’est le cas, par exemple, de la réforme des retraites, de la loi sur l’arbitrage et la médiation, de la loi sur la grève, ou celle portant création du Conseil national consultatif de la Santé, et bien d’autres. 

Les « programmes » présentés ces derniers jours par certains départements ministériels devant les commissions parlementaires ne manquent pas d’ambition sur le moyen et le long termes. Or, le pays a surtout besoin, dans l’état actuel des choses, d’actions fortes et immédiates pour endiguer la recrudescence de la crise sanitaire, réduire ses profondes séquelles économiques et contrecarrer ses stigmates sociaux. En cette fin de mandat, nous aurions souhaité que le gouvernement programme des actions immédiates, ciblées et dotées de moyens suffisants pour :

• Actionner les moteurs de croissance de notre économie, des moteurs générateurs d’emplois immédiats aussi bien dans le milieu urbain que rural. Il s’agit particulièrement du logement et des infrastructures de proximité (économie d’eau et d’énergie, généralisation de l’internet, décloisonnement de zones rurales, reboisement des domaines forestiers, équipement en panneaux solaires des logements et PME, recyclage des déchets solides, etc.) ; 

• Réduire les budgets concernant les investissements dans les grandes infrastructures, à l’exception de l’eau et l’énergie, au profit des petits projets de proximité ci-dessus et des infrastructures (externalités) permettant le lancement ou la réalisation de projets directement productifs et créateurs d’emplois (industrie, tourisme, services, santé, éducation, technologies, énergie…) ;

• Déployer l’aide aux petits et moyens agriculteurs pour faire face à la sècheresse et moderniser leur mode de production ;

• Lancer immédiatement une aide directe aux artisans et professionnels touchés par la crise, accompagnée de programmes de formation et de modernisation de leurs outils et méthodes et les accompagner dans la formalisation progressive de leurs activités ;

• Programmer une aide aux artisans leur permettant de financer leur cycle d’exploitation et leur donner l’accès à « Intilaka », au même titre que les start-ups ;

• Soutenir le pouvoir d’achat des pauvres et de la classe moyenne pour relancer la demande intérieure de biens et services adressée aux entreprises locales, notamment les PME et TPE.

A cet effet, il est encore possible d’introduire certaines dispositions dans le PLF telles que :

Soutenir les entreprises et les activités en difficulté en :
• Exonérant de tous droits et taxes et en amnistiant les apports des associés pour augmenter les fonds propres de leurs entreprises ; y compris les comptes courants associés en exigeant leur blocage sur 3 ans ;

• Exonérer de tous droits et taxes les opérations de transfert de capital (total ou partiel) des entreprises en difficulté ;

• Accorder aux repreneurs des entreprises en difficulté les mêmes avantages que ceux accordés aux nouveaux investisseurs et simplifier les procédures de cession ;

• Surseoir à tous les ATD jusqu’à fin 2021 ;

• Encourager la régularisation des activités et emplois informels, moyennant une amnistie fiscale et sociale et l’accès aux programmes de financement en cours. 

Préserver l’emploi et le pouvoir d’achat des citoyens :
• Reconduire pour 2021 les mesures d’aide au logement prévues par le CVE en 2020 ;

• Amender l’article concernant exonération de l’IR sur 2 ans pour les nouvelles recrues de moins de 30 ans en éliminant la limite d’âge, en l’élargissant la mesure aux personnes ayant définitivement perdu leur emploi et obligées de changer de métier pour se réinsérer ; et prévoir une prise en charge systématique, par l’OFPPT, des frais de formation pour leur réinsertion professionnelle ;

• Elargir l’exonération de l’IR cidessus aux emplois domestiques et permettre aux ménages de bénéficier de la déduction des salaires des personnels domestiques de leurs revenus imposables. Ceci les encouragerait à contractualiser et à formaliser cette relation de travail;

• Mettre immédiatement en application l’indemnité pour perte d’emploi au profit des victimes de la crise Corona et en profiter pour régulariser la situation des salariés non déclarés ;

• Elargir et relever la valeur des tranches de l’IR pour réduire la pression fiscale sur les moyens et faibles revenus ;

• Exonérer de TVA toutes les dépenses de santé (actes médicaux et médicaments éligibles à l’AMO), notamment ceux concernant le traitement des maladies chroniques ;

• Relever le seuil de perception de la contribution solidaire de 1,5% sur les revenus à partir de 240.000 Dh par an ; 

• Instituer une contribution solidaire de 1,5% minimum sur les opérations de placements en produits de bancassurance, sur les produits perçus de ces placements et sur les plus-values réalisées sur la cession de valeurs mobilières, des terrains et des biens immeubles.

Des propositions d’amendements ont été introduites par le Groupe parlementaire du Parti de l’Istiqlal, dans ce sens. Nous comptons sur le gouvernement pour les prendre en considération dans la mouture finale de cette Loi de finances. 

Professeur Abdellatif Maâzouz, Président de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI).







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