Si les médecins du ministère de la Santé ont -ces derniers mois- été au front de la lutte curative contre le coronavirus, les médecins d’hygiène ont pour leur part bataillé sur le front préventif. Les 271 bureaux d’hygiène que compte notre pays ont quasiment tous été mobilisés pour désinfecter, sensibiliser et limiter les risques de propagation du virus. Affiliés au ministère de l’Intérieur, ces chevilles ouvrières sont réparties dans toutes les communes et municipalités du Royaume. Pour pouvoir mener leurs actions avec tous les moyens nécessaires, les bureaux communaux d’hygiène (BCH) ont reçu un appuie financier considérable de la part des communes et des régions qui ont été exceptionnellement autorisées à leur réallouer des budgets. « Cela a été fait afin de renforcer la capacité d’action des BCH visà-vis de la pandémie et ainsi disposer du matériel exceptionnel nécessaire » explique Dr Jamal Bakhat, Chef de division d’hygiène et de contrôle sanitaire à Tanger et président de la Société Marocaine des Médecins d’Hygiène et de Salubrité Publique (SMMHSP).
Mise à niveau des BCH
Si la mission des BCH a globalement été bien menée en cette période de pandémie, force est cependant de constater qu’il existe une disparité spatiale des BCH « consacrant l’iniquité dans l’accès aux services offerts ». Entre des bureaux d’hygiène plutôt bien équipés dans les grandes villes et d’autres ruraux souvent bien moins lotis, les différences de moyens sont parfois colossales. C’est sur la base de ce constat que le ministère de l’Intérieur a entamé une mise à niveau des BCH il y a une décennie déjà (voir infographie). «Après évaluation, l’impact de cette mise à niveau s’est révélé très positif sur le développement la valorisation et les actions des BCH sur le terrain » souligne Dr Bakhat qui cependant relève un certain nombre de pistes potentielles pour continuer les efforts d’amélioration.
Les chantiers à court terme
« La pandémie de coronavirus a mis en évidence l’importance du rôle des BCH dans la sécurité sanitaire de notre pays. Par conséquent ils doivent -pour continuer à relever ce défi- disposer des moyens nécessaires pour être capables d’accomplir leurs tâches dans les meilleures conditions » précise Dr Bakhat. A court terme, le spécialiste suggère de généraliser la mise à niveau des BCH, de les informatiser et de les doter de moyens humains (médecins, techniciens et infirmiers) et de budgets suffisants pour garantir leur autonomie technique. « Il est également nécessaire de mettre en place un référentiel d’emplois pour déterminer les responsabilités de chaque intervenant du BCH et garantir que la gestion soit faite par un médecin ou à défaut, par un technicien d’hygiène ou un vétérinaire du bureau. Il est enfin important de créer une coordination provinciale et interrégionale entre BCH pour veiller à mutualiser les moyens et les compétences et ainsi standardiser et harmoniser les actions » propose le président de la SMMHSP.
Vers une deuxième étape
Sur le long terme, Dr Jamal Bakhat préconise de reconsidérer la place du BCH dans l’organigramme des communes en fonction de la taille de la population desservie. « Il sera nécessaire de mettre à jour le cadre juridique régissant les BCH et de revoir l’Arrêté conjoint entre le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Santé qui fixe les attributions du BCH. Il existe également la possibilité de créer une institution dédiée aux BCH (sous l’égide de la Direction de la Planification et de l’Equipement) qui pourrait exercer une vraie tutelle technique lui permettant de coordonner et de statuer » précise le médecin d’hygiène. « Alors que l’OMS tergiversait sur les mesures à adopter ou à prioriser, le conseil scientifique de notre pays a pris des décisions, des plans d’action ont été élaborés et nous avons tous travaillé. Malgré les circulaires, il y a néanmoins des BCH dans certaines zones rurales qui ont eu des difficultés avec les présidents des communes » avoue le médecin d’hygiène qui considère ces pistes d’amélioration comme des mesures qui pourraient impulser le fonctionnement et l’efficience des BCH.
Oussama ABAOUSS
3 questions à Dr Jamal Bakhat médecin d’hygiène
Dr Jamal Bakhat
« Le Maroc a très tôt investi pour se donner les moyens qu’il faut dans ce domaine »
Chef de division d’hygiène et de contrôle sanitaire à Tanger et président de la Société Marocaine des Médecins d’Hygiène et de Salubrité Publique, Dr Jamal Bakhat répond à nos questions.
Chef de division d’hygiène et de contrôle sanitaire à Tanger et président de la Société Marocaine des Médecins d’Hygiène et de Salubrité Publique, Dr Jamal Bakhat répond à nos questions.
- Comment les bureaux d’hygiène ont-ils globalement géré la pandémie de coronavirus ?
- Même si beaucoup de personnes n’ont réellement compris l’importance du rôle des bureaux d’hygiène que très récemment, il faut souligner que le Maroc a très tôt investi pour se donner les moyens qu’il faut dans ce domaine. Au moment où s’est installée la pandémie, les bureaux d’hygiène des grandes villes comme Rabat, Marrakech ou Agadir disposaient déjà d’équipements adaptés et de personnels qualifiés. A noter aussi que les médecins des BCH ont bénéficié ces dernières années de formation continue sur plusieurs thèmes, notamment concernant la médecine des catastrophes ou encore dans le domaine de la gestion de dépouilles mortelles (comment gérer les décès en cas de catastrophe ou de pandémie).
- Les moyens dont disposaient les bureaux d’hygiène étaient-ils suffisants pour mener les interventions nécessaires durant la pandémie ?
- Les BCH ont pu rapidement obtenir les fonds nécessaires pour se doter des moyens complémentaires nécessaires pour suivre l’évolution de la pandémie notamment grâce à des circulaires de plusieurs ministère qui ont permis de réallouer des budgets communaux. A Tanger par exemple nous avons reçu 10% du budget global de la commune et 10% du budget de chaque arrondissement, ce qui représente un budget très important.
- Comment préparez-vous le déconfinement ?
- Nous continuons à mener les actions de désinfections notamment des structures, des taxis et des véhicules de transport du personnel, ou encore des salles où les futurs bacheliers vont passer leurs examens. Grâce à des fiches de contrôle (check-lists) élaborées par la Société Marocaine des Médecins d’Hygiène puis validées par le ministère de l’Intérieur -qui les a ensuite diffusées aux autres BCH- nous pourrons nous assurer que chaque type d’établissements est en conformité avec les dispositions spécifiques qui le concernent.
- Même si beaucoup de personnes n’ont réellement compris l’importance du rôle des bureaux d’hygiène que très récemment, il faut souligner que le Maroc a très tôt investi pour se donner les moyens qu’il faut dans ce domaine. Au moment où s’est installée la pandémie, les bureaux d’hygiène des grandes villes comme Rabat, Marrakech ou Agadir disposaient déjà d’équipements adaptés et de personnels qualifiés. A noter aussi que les médecins des BCH ont bénéficié ces dernières années de formation continue sur plusieurs thèmes, notamment concernant la médecine des catastrophes ou encore dans le domaine de la gestion de dépouilles mortelles (comment gérer les décès en cas de catastrophe ou de pandémie).
- Les moyens dont disposaient les bureaux d’hygiène étaient-ils suffisants pour mener les interventions nécessaires durant la pandémie ?
- Les BCH ont pu rapidement obtenir les fonds nécessaires pour se doter des moyens complémentaires nécessaires pour suivre l’évolution de la pandémie notamment grâce à des circulaires de plusieurs ministère qui ont permis de réallouer des budgets communaux. A Tanger par exemple nous avons reçu 10% du budget global de la commune et 10% du budget de chaque arrondissement, ce qui représente un budget très important.
- Comment préparez-vous le déconfinement ?
- Nous continuons à mener les actions de désinfections notamment des structures, des taxis et des véhicules de transport du personnel, ou encore des salles où les futurs bacheliers vont passer leurs examens. Grâce à des fiches de contrôle (check-lists) élaborées par la Société Marocaine des Médecins d’Hygiène puis validées par le ministère de l’Intérieur -qui les a ensuite diffusées aux autres BCH- nous pourrons nous assurer que chaque type d’établissements est en conformité avec les dispositions spécifiques qui le concernent.
Recueillis par O. A.
Encadré
Prérogatives : Les multiples domaines d’intervention des bureaux communaux d’hygiène
Le bureau communal d’hygiène (BCH) est un service technique de la commune, chargé de la veille sur l’état de propreté et de la salubrité de l’environnement de la population. En plus de ses activités administratives, ses missions d’hygiène publique consistent à surveiller et à contrôler l’hygiène des établissements publics, de l’habitat et des projets d’urbanisme et d’aménagement des territoires, la salubrité des moyens de transport publiques et sanitaires, de la voirie, des égouts et de la gestion des déchets liquides et solides. Le BCH est également missionné pour veiller à l’hygiène alimentaire en surveillant la qualité des aliments, des boissons et des condiments destinés à la consommation, en participant aux enquêtes demandées en cas d’intoxications alimentaires ou d’épidémies, en contrôlant la salubrité des cours d’eau, de l’eau potable, des points d’eau destinés à la consommation publique et des eaux de baignade. La mission du BCH comporte également des activités médicolégales comme le contrôle des inhumations et des exhumations, du transport sanitaire et mortuaire ou encore l’établissement de constat de décès et la réalisation des autopsies visant l’identification de la cause du décès. Parmi les prérogatives des BCH figurent enfin le traitement sero-vaccinal et la pratique des soins au profit des personnes mordues par les chiens ou autres animaux suspects, la lutte contre les vecteurs des maladies (moustiques, mouches, cafards, rats…) ainsi que toutes les maladies endémiques ou dangereuses.
Le bureau communal d’hygiène (BCH) est un service technique de la commune, chargé de la veille sur l’état de propreté et de la salubrité de l’environnement de la population. En plus de ses activités administratives, ses missions d’hygiène publique consistent à surveiller et à contrôler l’hygiène des établissements publics, de l’habitat et des projets d’urbanisme et d’aménagement des territoires, la salubrité des moyens de transport publiques et sanitaires, de la voirie, des égouts et de la gestion des déchets liquides et solides. Le BCH est également missionné pour veiller à l’hygiène alimentaire en surveillant la qualité des aliments, des boissons et des condiments destinés à la consommation, en participant aux enquêtes demandées en cas d’intoxications alimentaires ou d’épidémies, en contrôlant la salubrité des cours d’eau, de l’eau potable, des points d’eau destinés à la consommation publique et des eaux de baignade. La mission du BCH comporte également des activités médicolégales comme le contrôle des inhumations et des exhumations, du transport sanitaire et mortuaire ou encore l’établissement de constat de décès et la réalisation des autopsies visant l’identification de la cause du décès. Parmi les prérogatives des BCH figurent enfin le traitement sero-vaccinal et la pratique des soins au profit des personnes mordues par les chiens ou autres animaux suspects, la lutte contre les vecteurs des maladies (moustiques, mouches, cafards, rats…) ainsi que toutes les maladies endémiques ou dangereuses.
Repères
Un Arrêté Viziriel vieux de 79 ans
Le texte réglementaire qui définit et détaille les attributions des bureaux d’hygiène au Maroc est un « Arrêté Viziriel » qui date de 1941. Depuis l’indépendance du Royaume, plusieurs circulaires des ministères de la Santé et de l’Intérieur ont cependant complété cet Arrêté et ont tenté de définir les champs d’action et prérogatives des bureaux (communaux et municipaux) d’hygiène de sorte à ce qu’il n’y ait pas de chevauchements de leurs attributions avec ceux du ministère de la santé.
Formation des formateurs
Durant la période 2018-2019 s’est déroulée une formation dédiée à préparer des médecins formateurs dans le domaine des métiers d’hygiène. Les praticiens qui ont bénéficié de ce cycle ont été choisis parmi les éléments expérimentés qui se sont distingué dans le développement de leurs bureaux d’hygiène. Ces médecins ont reçu un diplôme de formateurs -de la part du ministère de l’Intérieur- qui les prédestine à assurer à leur tour des formations adéquates à d’autres spécialistes des métiers d’hygiène.