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Décarbonisation : nouveau sésame d’un export éco-responsable


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 20 Décembre 2020

Les enjeux de décarbonisation des économies sont intimement liés aux efforts de lutte contre les impacts dangereux du changement climatique. Explications.



Décarbonisation : nouveau sésame d’un export éco-responsable
Limitation du réchauffement climatique à 1.5°c, neutralité carbone, décarbonisation des économies… Autant de termes liés aux efforts de lutte contre les impacts dangereux des changements climatiques qui ne sont pas toujours simples à appréhender. Pourtant, ce jargon décrit des chantiers dont la réalisation promet de « sauver le monde » et, chemin faisant, de refaçonner notre mode de vie. Partant du fait que les changements climatiques sont scientifiquement incontestables et que les activités humaines accélèrent les processus, diverses nations de la planète se sont mobilisées depuis plusieurs années pour éviter de voir augmenter la dangerosité des impacts de ce phénomène global. Une des étapes majeures de cette dynamique a eu lieu en 2015 à Paris lors de la 21ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). La majorité des représentants de 195 pays rassemblés pendant cet événement voulait établir une feuille de route pour limiter le réchauffement global de la planète à 2 °C par rapport aux températures enregistrées avant la révolution industrielle.

L’enjeu de la montée du niveau des océans
« Les petits États insulaires du Pacifique avaient refusé catégoriquement de signer un tel accord, à moins d’établir l’objectif à une hausse de 1,5 °C. Particulièrement vulnérables aux changements climatiques, ils savaient pertinemment qu’un réchauffement de 2 °C signifierait la fin de leurs îles, menacées par la hausse du niveau des océans », raconte Hassan Agouzoul, expert en changements climatiques et en développement durable. Un compromis a finalement pu être trouvé, in extremis, engageant ainsi les États signataires de l’Accord de Paris à stabiliser le réchauffement climatique « nettement en dessous » de 2 °C d’ici à 2100, tout en renforçant les efforts pour atteindre l’objectif de 1,5 °C. « La différence entre l’objectif de 2 °C et celui de 1,5 °C n’est pas anodine. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans le premier cas, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 70 % d’ici à 2050 et, dans le deuxième cas, de 80 % à 90 % », souligne Hassan Agouzoul.

Entre tenable et faisable
Les différents scénarii des climatologues révèlent par ailleurs que les conséquences du réchauffement climatique seront nettement plus prononcées avec une hausse de 2 °C (forte montée du niveau des océans, perte de glace aux pôles, destruction de certains écosystèmes, risques pour la santé et le bien-être des populations humaines…). « Aujourd’hui, nous en sommes à 1,2°C et nous observons déjà des extrêmes climatiques et une volatilité sans précédent dans toutes les régions et sur tous les continents », explique Hassan Agouzoul. Même si l’enjeu est aussi considérable, limiter le réchauffement global de la planète s’avère comme un défi titanesque surtout lorsqu’il s’agit de convaincre chaque nation de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. «Chaque dixième de degré de réchauffement est important. La science est très claire : pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, le monde doit réduire la production de combustibles fossiles d’environ 6 % par an d’ici à 2030 », poursuit la même source.

Décarboner pour atteindre la neutralité
À l’occasion du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a tenu le samedi 12 décembre le « Sommet Ambition Climat ». Lors de ce Sommet mondial, M. António Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, a annoncé que « l’objectif central des Nations Unies pour 2021 est de construire une véritable Coalition mondiale pour la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle ». « Neutralité carbone signifie que nous n’ajoutons pas de nouvelles émissions dans l’atmosphère. Les émissions continueront, mais seront équilibrées en absorbant une quantité équivalente de l’atmosphère », explique Hassan Agouzoul. António Guterres a appelé « chaque pays, ville, institution financière et entreprise » à « adopter des plans pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050 et commencer à les exécuter dès maintenant». Si certaines nations ou groupement de pays (l’Europe en l’occurrence) n’ont pas attendu 2020 pour se fixer un cap vers la neutralité carbone, la dynamique de décarbonisation amorcée actuellement prend une allure mondiale. Il est était d’ailleurs plus que temps.

Oussama ABAOUSS 

3 questions à Hassan Sentissi El Idrissi, président de l’ASMEX

Hassan Sentissi El Idrissi
Hassan Sentissi El Idrissi
« La décarbonisation est considérée à notre niveau comme une opportunité »

Président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), Hassan Sentissi El Idrissi explique son point de vue sur l’enjeu de décarbonisation de l’économie nationale.

- Comment vous préparez-vous pour vous conformer aux nouveaux standards européens en matière de décarbonisation ?
- Pour se conformer aux nouveaux standards européens, il est nécessaire et urgent de doter nos entreprises d’énergies propres. Le plan de relance de l’industrie marocaine devrait placer la décarbonisation du tissu productif en priorité à la lumière de ce qui se passe dans d’autres contrées, à l’instar de l’Europe. Récemment, à travers une commission thématique créée suite à la signature d’une convention avec un partenaire mondial, l’ASMEX envisage de déployer un plan d’actions qui vise à sensibiliser et accompagner les entreprises exportatrices marocaines à se doter de dispositifs de génération d’énergies propres.

- Quels sont les obstacles qui se dressent devant les entreprises dans ce processus ?
- L’obstacle majeur qui s’oppose particulièrement pour les PME est le financement. L’ASMEX a pris ce facteur en compte en s’associant à des partenaires apportant et les solutions technologiques et les financements nécessaires. Nous sommes en cours d’exploration d’autres solutions économiques afin que les entreprises marocaines puissent accéder à l’utilisation des énergies propres.

 - Comment peut-on envisager cette nouvelle contrainte comme une opportunité ?
- La décarbonisation est considérée à notre niveau comme une opportunité ainsi qu’un axe de différenciation par rapport à d’autres offres concurrentielles existantes. Elle permettra de réduire sensiblement la facture énergétique qui pénalise le processus de production au niveau des PME et renforcer ainsi leur compétitivité sur les marchés internationaux.

(Interview avec MAP)

Encadré

Bâtiment : le PNUE pointe un ralentissement de la décarbonisation du secteur
Publié mercredi 16 décembre, le rapport 2020 sur la situation mondiale des bâtiments et de la construction, compilé par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Alliance mondiale pour le bâtiment et la construction précise que la décarbonisation du secteur du bâtiment s’est ralentie et que, parallèlement, les investissements dans des matériaux de construction et des systèmes d’éclairage plus propres ont diminué.»L’augmentation des émissions du secteur du bâtiment est due à l’utilisation continue du charbon, du pétrole et du gaz naturel pour le chauffage et la cuisine, combinée à des niveaux d’activité plus élevés dans les régions où l’électricité reste à forte intensité de carbone, ce qui se traduit par un niveau constant d’émissions directes, mais des émissions indirectes croissantes», souligne le rapport. La directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen, a pour sa part expliqué que «l’augmentation des émissions dans le secteur du bâtiment et de la construction souligne la nécessité d’une triple stratégie pour réduire agressivement la demande énergétique dans l’environnement bâti, décarboniser le secteur de l’électricité et mettre en œuvre des stratégies de matériaux qui réduisent les émissions de carbone sur le cycle de vie». Les experts indiquent cependant qu’il est possible d’atteindre des objectifs de zéro émission dans le secteur du bâtiment, à condition d’adopter des politiques et des réglementations visant à encourager l’adoption de systèmes d’éclairage, de toitures et de matériaux de construction plus propres. 

Repères

Le Royaume bien outillé pour décarboniser
Les énergies renouvelables sont considérées parmi les leviers qui facilitent les efforts de décarbonisation des industries. Le Maroc est à cet égard bien avantagé grâce aux efforts consentis ces dernières années pour construire des infrastructures solaires et éoliennes. Le Royaume prépare également la mise en place d’une filière d’hydrogène vert qui va contribuer à décarboner plusieurs secteurs industriels. Rappelons que le Maroc compte porter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique à 52% à l’horizon 2030.
Le groupe Azura 100% neutre en carbone
Basé à Perpignan et Casablanca, le groupe franco-marocain Azura vient d’annoncer qu’il est devenu le premier producteur de tomates fournisseur de la grande distribution à atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de ses opérations, de ses fermes aux assiettes des consommateurs. « Ce sont ainsi près de 192.000 tonnes de CO₂ qui seront compensées chaque année. Cet engagement responsable sera identifiable par un logo spécifique sur les emballages, à l’attention des consommateurs », souligne un communiqué du groupe. 



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