Six mois de détention arbitraire sans jugement, pour avoir seulement osé poster une photo « trop subversive », au goût des censeurs, avec en plus un commentaire intrépide et audacieux. Cette tentative ou tentation de liberté l’a certainement marqué à vie et l’a rendu plus allergique à l’abus de pouvoir et aux méthodes « makhzéniennes » de l’époque sensible à la misère des autres. En 2016, un recueil de nouvelles, Kan Ya Makan, (Editions Rimal-2016), voit le jour, où il revient sur les mêmes obsessions face à l’injustice, au manque de liberté, aux arrestations abusives et à la réclamation de plus de droits au sein même de l’état monarchique qu’il voulait plus moderne, débarrassé de l’appareil archaïque « le Makhzen » qu’il traine comme un boulet depuis des siècles. Cet attachement à la Monarchie et sa sympathie pour elle, malgré tout ce qu’il a enduré, lui sera souvent reprochée par les journalistes de la presse indépendante.
Dans ce recueil de nouvelles, nous découvrons une plume surprenante, une plume alerte, une excellente connaissance des littératures arabes et française et surtout un style empreint de cette légèreté, au sens de Calvino et de Kundera, qui adoucit la pesanteur du vécu de cette période qui n’a pas encore livré tous ses secrets, et qu’on nomme communément, les années de plomb comme le dit Abdallah Mdarhri Alaoui dans la préface du livre, « ce texte explique combien cette période de plomb est encore présente dans les comportements et les mentalités, même si on a tendance à croire que c’est fini et qu’on est dans un autre Maroc ». Et la première nouvelle, Le Déviant, montre bien l’impact de cette politique de la peur sur la psychologie des individus… Un traumatisme silencieux que toute une génération traîne et qui l’empêche de vivre de manière équilibrée, de rêver à un monde meilleur, de réclamer plus de libertés ou de contester certaines lois abusives...Dans la deuxième nouvelle « Leidenstadt », après avoir investi la cité, le personnage désigné par Attaghout s’adresse à ses « Zabania », après avoir soumis à leur volonté les « Awbach », les « Awghad », « Ardals » et les « Safala »…, voilà sa philosophie de la force et de la terreur.
« La force, il faut l’exposer et, autant que faire se peut, ne pas en faire usage. D’autres plaideront pour un régime de terreur. Là aussi, ce serait faire une très grande stupidité. Un être soumis à une terreur extrême devient, souvent, incontrôlable. Mais existe une arme aussi bien sournoise, perfide qu’exterminatrice qui nous permettrait d’asseoir, sans coup férir, notre domination : la peur, matrice de tout véritable et durable pouvoir. Une main de fer dans un gant de velours », écrit-il.
Leurrer la censure
« Kan Ya Makan » peut être considéré comme un laboratoire de créations et d’expérimentations de plusieurs manières d’écrire à travers les vingt-quatre textes, il n’y a pas que la nouvelle mais aussi la méditation dans « Outre-tombe », la réflexion sur l’humour et le rire dans « Pied de nez », l’humour noir dans Houwa et Oustad, la réflexion sur la création dans « Koun », La nouvelle fantastique dans « Le Miroir », L’écriture aphoristique dans « L’enfant et le Fkih »… Alors que Présumé coupable peut être considéré comme une autobiographie d’une période précise de la vie du journaliste ou ce qu’on appelle aujourd’hui une autobiographie professionnelle où il évoque ses débuts de journaliste, ses rêves de libérer le journalisme, les lignes rouges du journal, la presse partisane, la censure, les journalistes qui ont marqué la période…bref, un type d’écrit très en vogue aux Etats-Unis et qui permet de jeter un regard critique sur la profession et le parcours professionnel de son auteur.
Kan Ya Makan est un recueil de nouvelles dont le titre conjugue l’histoire et la géographie par un jeu homonymique subtil. Ce titre use de l’ambiguïté, comme pour signifier que c’est le seul moyen de brouiller les pistes et de rester dans le flou du discours et des actes, à l’image de son personnage « M » de la première nouvelle, obsédé à la limite de la paranoïa par ces êtres invisibles qui guettent ses mouvements et ses agissements à longueur de journée, les indicateurs et tous les félons qui lui pourrissent la vie. Avec ce titre aussi anodin, on pourrait penser que Khalid Jamaï veut leurrer la censure… en projetant le contenu de son livre dans un ailleurs « temporel » (il était une fois) et « spacial » (Makan) lointain, il s’affranchit d’avance de tous les éventuels désagréments de ces censeurs qui ont « droit de vie et de mort sur les mots, sur les idées ».
A côté de cet univers gris, cruel, absurde et respirant un pessimisme sans issus, d’autres nouvelles sont des éclats d’espoir qui émanent de la création, à travers les nouvelles de réflexion sur la création, les lettres, la calligraphie, comme c’est le cas dans « Abajidia », « l’Abomination », « Délire », « Koun », « Le beau Danube bleu ». D’autres nouvelles parlent de la femme « IR City ou la ville sexe », où le narrateur fait des réflexions sur le corps, des allusions sont faites à des femmes qui se sont émancipés mais que la société des « phalluciens » a pris en chasse comme Al Kahina, Kharboucha, Mririda, Saida Al Mnebhi et Amina El Filali, avec une allusion à la pièce de théâtre Diali et le film Mouchouma de Lahcen Zinoun qui ont scandalisé par leur discours affranchi de tous les tabous sur le corps de la femme et le corps en général .
Enfin, le recueil est certes une fiction, mais elle est nourrie de beaucoup de vérités qui sont autant de témoignages de grande valeur qui n’ont été exploités que partiellement pour les besoins de la création, mais n’est-il pas temps de profiter des témoignages de personnes comme Khalid Jamaï pour lire autrement notre histoire et pour construire un monde meilleur ?
Dans ce recueil de nouvelles, nous découvrons une plume surprenante, une plume alerte, une excellente connaissance des littératures arabes et française et surtout un style empreint de cette légèreté, au sens de Calvino et de Kundera, qui adoucit la pesanteur du vécu de cette période qui n’a pas encore livré tous ses secrets, et qu’on nomme communément, les années de plomb comme le dit Abdallah Mdarhri Alaoui dans la préface du livre, « ce texte explique combien cette période de plomb est encore présente dans les comportements et les mentalités, même si on a tendance à croire que c’est fini et qu’on est dans un autre Maroc ». Et la première nouvelle, Le Déviant, montre bien l’impact de cette politique de la peur sur la psychologie des individus… Un traumatisme silencieux que toute une génération traîne et qui l’empêche de vivre de manière équilibrée, de rêver à un monde meilleur, de réclamer plus de libertés ou de contester certaines lois abusives...Dans la deuxième nouvelle « Leidenstadt », après avoir investi la cité, le personnage désigné par Attaghout s’adresse à ses « Zabania », après avoir soumis à leur volonté les « Awbach », les « Awghad », « Ardals » et les « Safala »…, voilà sa philosophie de la force et de la terreur.
« La force, il faut l’exposer et, autant que faire se peut, ne pas en faire usage. D’autres plaideront pour un régime de terreur. Là aussi, ce serait faire une très grande stupidité. Un être soumis à une terreur extrême devient, souvent, incontrôlable. Mais existe une arme aussi bien sournoise, perfide qu’exterminatrice qui nous permettrait d’asseoir, sans coup férir, notre domination : la peur, matrice de tout véritable et durable pouvoir. Une main de fer dans un gant de velours », écrit-il.
Leurrer la censure
« Kan Ya Makan » peut être considéré comme un laboratoire de créations et d’expérimentations de plusieurs manières d’écrire à travers les vingt-quatre textes, il n’y a pas que la nouvelle mais aussi la méditation dans « Outre-tombe », la réflexion sur l’humour et le rire dans « Pied de nez », l’humour noir dans Houwa et Oustad, la réflexion sur la création dans « Koun », La nouvelle fantastique dans « Le Miroir », L’écriture aphoristique dans « L’enfant et le Fkih »… Alors que Présumé coupable peut être considéré comme une autobiographie d’une période précise de la vie du journaliste ou ce qu’on appelle aujourd’hui une autobiographie professionnelle où il évoque ses débuts de journaliste, ses rêves de libérer le journalisme, les lignes rouges du journal, la presse partisane, la censure, les journalistes qui ont marqué la période…bref, un type d’écrit très en vogue aux Etats-Unis et qui permet de jeter un regard critique sur la profession et le parcours professionnel de son auteur.
Kan Ya Makan est un recueil de nouvelles dont le titre conjugue l’histoire et la géographie par un jeu homonymique subtil. Ce titre use de l’ambiguïté, comme pour signifier que c’est le seul moyen de brouiller les pistes et de rester dans le flou du discours et des actes, à l’image de son personnage « M » de la première nouvelle, obsédé à la limite de la paranoïa par ces êtres invisibles qui guettent ses mouvements et ses agissements à longueur de journée, les indicateurs et tous les félons qui lui pourrissent la vie. Avec ce titre aussi anodin, on pourrait penser que Khalid Jamaï veut leurrer la censure… en projetant le contenu de son livre dans un ailleurs « temporel » (il était une fois) et « spacial » (Makan) lointain, il s’affranchit d’avance de tous les éventuels désagréments de ces censeurs qui ont « droit de vie et de mort sur les mots, sur les idées ».
A côté de cet univers gris, cruel, absurde et respirant un pessimisme sans issus, d’autres nouvelles sont des éclats d’espoir qui émanent de la création, à travers les nouvelles de réflexion sur la création, les lettres, la calligraphie, comme c’est le cas dans « Abajidia », « l’Abomination », « Délire », « Koun », « Le beau Danube bleu ». D’autres nouvelles parlent de la femme « IR City ou la ville sexe », où le narrateur fait des réflexions sur le corps, des allusions sont faites à des femmes qui se sont émancipés mais que la société des « phalluciens » a pris en chasse comme Al Kahina, Kharboucha, Mririda, Saida Al Mnebhi et Amina El Filali, avec une allusion à la pièce de théâtre Diali et le film Mouchouma de Lahcen Zinoun qui ont scandalisé par leur discours affranchi de tous les tabous sur le corps de la femme et le corps en général .
Enfin, le recueil est certes une fiction, mais elle est nourrie de beaucoup de vérités qui sont autant de témoignages de grande valeur qui n’ont été exploités que partiellement pour les besoins de la création, mais n’est-il pas temps de profiter des témoignages de personnes comme Khalid Jamaï pour lire autrement notre histoire et pour construire un monde meilleur ?