La crise mondiale des engrais peut-elle profiter au Maroc? Depuis l’avènement de la crise russo-ukrainienne, les prix des engrais au niveau international connaissent une flambée sans précédent. Selon une note de recherche de l’agence de notation américaine Fitch Ratings, publiée le 15 septembre dernier, «les prix à court et moyen termes des prix mondiaux de tous les types d’engrais vont augmenter, à cause de l’augmentation des prix des matières premières, des contraintes d’approvisionnement et des perspectives de reprise de la demande».
Deux principales raisons expliquent cette flambée. D’une part, la hausse des prix du gaz naturel. En effet, les engrais azotés sont fabriqués à base d’ammoniac, issu du gaz naturel. D’autre part, les sanctions internationales contre les engrais en provenance de Russie, un des principaux fournisseurs de ce produit. Cette hausse des prix concerne particulièrement les roches phosphatées d’origine marocaine.
Toujours selon la note de recherche de Fitch Ratings, «les roches phosphatées d’origine marocaine devraient atteindre en moyenne 270 dollars la tonne à la fin de 2022, contre 200 dollars la tonne dans les prévisions précédentes». Cette hausse est due notamment à «la politique de l’OCP de limiter les exportations pour maintenir le niveau de ses prix. La politique de l’OCP est d’autant plus efficace que le groupe contrôle plus de 70% des réserves mondiales de phosphate naturel trouvées au Maroc», explique le document.
Des résultats exceptionnels
L’augmentation des prix de la roche phosphatée marocaine se reflète sur les performances financières de l’OCP. En effet, le chiffre d’affaires du groupe OCP a atteint près de 56,02 milliards de dirhams au premier semestre de 2022, en hausse de 72% par rapport à la même période une année auparavant.
L’Office explique cette performance par les prix des engrais qui ont «progressivement augmenté au cours du premier semestre 2022, reflétant principalement des conditions d’approvisionnement tendues suite aux pénuries alimentées par le conflit entre l’Ukraine et la Russie et la réduction des exportations en provenance de Chine». «Les engrais étaient moins accessibles pour les agriculteurs en raison de la flambée des prix, ce qui a affecté la demande en Europe et aux Etats-Unis, fortement impactés par les conditions météorologiques défavorables», poursuit le communiqué de l’OCP.
Dans ces conditions exceptionnelles, le Maroc a une carte à jouer pour accompagner et assister les pays en fragilité agricole et alimentaire. L’OCP s’est orienté depuis quelques années vers l’aide sur le terrain des agriculteurs africains.
A travers sa filiale créée en 2016, OCP Africa, le groupe phosphatier marocain s’implique dans les stratégies de développement agricole sur le continent. La filiale est présente dans 19 pays africains, et intervient à travers le partage d’expertise ou à travers des dons d’engrais. Le 24 août dernier, OCP Africa a ainsi fait un don de 50.000 tonnes d’engrais destinées au programme de développement de la culture estivale du blé irrigué en Éthiopie. Le 18 juillet, c’est un autre don de 15.000 tonnes d’engrais au phosphate de diammonium (DAP) qui a été destiné aux agriculteurs rwandais.
Des investissements en Afrique
Mais l’OCP compte aller plus loin dans son implication sur le continent africain, à travers le co-investissement. En septembre 2021, le gouvernement éthiopien avait annoncé un mégaprojet à 3,7 milliards de dollars avec l’OCP pour une usine d’engrais. Le complexe sera implanté à Dire Dawa, seconde ville éthiopienne en termes de population, et combinera le gaz naturel éthiopien et l’acide phosphorique marocain. C’est un grand événement pour ce pays d’Afrique de l’Est, traditionnellement gagné aux thèses des séparatistes du Polisario. Une autre usine de production d’engrais verra le jour au Nigeria.
Cet investissement avait été annoncé en juin 2018, durant la visite du président nigérian Muhammadu Buhari au Maroc. La nouvelle usine produira, d’ici 2025, 1 million de tonnes d’engrais et 750.000 tonnes d’ammoniac pour un investissement de 1,3 milliard de dirhams. Les deux pays seront ainsi liés par un second projet d’envergure, après le gazoduc Maroc-Nigeria.
A la conquête de l’Amérique Latine
Cette diplomatie des engrais ne se limite pas au continent africain. En mai dernier, le groupe OCP avait annoncé l’ouverture d’une unité de transformation au Brésil pour fabriquer des produits phosphatés. Cette annonce a été faite lors de la visite officielle au Royaume du ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Alimentation du Brésil, Marcos Montes. Un grand coup pour ce pays d’Amérique du Sud qui dépend à 85% des importations pour ses besoins en engrais, et qui s’est retrouvé dans une grande situation de fragilité suite aux sanctions contre les exportations russes et biélorusses. Ces deux pays étaient les principaux fournisseurs en engrais pour le Brésil, devant le Maroc qui se situait à la troisième position.
En Amérique Centrale, le Guatemala voit dans son alliance avec le Maroc une occasion de développer la production d’engrais localement. Ce pays en grande fragilité au niveau agricole s’est tourné vers Rabat pour une usine locale de production d’engrais.
Le président guatémaltèque Alejandro Giammattei avait annoncé, le 22 juin dernier à l’occasion du Conseil national de développement urbain et rural, que l’OCP allait invertir dans une usine d’engrais dans son pays. «Nous en profiterions car cela nous donnerait un coût beaucoup plus faible puisqu’il n’y a pas besoin de payer le transport ou les conteneurs», avait-il commenté.
Si l’OCP a su se positionner dans les pays qui se sont retrouvés fragilisés par le contexte international, le prochain défi serait de conquérir le marché européen. En effet, les agriculteurs européens ont vu les prix à l’achat de leurs engrais exploser, et ne peuvent se tourner que vers leur voisin du Sud pour remplacer les produits russes.
Deux principales raisons expliquent cette flambée. D’une part, la hausse des prix du gaz naturel. En effet, les engrais azotés sont fabriqués à base d’ammoniac, issu du gaz naturel. D’autre part, les sanctions internationales contre les engrais en provenance de Russie, un des principaux fournisseurs de ce produit. Cette hausse des prix concerne particulièrement les roches phosphatées d’origine marocaine.
Toujours selon la note de recherche de Fitch Ratings, «les roches phosphatées d’origine marocaine devraient atteindre en moyenne 270 dollars la tonne à la fin de 2022, contre 200 dollars la tonne dans les prévisions précédentes». Cette hausse est due notamment à «la politique de l’OCP de limiter les exportations pour maintenir le niveau de ses prix. La politique de l’OCP est d’autant plus efficace que le groupe contrôle plus de 70% des réserves mondiales de phosphate naturel trouvées au Maroc», explique le document.
Des résultats exceptionnels
L’augmentation des prix de la roche phosphatée marocaine se reflète sur les performances financières de l’OCP. En effet, le chiffre d’affaires du groupe OCP a atteint près de 56,02 milliards de dirhams au premier semestre de 2022, en hausse de 72% par rapport à la même période une année auparavant.
L’Office explique cette performance par les prix des engrais qui ont «progressivement augmenté au cours du premier semestre 2022, reflétant principalement des conditions d’approvisionnement tendues suite aux pénuries alimentées par le conflit entre l’Ukraine et la Russie et la réduction des exportations en provenance de Chine». «Les engrais étaient moins accessibles pour les agriculteurs en raison de la flambée des prix, ce qui a affecté la demande en Europe et aux Etats-Unis, fortement impactés par les conditions météorologiques défavorables», poursuit le communiqué de l’OCP.
Dans ces conditions exceptionnelles, le Maroc a une carte à jouer pour accompagner et assister les pays en fragilité agricole et alimentaire. L’OCP s’est orienté depuis quelques années vers l’aide sur le terrain des agriculteurs africains.
A travers sa filiale créée en 2016, OCP Africa, le groupe phosphatier marocain s’implique dans les stratégies de développement agricole sur le continent. La filiale est présente dans 19 pays africains, et intervient à travers le partage d’expertise ou à travers des dons d’engrais. Le 24 août dernier, OCP Africa a ainsi fait un don de 50.000 tonnes d’engrais destinées au programme de développement de la culture estivale du blé irrigué en Éthiopie. Le 18 juillet, c’est un autre don de 15.000 tonnes d’engrais au phosphate de diammonium (DAP) qui a été destiné aux agriculteurs rwandais.
Des investissements en Afrique
Mais l’OCP compte aller plus loin dans son implication sur le continent africain, à travers le co-investissement. En septembre 2021, le gouvernement éthiopien avait annoncé un mégaprojet à 3,7 milliards de dollars avec l’OCP pour une usine d’engrais. Le complexe sera implanté à Dire Dawa, seconde ville éthiopienne en termes de population, et combinera le gaz naturel éthiopien et l’acide phosphorique marocain. C’est un grand événement pour ce pays d’Afrique de l’Est, traditionnellement gagné aux thèses des séparatistes du Polisario. Une autre usine de production d’engrais verra le jour au Nigeria.
Cet investissement avait été annoncé en juin 2018, durant la visite du président nigérian Muhammadu Buhari au Maroc. La nouvelle usine produira, d’ici 2025, 1 million de tonnes d’engrais et 750.000 tonnes d’ammoniac pour un investissement de 1,3 milliard de dirhams. Les deux pays seront ainsi liés par un second projet d’envergure, après le gazoduc Maroc-Nigeria.
A la conquête de l’Amérique Latine
Cette diplomatie des engrais ne se limite pas au continent africain. En mai dernier, le groupe OCP avait annoncé l’ouverture d’une unité de transformation au Brésil pour fabriquer des produits phosphatés. Cette annonce a été faite lors de la visite officielle au Royaume du ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Alimentation du Brésil, Marcos Montes. Un grand coup pour ce pays d’Amérique du Sud qui dépend à 85% des importations pour ses besoins en engrais, et qui s’est retrouvé dans une grande situation de fragilité suite aux sanctions contre les exportations russes et biélorusses. Ces deux pays étaient les principaux fournisseurs en engrais pour le Brésil, devant le Maroc qui se situait à la troisième position.
En Amérique Centrale, le Guatemala voit dans son alliance avec le Maroc une occasion de développer la production d’engrais localement. Ce pays en grande fragilité au niveau agricole s’est tourné vers Rabat pour une usine locale de production d’engrais.
Le président guatémaltèque Alejandro Giammattei avait annoncé, le 22 juin dernier à l’occasion du Conseil national de développement urbain et rural, que l’OCP allait invertir dans une usine d’engrais dans son pays. «Nous en profiterions car cela nous donnerait un coût beaucoup plus faible puisqu’il n’y a pas besoin de payer le transport ou les conteneurs», avait-il commenté.
Si l’OCP a su se positionner dans les pays qui se sont retrouvés fragilisés par le contexte international, le prochain défi serait de conquérir le marché européen. En effet, les agriculteurs européens ont vu les prix à l’achat de leurs engrais exploser, et ne peuvent se tourner que vers leur voisin du Sud pour remplacer les produits russes.
Soufiane CHAHID
Les agriculteurs américains plaident pour les engrais OCP
Le pays de l’Oncle Sam reviendra-t-il sur sa décision de sanctionner les engrais phosphatés marocains ? Depuis mars 2021, les exportations marocaines sont soumises à des droits compensateurs de 19,97%, suite à une plainte de son concurrent américain Mosaic. Cela a engendré une hausse des prix des engrais et des problèmes d’approvisionnement des agriculteurs américains.
Il y a quelques semaines, Randy Feenstra, membre du Congrès américain, a appelé à un effort du gouvernement sur les droits imposés aux produits OCP. « Certains de nos agriculteurs, qui ont pu garantir la disponibilité des engrais pour la prochaine saison de plantation, ont déclaré avoir des prix cotés jusqu’à six fois plus élevés que les prix de 2021 », s’est-il indigné lors de la réunion du comité de l’agriculture de la Chambre des États-Unis.
Il y a quelques semaines, Randy Feenstra, membre du Congrès américain, a appelé à un effort du gouvernement sur les droits imposés aux produits OCP. « Certains de nos agriculteurs, qui ont pu garantir la disponibilité des engrais pour la prochaine saison de plantation, ont déclaré avoir des prix cotés jusqu’à six fois plus élevés que les prix de 2021 », s’est-il indigné lors de la réunion du comité de l’agriculture de la Chambre des États-Unis.