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Dominique Riquet : « Tout le monde en Europe a compris que sans le Maroc, le Sahara et le Sahel deviendront des zones d’insécurité et de terrorisme »

Interview avec Dominique Riquet


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 2 Février 2021

Sahara, immigration, influence au Parlement européen, l’Algérie, le député européen Dominique Riquet fait le point des dossiers délicats des relations entre le Maroc et l’Union Européenne, et ne cache pas son souhait d’une reconnaissance européenne de la marocanité du Sahara, aussi difficile soit-elle.



Dominique Riquet
Dominique Riquet
Après la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, le Maroc a multiplié les appels à l’Union Européenne pour suivre son allié. Député européen, et ami du Maroc, Dominique Riquet nous livre sa vision, tout en se prononçant sur les tentatives de pression menées par l’Algérie au sein du Parlement européen pour nuire aux intérêts du Maroc, et sur les dessous de l’affaire de détournement des aides humanitaires qui a fait couler beaucoup d’encre. 

- Après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, peut-on espérer une position comparable de l’Union Européenne, en dépit des courants contradictoires qui la traversent ?
- Actuellement, il est encore très tôt que l’Union Européenne change sa position sur le dossier du Sahara, même après la décision des EtatsUnis. Pour ma part, comme vous le savez, j’ai toujours partagé la position du groupe d’amitié EU-Maroc au sein du Parlement européen, en soutenant la proposition d’autonomie proposée par le Maroc. Toutefois, la diplomatie européenne reste malheureusement encore alignée au processus onusien, du moins pour l’instant.

La décision américaine de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara ne manquera pas de conforter la position du Maroc vu son ampleur et son poids dans la communauté internationale. Sur le plan factuel, les choses sont claires, il suffit de se promener à Laâyoune ou à Dakhla pour se rendre compte des progrès qui sont réalisés jusqu’à maintenant en matière d’aménagement et d’investissement.

J’ajoute que l’Europe a intérêt à ce que le Sahara soit un territoire stable et sécurisé et cela ne peut être le cas que sous contrôle marocain, d’autant que des informations circulent sur les liaisons douteuses du Polisario avec des groupes terroristes. Autrement, cette zone risque de dégénérer dans le terrorisme sans le Maroc. Tout le monde en Europe a compris cela et la majorité des pays européens souhaitent de préserver d’excellents rapports avec le Maroc.

- Quel rôle peut jouer le Parlement européen dans ce sens et notamment le groupe d’amitié EU-Maroc au sein de cette instance ?
- Pour clarifier les choses, il existe au Parlement européen une infime minorité à gauche qui demeure réceptive aux thèses du Polisario, elle a été vivement fragilisée après la dislocation de « l’intergroupe pour le Sahara occidental », suite à la démission de son président. Il est donc évident que la cause du Polisario s’épuise progressivement au sein de l’hémicycle européen, et ceci me paraît irréversible.

En parallèle, le groupe d’amitié UE-Maroc fonctionne bien et nous défendons régulièrement les positions du Maroc. Dans le contexte actuel, rien, je suppose, ne paraît altérer les rapports avec le Maroc, sachant que tous les accords qui leur sont relatifs, et notamment ceux de la pêche, sont votés favorablement sans difficultés. 

- Selon vous, la France, par son statut privilégié en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité et compte tenu de son leadership au sein de l’Europe, peut-elle (et veut-elle) influer en vue d’une inflexion de la position de l’Europe vers une reconnaissance d’une solution du différend du Sahara sur la base de la proposition d’autonomie ?
- Je ne pense pas que la France ira jusqu’à prendre pleinement le parti du Maroc dans le dossier du Sahara. Comme vous le savez, et compte tenu de l’état actuel des choses, ça m’étonnerait que la France prenne actuellement une initiative dans ce sens vu qu’elle tente toujours de garder un équilibre entre le Maroc et l’Algérie. De même, la diplomatie française a toujours eu des positions délicates vis-à-vis de l’Algérie. Pour le moment, la position de la France reste inchangée bien qu’elle soutienne le Maroc au Conseil de Sécurité. 

- S’agissant des détournements des aides humanitaires à destination des réfugiés des camps de Tindouf par des responsables du Polisario avec la complicité de l’Algérie, qui furent critiqués par de nombreux députés européens, quelle est votre lecture de ce sujet et quelle suite judiciaire (ou diplomatique) sera donnée à ce phénomène établi par plusieurs rapports ?
- Ces agissements ont fait l’objet d’une enquête de l’Office européen de la lutte antifraude (OLAF), dont le rapport que j’avais lu prouve l’implication des autorités algériennes dans le détournement des aides humanitaires envoyées aux camps de Tindouf et pas seulement les dirigeants du Polisario.

En réalité, il s’agit d’un certain nombre de hauts gradés de l’Armée algérienne, dont les noms figurent dans le rapport où ils sont accusés de mettre la main sur les marchandises pour les vendre ensuite sur le marché algérien pour leur propre compte. Ca fait des années que nous étions au courant de ces dépassements et le rapport n’a fait que les dévoiler publiquement.

En effet, je tiens à préciser que c’est pour cette raison que l’Algérie et le Polisario omettent de faire un recensement de la population des camps de Tindouf de peur de voir l’aide humanitaire réduite. Pour sa part, la Commission Européenne est en contact avec l’OLAF à ce sujet, dont elle a l’air préoccupé, nous attendons pour autant qu’elle réagisse avec des mesures concrètes. En tant que membres du groupe d’amitié avec le Maroc, nous entendons évoquer ce sujet puisqu’il mérite d’être à l’ordre du jour. On aura l’occasion d’en parler après la fin de la pandémie qui perturbe l’agenda du Parlement européen pour le moment. 

- Vu votre expérience, comment le Maroc peut-il augmenter son influence au sein du Parlement européen et faire face au lobbying acharné exercé par les Algériens ?
- Il est de règle que plusieurs pays défendent leurs intérêts au Parlement européen, tout le monde y est représenté soit par ses propres diplomates, soit à l’aide des groupes de pression. Comme vous le savez, je suppose qu’il existe une influence de la part de l’Algérie auprès de quelques députés ou des groupes parlementaires, pour faire valoir ses positions, de même manière que le Maroc dispose de représentants qui travaillent de façon intense dans le plaidoyer vis-à-vis des députés et sont bien représentés dans les institutions européennes de façon générale.

En ce qui concerne le Sahara, je tiens à rappeler que le Maroc a toujours gagné dans la bataille d’influence au Parlement européen, contre l’Algérie et le Polisario, et notamment lors du vote des accords et des Résolutions qui concernent de près ou de loin le territoire du Sahara comme l’accord de pêche par exemple. 

- Longtemps cloisonné dans un rôle de gendarme de l’Europe en matière migratoire et de lutte contre le narcotrafic, le Maroc est désormais un partenaire stratégique de l’Europe en la matière dont le rôle s’étend également à la lutte contre le terrorisme, comment voyez-vous l’avenir de ce rôle et ses perspectives d’extension ?
- Personnellement, je ne partage pas le constat faisant du Maroc un garde-frontière de l’Europe, il est vrai que le Maroc est un partenaire incontournable de l’Union Européenne en matière d’immigration. Toutefois, le Royaume est confronté lui-même à ce problème en devenant un pays d’accueil pour plusieurs migrants d’Afrique subsaharienne. Vu que les deux partenaires font face au même phénomène, il convient de renforcer la coopération, qui est déjà très importante, surtout avec l’Espagne et la France, en y mettant plus de moyens et de ressources, le cas échéant. Plus il y aura de coopération, mieux ça ira. C’est évident. 

Bourita appelle l’Union Européenne à prendre une décision courageuse 
Après la décision des Etats-Unis de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara, entérinée par la nouvelle Administration de Joe Biden, et l’ouverture des consulats de plusieurs pays africains et arabes à Laâyoune et Dakhla, il est clair que le gain de l’adhésion de la communauté internationale est inéluctable. Toujours coincée dans l’hésitation et la circonspection, l’Union Européenne n’a pas encore tranché sur le dossier du Sahara et demeure encore attachée processus politique engagé par les Nations Unies, qui n’ont toujours pas pu nommer un nouvel envoyé spécial après la démission de Horst Köhler.

Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, n’a pas manqué d’appeler les dirigeants de l’UE à s’inscrire dans la dynamique internationale enclenchée par le large soutien à l’initiative du Maroc d’autonomie du Sahara sous sa souveraineté, et ce, lors d’un point de presse à l’issue de la conférence ministérielle de soutien à l’initiative d’autonomie sous la souveraineté du Maroc, tenue le 15 janvier.   
Recueillis par Anass MACHLOUKH








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