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Économie marocaine : L’analyse sans concession de l’OCDE [INTÉGRAL]


Rédigé par Yousra RHARDOUD Jeudi 12 Septembre 2024

L’OCDE a présenté les conclusions de la première Étude économique du Royaume du Maroc. Malgré des avancées notables, l’Organisation a mis en évidence des zones de vulnérabilité que le pays devrait résoudre en urgence afin d’atteindre une croissance économique durable.



Ce mercredi 11 septembre, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, accompagné de la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, ainsi que du Secrétaire général de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), Mathias Cormann, a lancé la discussion autour des principales conclusions de la première Étude économique du Royaume du Maroc.

Cet événement a été l’occasion de présenter les conclusions majeures de cette étude. Celle-ci analyse la performance économique du Maroc face aux défis mondiaux et internes, tout en offrant des perspectives de croissance et des recommandations stratégiques. La réalisation de cette étude dote le Maroc d’un outil stratégique équivalent à celui des pays membres de l’OCDE. Elle a été menée par le desk économique du Maroc à l’OCDE, dont les travaux ont débuté le 20 février 2023. 

Dans son discours, le Chef du gouvernement a rappelé que ce programme a pour objectif “de développer un processus de dialogue intensif et renforcé entre le Maroc, l’OCDE et ses États membres, et d’ancrer les politiques publiques engagées par le Maroc aux meilleures pratiques de l’Organisation”.

“Nous nous félicitons des réalisations que nous avons pu accomplir avec l’OCDE à travers les programmes pays, ce qui nous permettra sans aucun doute d’explorer de nouvelles perspectives et consolider davantage la relation de coopération entre notre pays et l’OCDE”, a déclaré Aziz Akhannouch.

“Dans ce sens et à travers les plans d’actions qui seront élaborés en commun, le Maroc poursuivra ses travaux au sein des comités et organes de l’OCDE, et de nouvelles initiatives verront le jour, comme le développement de la collaboration triangulaire OCDE – Maroc – UA ou encore l’étude d’un programme d’échange de fonctionnaires marocains”, a-t-il annoncé.

Quant à la ministre des Finances, elle a insisté sur le fait que “le choix de cette collaboration n’a pas eu pour objectif unique de disposer d’une étude et d’une analyse supplémentaire sur l’économie marocaine, mais plutôt de réaliser un exercice méthodologique différent et rigoureux auquel notre pays a été soumis sans complaisance, permettant d’avoir une analyse comparable avec des pays pairs aux caractéristiques socio-économiques similaires et de se situer sur le chemin des réformes”.

Le rapport de l’OCDE met en effet le doigt sur plusieurs tares de l’économie nationale, qui l’empêchent d’atteindre une croissance économique soutenue. Cette analyse multidimensionnelle fait ainsi ressortir plusieurs conclusions, avec des recommandations de réformes visant à améliorer les finances, le marché du travail, ainsi que la productivité dans le Royaume.
 
Recettes fiscales faibles

Le Maroc a fait des progrès en matière de réformes budgétaires, mais des défis demeurent. L’inflation a diminué, bien qu’elle reste sensible à l’évolution des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Il est recommandé de poursuivre la mise en place d’un cadre de ciblage de l’inflation et de reprendre les préparatifs en vue d’un régime de change plus flexible. 

Par ailleurs, le solde budgétaire s’améliore avec le retrait des mesures temporaires de soutien, grâce à des ajustements dans les dépenses et les recettes. Pour réduire légèrement le déficit, les plans budgétaires actuels devraient être mis en œuvre jusqu’en 2026. Une modification de la règle budgétaire est également suggérée, en remplaçant la règle d’or par un objectif d’endettement à moyen terme et une règle de dépense, afin de maintenir les finances publiques sur la bonne voie.

En ce qui concerne les recettes fiscales, celles provenant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des cotisations de sécurité sociale sont jugées faibles. Il est nécessaire de renforcer l’administration fiscale et de faire appliquer la législation en matière d’impôts, tout en promouvant le passage au paiement en ligne pour régulariser les activités informelles. 

Les recettes tirées des redevances sur les ressources naturelles et des dividendes des entreprises publiques sont également relativement faibles. Pour améliorer cette situation, il est recommandé de collecter des redevances plus importantes auprès des entreprises exploitant des gisements minéraux et de fixer les taux de dividendes des entreprises publiques à un niveau plus élevé et prévisible.
 

Productivité faible

Un autre aspect clé pour soutenir l’élaboration de politiques publiques efficaces est l’amélioration de la collecte, de la compilation et de la diffusion des données. Actuellement, la disponibilité d’un large éventail de statistiques actualisées et de qualité, conformes aux meilleures pratiques internationales, est limitée. Il est donc essentiel de centraliser la collecte de données par un organisme national et d’accroître les investissements dans ce domaine.

Pour stimuler la croissance économique, des réformes visant à renforcer la productivité sont nécessaires. Bien que le niveau d’instruction et les compétences de la population s’améliorent, ils restent encore relativement faibles. La formation professionnelle, en particulier, est souvent perçue comme insuffisante, malgré l’instauration du prélèvement-formation par l’État. 

Il serait utile de développer la formation professionnelle en entreprise et d’augmenter le nombre de contrats d’apprentissage, tout en intensifiant les programmes d’alphabétisation et de formation aux compétences de base, tant à l’écrit qu’en calcul.

L’investissement, en particulier, nécessite une attention particulière. Actuellement, la part de l’investissement public est relativement élevée, tandis que l’investissement privé reste faible, de même que l’efficience globale des investissements. Pour y remédier, il est conseillé de cibler les investissements publics dans des secteurs à forte rentabilité sociale, tout en recourant davantage à l’analyse coûts-avantages. 

L’investissement direct étranger (IDE) joue un rôle moteur dans les activités industrielles, mais il est nécessaire d’élargir l’éventail des activités et d’accroître la complexité des exportations. Dans ce contexte, la Charte de l’investissement pourrait être un levier important, mais elle devrait faire l’objet d’une évaluation approfondie pour s’assurer que les incitations sont équilibrées entre les industries nouvelles et celles déjà établies.

Le régime de propriété foncière est un autre facteur limitant. Il est complexe, et toutes les terres ne sont pas encore enregistrées dans le système formel. Achever l’enregistrement des titres de propriété foncière permettrait de réduire les risques juridiques et d’améliorer la disponibilité de ces titres pour l’investissement.

Les entreprises publiques jouent également un rôle important dans l’économie marocaine. Certaines d’entre elles fournissent des biens et des services d’utilité publique tout en exerçant des activités à but lucratif. Il est nécessaire de continuer à dissocier les activités commerciales et non commerciales de ces entreprises, en rémunérant les activités non commerciales à des conditions concurrentielles.

La concurrence est un autre domaine à renforcer. Dans de nombreux secteurs, quelques grandes entreprises dominent le marché, et la concurrence reste limitée. Les enquêtes menées sur des pratiques anticoncurrentielles ont augmenté, mais elles restent relativement peu nombreuses. Il est recommandé de continuer à renforcer l’application des règles de la concurrence. 

Par ailleurs, la transformation numérique au Maroc semble progresser à un rythme moins rapide que dans des pays comparables de la région. Pour y remédier, il faudrait maintenir les coûts de l’internet à un niveau abordable, renforcer la protection des consommateurs dans le cadre du commerce électronique et offrir des formations numériques ciblées et subventionnées aux travailleurs.

En matière d’innovation, les activités et les dépenses du Maroc sont encore relativement faibles. Il est nécessaire d’augmenter les aides publiques en faveur de l’innovation et de développer l’écosystème de la recherche et du développement (R&D).
 
Marché de l’emploi rigide

Le marché du travail, quant à lui, est marqué par une forte activité informelle, malgré l’ambitieux programme d’élargissement de la protection sociale actuellement en cours. Cette situation conduit à des emplois de mauvaise qualité, des salaires faibles et des compétences insuffisamment développées. 

Pour améliorer cette situation, il est essentiel de mettre en œuvre les réformes en cours dans le domaine de la protection sociale, tout en réduisant les taux des cotisations patronales sur les bas salaires. Il est également nécessaire de renforcer le contrôle du paiement des cotisations sociales et d’augmenter le nombre d’inspecteurs du marché du travail.

Par ailleurs, la rigidité de la protection de l’emploi au Maroc impose une lourde charge aux employeurs, réduisant ainsi la demande de main-d'œuvre et favorisant l'activité informelle. Il est conseillé d’assouplir la législation relative aux contrats de travail, qu’ils soient permanents ou temporaires, pour encourager la création d’emplois formels. 

Le chômage, en particulier celui des jeunes, demeure élevé. Beaucoup de jeunes sont sortis du système éducatif et se retrouvent sans emploi. Il est nécessaire de tenir compte des effets potentiels du salaire minimum sur la régularisation des activités informelles et de consolider les programmes actifs du marché du travail (PAMT). Ces programmes devraient être simplifiés et les mesures d’activation renforcées, notamment par le biais de l’Agence nationale pour l’emploi.
 
Yousra RHARDOUD

3 questions à Sébastien Barnes : “Le Maroc a su gérer ses crises avec succès, et son économie a rebondi”

Chef de division du département économique de l’OCDE, Sébastien Barnes a répondu à nos questions.
Chef de division du département économique de l’OCDE, Sébastien Barnes a répondu à nos questions.
  • Quel impact concret attendez-vous du programme "Pays Maroc" Phase II sur la croissance et l’investissement ?

Le partenariat entre l’OCDE et le Maroc a déjà permis d’initier plusieurs réformes importantes, notamment dans la lutte contre la corruption, le développement territorial et l’investissement. La Phase II est encore en cours de définition, mais certains de ces sujets continueront probablement à être abordés. Ce matin, a été mentionné le développement d'une approche plus intégrée concernant l'urbanisme et les PME. Ce sont des domaines où l’expérience des pays membres de l'OCDE pourrait être bénéfique au Maroc, contribuant à l’essor de son économie.
 
  • Comment l'OCDE évalue-t-elle la gestion du Maroc face aux défis internationaux actuels ?

Le Maroc a dû affronter plusieurs crises internationales ces dernières années, qui ont également eu des répercussions dans le pays. Malgré cela, le Maroc a su gérer ces crises avec succès, et son économie a rebondi. Cette résilience est en partie due à la stabilité économique et aux politiques budgétaires efficaces mises en place, permettant à l’État de fournir un soutien au moment où c’était nécessaire. Aujourd’hui, alors que les crises s’estompent, le Maroc revient à une situation budgétaire plus stable. Pour les défis liés à la sécheresse, le budget national a également été déterminant pour combler les déficits.
 
  • Quelles réformes économiques prioritaires l’OCDE recommande-t-elle pour renforcer la résilience économique du Maroc ?

Il y a plusieurs types de résilience économique à prendre en compte. Certains pays comme la Nouvelle-Zélande, la Turquie et le Japon ont fait face à des risques similaires, et le Maroc pourrait tirer des enseignements de leurs expériences. Un enjeu clé, dans le cadre de la transition énergétique, est de réduire la dépendance du Maroc aux importations d’énergie, ce qui serait un atout majeur. En ce qui concerne la sécheresse, des investissements considérables sont déjà en cours pour améliorer la gestion de l’eau. Toutefois, il est aussi important de revoir la tarification de l’eau, une ressource rare et coûteuse à produire, afin d’assurer une distribution optimale et équitable entre les secteurs de l’économie.
 
Recueillis par Yousra RHARDOUD

Économie marocaine : L’analyse sans concession de l’OCDE [INTÉGRAL]









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