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Actu Maroc

Emploi : Les entreprises maintiendront-elles les avantages sociaux de l’Aïd Al-Adha ?


Rédigé par Mina ELKHODARI Mardi 8 Avril 2025

L'annonce royale de l'annulation exceptionnelle de l'Aïd Al-Adha, cette année au Maroc, a déclenché une réflexion stratégique au sein des entreprises marocaines quant au maintien des avantages sociaux traditionnellement accordés à leurs collaborateurs. Qu’en pensent-elles ?



En mars dernier, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé les citoyens à s’abstenir d’accomplir le rite du sacrifice de l’Aïd Al-Adha, en raison de la diminution du cheptel national. Si cet appel royal a soulagé de nombreux ménages, dont le pouvoir d’achat est mis à rude épreuve par la hausse du coût de la vie, il a également suscité des interrogations chez les salariés quant au maintien ou non des avantages sociaux qui leur sont accordés par leurs employés.

Traditionnellement, ces avantages se manifestent généralement dans une prime financière allant de 1000 à 2500 dirhams, des cadeaux symboliques (moutons, bons d’achat, etc.), des prêts sociaux ou encore des congés supplémentaires. Un geste fortement apprécié par les collaborateurs, dans lequel les entreprises investissent volontiers, y voyant un levier de cohésion sociale et de motivation interne.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux travailleurs ont exprimé l’espoir que les entreprises maintiennent les avantages historiquement ancrés dans les pratiques de gestion des ressources humaines, même en l’absence du sacrifice rituel. Pour beaucoup, la prime financière constitue un soutien financier essentiel, d’autant plus que les dépenses augmentent de façon remarquable durant la saison estivale. Sa suppression éventuelle pourrait ainsi alourdir davantage un budget déjà fragilisé par la cherté de la vie. De plus, il contribue aussi à renforcer leur sentiment d’appartenance et leur motivation au sein de l’entreprise.


67% des entreprises maintiennent ces avantages

« La prime de l’Aïd nous a toujours été d’un grand soutien, notamment pour l’achat du mouton. Maintenant que le sacrifice est annulé, nous espérons qu’elle sera tout de même versée comme d’habitude, bien que les bruits de couloir laissent entendre le contraire », confie un salarié du secteur de l’assurance.

Pour répondre aux interrogations des salariés à ce sujet, le magazine DRH.ma a conduit une enquête auprès de 248 directeurs des ressources humaines (DRH) issus de PME et de grandes entreprises marocaines, avec un effectif de plus de 250 salariés. L’objectif étant d’évaluer les décisions des entreprises quant au maintien, à la modification ou à la suppression des avantages liés à l’Aïd Al-Adha.

Les résultats de cette enquête révèlent que la majorité des entreprises interrogées (67%) ont décidé de maintenir les avantages sans modification pour préserver la motivation des salariés et éviter un climat social tendu dans un contexte marqué par des incertitudes économiques. Par ailleurs, 20% se disent en phase de réflexion afin de statuer sur le sort des avantages sociaux liés à l’Aïd, avec la possibilité de les maintenir ou de les annuler exceptionnellement.
 

Une mission délicate pour les DRH
 
D’où l’importance de l’intervention des directeurs des ressources humaines auprès de leur direction générale, afin de les convaincre du maintien de ces avantages, ne serait-ce que pour alléger les charges financières qui pèsent sur les collaborateurs en cette période sensible, comme le souligne Youssef El Hammal, patron de DRH.ma qui souligne la bienveillance des DRH face à toute mesure en passe d’aider l’entreprise à maintenir un climat social sain.
 
En revanche, 8% des entreprises envisagent de réduire ces avantages, et 5% ont opté pour une suppression exceptionnelle cette année. Pour justifier ce choix, ces entreprises évoquent la conjoncture actuelle difficile pour maintenir la totalité des avantages offerts et l’équilibre financier. A cela s’ajoute la lourde réglementation entourant la fiscalité de ces primes qui devient un frein à la compétitivité des entreprises et augmente les risques de difficultés financières lourdes en cas de contrôle fiscal ou social, explique Youssef El Hammal.
 
Ainsi, les entreprises doivent jongler entre deux impératifs : d’un côté, la nécessité de rester compétitives sur le marché du travail, et de l’autre, l’obligation de respecter strictement le cadre réglementaire.
 
D’autre part, l’étude met également en évidence une évolution dans le ciblage des bénéficiaires. Si 91% des entreprises avaient historiquement accordé ces avantages à l’ensemble des collaborateurs, cette proportion diminue pour 2025. En effet, 61% des entreprises maintiendront ces avantages pour tous les salariés, tandis que 39% les limiteront aux ouvriers et employés. Ce choix émane, selon l’étude, de la volonté des entreprises de rationaliser les ressources tout en conservant une attention particulière aux populations les plus vulnérables.

Par ailleurs, l’enquête met en lumière la capacité d’adaptation remarquable dont font preuve les entreprises marocaines face à cette situation inédite. Le choix de maintenir les avantages liés à l’Aïd Al-Adha, malgré l’annulation du rituel du sacrifice, témoigne d’un engagement fort en faveur de la reconnaissance des efforts des collaborateurs et de la préservation du climat social, souligne Youssef El Hammal.

Cela dit, les entreprises, garantes de l’emploi et moteurs de la croissance économique au Maroc, semblent de plus en plus conscientes de l’importance de garantir gestion RH proactive, alliant la continuité des pratiques sociales à une nécessaire adaptation aux contraintes économiques actuelles.
 
 
 
 

​Trois questions à Philippe Montant : « La suppression des avantages sociaux de Aïd Al-Adha menace la relation de confiance employeur-employé »

Philippe Montant, Directeur général de ReKrute, a répondu à nos questions sur les implications d’une éventuelle annulation des avantages sociaux de Aïd Al-Adha.
Philippe Montant, Directeur général de ReKrute, a répondu à nos questions sur les implications d’une éventuelle annulation des avantages sociaux de Aïd Al-Adha.
  • Quelle est l’importance de maintenir les avantages traditionnellement accordés aux collaborateurs à l’occasion de l’Aïd dans un contexte économique tendu ?

 
-Les avantages sociaux accordés aux collaborateurs à l’occasion de l’Aïd sont profondément institutionnalisés au Maroc. Ils représentent bien plus qu’un simple avantage financier: c’est un geste symbolique fort, ancré dans la culture d’entreprise et perçu comme un véritable soutien par son équipe même en l’absence du sacrifice. L’ensemble des primes à caractère familial, telles que l’achat d’un mouton pour l'Aïd Al-Adha, l’allocation de rentrée scolaire, les primes de naissance sont un levier pour fidéliser son équipe et gagner en compétitivité sur le marché.
 
  • Comment expliquez-vous la décision de certaines entreprises de suspendre ces avantages ou de les réduire ?

 
-Dans une logique purement économique, certaines entreprises pourraient considérer l’annulation du sacrifice de l’Aïd comme une opportunité de réduire leurs coûts et d’améliorer leur rentabilité. Une démarche compréhensible dans un contexte où la maîtrise des dépenses constitue une priorité majeure. Toutefois, l’entreprise est appelée à trouver un juste équilibre entre ses impératifs économiques et les attentes légitimes de ses collaborateurs, pour préserver la cohésion sociale.
 
  • Quel serait l’impact d’une annulation de ces avantages cette année ?

 
-La suppression de ces avantages peut s’avérer contre-productive sur le plan des ressources humaines. Il représente une menace pour la relation de confiance entre employeurs et collaborateurs. Même si certaines entreprises en difficulté pourraient être tentées de revoir leur politique sociale à ce sujet, il semble peu probable qu’une majorité prenne ce risque.
Le maintien de cette prime reste, pour beaucoup, un levier essentiel de fidélisation du personnel. À mon sens, il est fort probable qu’un appel de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) soit lancé pour maintenir, voire optimiser, ces avantages.
 
 







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