-Vous venez d’assister à la 27ème édition du Festival International du Cinéma d’auteur de Rabat, organisée du 17 au 24 novembre. Que vous inspire cet événement ?
Ce Festival m’inspire du respect pour son ancienneté et son professionnalisme. Il s’agit d’une manifestation ancienne, qui a tenu sa 27ème édition. Nous devons donc dans un premier temps saluer cette belle longévité du Festival International du Cinéma d’Auteur de Rabat car il n’est pas aisé de maintenir, dans la durée, un évènement de cette envergure. Malheureusement, nous l’avons vu, dans de nombreux pays, des festivals naissent et disparaissent faute de moyens ou pris par d’autres aléas. S’agissant du positionnement du FICAR, il entend mettre en avant la production internationale portée par un regard d’auteur(e)/réalisateur(trice).
Au niveau mondial c’est un positionnement qui cohabite avec un cinéma plus commercial et grand public mais au niveau des pays d’Afrique francophone c’est quasiment la norme car qui dit cinéma d’auteur dit cinéma exigeant à budget réduit. Ce cinéma est important car il contribue à l’éducation de la jeunesse qui, par ailleurs, ne manque pas de films commerciaux et grand public disponibles partout, sur tous les supports possibles.
Comme toutes les éditions, celle-ci a pu proposer des films de talents naissants et des films de réalisateurs reconnus. Le Maroc propose de nombreux festivals très professionnels et celui-ci en fait partie et il est important de tous les encourager. Lors de cette édition, des hommages ont été rendus à des personnalités du cinéma, des projections ont eu lieu, des tables rondes et des masters classe également. Tout y a été bien organisé. Et surtout les professionnels ont pu y faire des rencontres qui s’avéreront certainement fructueuses pour leur projet à venir.
-Cette 27ème édition du FICAR a été placée sous l’égide de « Rabat, Capitale de la Culture Africaine 2022 ». Comment cette célébration s’est-elle matérialisée ?
Tout d’abord cette édition a été co-construite par le FICAR et le festival du cinéma africain de LUXOR (Egypte). Par ailleurs, elle s’est distinguée par une forte délégation de professionnels originaires de pays d’Afrique et une programmation de films du patrimoine cinématographique africain. Trois réalisateurs de renoms ont été honorés. Il s’agit de Gaston Kaboré (Burkina Faso), Moussa Touré (Sénégal), Nabil Ayouch (Maroc), étaient également présents un représentant du FESPACO, la biennale du cinéma africain basée à Ouagadougou au Burkina Faso connue de tous, ainsi que de nombreux représentants de médias. De plus, l’Afrique était largement représentée au sein des différents jurys (Nigéria, Sénégal, Cameroun… etc).
Il convient de saluer et se féliciter qu’en marge du Festival International du Cinéma d’auteur de Rabat une convention de coopération entre l’Union des auteurs et réalisateurs marocains (URAM) et l’association des Cinéastes sénégalais associés (CINEASAS) a été signée. C’est un signal fort et un tremplin dans l’autonomisation, car c’est un partenariat porté par deux associations et non initié par des Etats. Nous devrions arriver à ce que le cinéma africain soit un outil de développement.
Cette initiative, qui porte sur une mutualisation des moyens de production, promotion et formation est à suivre car l’Afrique a réellement besoin d’autonomie en matière de réalisation et de production. Cela est devenu une nécessité impérieuse. Bien entendu, la coopération internationale demeure indispensable dans le secteur du 7ème Art.
De plus une table ronde a été organisée sur l’évolution de l’industrie du cinéma africain durant les vingt dernières années réunissant différentes personnalités et experts. Pour ma part, j’y ai présenté le projet d’observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma (OPAC) que je développe actuellement avec une équipe d’experts pluridisciplinaire et multiculturelle.
-Justement, quelle est la genèse de ce projet dénommé l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma que vous portez pour promouvoir, manager et soutenir le 7ème Art sur le continent ?
Naturellement, c’est dans le souci d’augmenter le potentiel économique du secteur à travers l'accès à l'information, lequel est un préalable indispensable à tout investissement soutenu. Il nous a semblé nécessaire de créer cet « Observatoire » afin de contribuer à faire tomber les barrières et les blocages qui pénalisent bien souvent cette industrie dite « coûteuse » et incertaine.
Il est également vrai que ni la qualité d'une œuvre, ni l'expérience d'un réalisateur ne peuvent garantir le succès d'une œuvre cinématographique ou d'une série télévisée. Mais la mutualisation des efforts sur le continent peut être un facteur d’émulation et de complémentarité pour faire du cinéma un pilier du développement économique du continent. Bien qu’il faille souligner avec force que la production d'images est en réel essor en Afrique, désormais forte tant sur le plan quantitatif que qualitatif, elle est reconnue, recherchée, accueillie et s'internationalise, grâce notamment aux festivals et aux plateformes numériques.
Au plan international les plateformes proposent désormais à portée de clic, une diversité cinématographique et audiovisuelle jamais atteinte où l’Afrique est bien présente, tandis qu’au niveau national les salles renaissent un peu partout. Tout cela est très encourageant, et l’observatoire donnera le coup de pouce décisif, j’en suis convaincue.
-Concrètement, que faut-il entendre par l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma ?
Il faut dire que l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma (OPAC) est un instrument panafricain de gouvernance culturelle dédié aux filières cinématographiques et audiovisuelles, dont la mission principale est de servir de levier économique afin de contribuer à la croissance de l’industrie cinématographique et audiovisuelle des 54 pays d’Afrique.
A l’instar de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, l’OPAC permet de comprendre les réalités, les potentialités et les tendances du marché de l’image à l’échelle du continent africain tout en offrant une aide tangible aux décideurs politiques et aux financeurs en termes de visions stratégiques et d’investissements potentiels. Car, en dépit des avancées, le secteur demeure sous-financé, voire inexploité dans bon nombre de pays du continent africain, comme en atteste l’étude de l’UNESCO intitulée : « L’industrie du film en Afrique : tendances, défis et opportunités de croissance », réalisée en 2021. D’où la nécessité de la mise en place de cet organe panafricain.
- En d’autres termes, que faut-il attendre de l’OPAC ?
Grâce aux données et analyses mises à disposition par l’OPAC, il sera bientôt possible, non seulement de lever les obstacles et les freins qui, bien souvent, pénalisent cette industrie jugée « écouteuse et aléatoire », mais de pouvoir inciter les Etats à développer des politiques publiques favorables et d’inviter les investisseurs publics comme privés, locaux comme étrangers, à soutenir les différentes filières du cinéma africain.
Dès lors, nous pourrions assister en Afrique à une augmentation de la production, une amélioration de la visibilité des films, et une optimisation des retombées économiques des œuvres. Cela est d’autant urgent, qu’il semble évident que l’heure de l’industrialisation et de l’internationalisation du cinéma africain soit arrivée - accélérée par la dynamique des plateformes numériques, entre autres - et qu’à fin d’atteindre ces objectifs une maitrise des données du secteur, à l’échelle tant continentale que nationale s’avère indispensable.
-Nous sommes à l’ère de la révolution numérique. Quelle est votre perception du cinéma africain face à cette nouvelle donne ?
Il faut dire que grâce au numérique, la création cinématographique et audiovisuelle en Afrique s'est démocratisée tant en termes de production que de diffusion. De même, la production cinématographique et audiovisuelle africaine s'est internationalisée. L'avènement des plateformes numériques a été un véritable révélateur de talents cinématographiques pour l'Afrique encore peu équipée en salles de cinéma.
Cela a été une aubaine. Ce sont les nouvelles technologies numériques qui ont permis ce saut qualitatif et cet engouement intense des jeunes pour ces métiers considérés hier comme élitistes. Le digital a permis de produire plus, de mieux en vivre et de gagner en visibilité. Le cinéma africain est de mieux en mieux exposé et célébré partout dans e monde. Cet attrait pour le cinéma africain ne peut qu’avoir des retombées positives en termes de structuration, et d’attractivité des jeunes, si désireux de partager leur vision du monde à travers le cinéma et l'audiovisuel.
Ce Festival m’inspire du respect pour son ancienneté et son professionnalisme. Il s’agit d’une manifestation ancienne, qui a tenu sa 27ème édition. Nous devons donc dans un premier temps saluer cette belle longévité du Festival International du Cinéma d’Auteur de Rabat car il n’est pas aisé de maintenir, dans la durée, un évènement de cette envergure. Malheureusement, nous l’avons vu, dans de nombreux pays, des festivals naissent et disparaissent faute de moyens ou pris par d’autres aléas. S’agissant du positionnement du FICAR, il entend mettre en avant la production internationale portée par un regard d’auteur(e)/réalisateur(trice).
Au niveau mondial c’est un positionnement qui cohabite avec un cinéma plus commercial et grand public mais au niveau des pays d’Afrique francophone c’est quasiment la norme car qui dit cinéma d’auteur dit cinéma exigeant à budget réduit. Ce cinéma est important car il contribue à l’éducation de la jeunesse qui, par ailleurs, ne manque pas de films commerciaux et grand public disponibles partout, sur tous les supports possibles.
Comme toutes les éditions, celle-ci a pu proposer des films de talents naissants et des films de réalisateurs reconnus. Le Maroc propose de nombreux festivals très professionnels et celui-ci en fait partie et il est important de tous les encourager. Lors de cette édition, des hommages ont été rendus à des personnalités du cinéma, des projections ont eu lieu, des tables rondes et des masters classe également. Tout y a été bien organisé. Et surtout les professionnels ont pu y faire des rencontres qui s’avéreront certainement fructueuses pour leur projet à venir.
-Cette 27ème édition du FICAR a été placée sous l’égide de « Rabat, Capitale de la Culture Africaine 2022 ». Comment cette célébration s’est-elle matérialisée ?
Tout d’abord cette édition a été co-construite par le FICAR et le festival du cinéma africain de LUXOR (Egypte). Par ailleurs, elle s’est distinguée par une forte délégation de professionnels originaires de pays d’Afrique et une programmation de films du patrimoine cinématographique africain. Trois réalisateurs de renoms ont été honorés. Il s’agit de Gaston Kaboré (Burkina Faso), Moussa Touré (Sénégal), Nabil Ayouch (Maroc), étaient également présents un représentant du FESPACO, la biennale du cinéma africain basée à Ouagadougou au Burkina Faso connue de tous, ainsi que de nombreux représentants de médias. De plus, l’Afrique était largement représentée au sein des différents jurys (Nigéria, Sénégal, Cameroun… etc).
Il convient de saluer et se féliciter qu’en marge du Festival International du Cinéma d’auteur de Rabat une convention de coopération entre l’Union des auteurs et réalisateurs marocains (URAM) et l’association des Cinéastes sénégalais associés (CINEASAS) a été signée. C’est un signal fort et un tremplin dans l’autonomisation, car c’est un partenariat porté par deux associations et non initié par des Etats. Nous devrions arriver à ce que le cinéma africain soit un outil de développement.
Cette initiative, qui porte sur une mutualisation des moyens de production, promotion et formation est à suivre car l’Afrique a réellement besoin d’autonomie en matière de réalisation et de production. Cela est devenu une nécessité impérieuse. Bien entendu, la coopération internationale demeure indispensable dans le secteur du 7ème Art.
De plus une table ronde a été organisée sur l’évolution de l’industrie du cinéma africain durant les vingt dernières années réunissant différentes personnalités et experts. Pour ma part, j’y ai présenté le projet d’observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma (OPAC) que je développe actuellement avec une équipe d’experts pluridisciplinaire et multiculturelle.
-Justement, quelle est la genèse de ce projet dénommé l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma que vous portez pour promouvoir, manager et soutenir le 7ème Art sur le continent ?
Naturellement, c’est dans le souci d’augmenter le potentiel économique du secteur à travers l'accès à l'information, lequel est un préalable indispensable à tout investissement soutenu. Il nous a semblé nécessaire de créer cet « Observatoire » afin de contribuer à faire tomber les barrières et les blocages qui pénalisent bien souvent cette industrie dite « coûteuse » et incertaine.
Il est également vrai que ni la qualité d'une œuvre, ni l'expérience d'un réalisateur ne peuvent garantir le succès d'une œuvre cinématographique ou d'une série télévisée. Mais la mutualisation des efforts sur le continent peut être un facteur d’émulation et de complémentarité pour faire du cinéma un pilier du développement économique du continent. Bien qu’il faille souligner avec force que la production d'images est en réel essor en Afrique, désormais forte tant sur le plan quantitatif que qualitatif, elle est reconnue, recherchée, accueillie et s'internationalise, grâce notamment aux festivals et aux plateformes numériques.
Au plan international les plateformes proposent désormais à portée de clic, une diversité cinématographique et audiovisuelle jamais atteinte où l’Afrique est bien présente, tandis qu’au niveau national les salles renaissent un peu partout. Tout cela est très encourageant, et l’observatoire donnera le coup de pouce décisif, j’en suis convaincue.
-Concrètement, que faut-il entendre par l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma ?
Il faut dire que l’Observatoire panafricain de l’audiovisuel et du cinéma (OPAC) est un instrument panafricain de gouvernance culturelle dédié aux filières cinématographiques et audiovisuelles, dont la mission principale est de servir de levier économique afin de contribuer à la croissance de l’industrie cinématographique et audiovisuelle des 54 pays d’Afrique.
A l’instar de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, l’OPAC permet de comprendre les réalités, les potentialités et les tendances du marché de l’image à l’échelle du continent africain tout en offrant une aide tangible aux décideurs politiques et aux financeurs en termes de visions stratégiques et d’investissements potentiels. Car, en dépit des avancées, le secteur demeure sous-financé, voire inexploité dans bon nombre de pays du continent africain, comme en atteste l’étude de l’UNESCO intitulée : « L’industrie du film en Afrique : tendances, défis et opportunités de croissance », réalisée en 2021. D’où la nécessité de la mise en place de cet organe panafricain.
- En d’autres termes, que faut-il attendre de l’OPAC ?
Grâce aux données et analyses mises à disposition par l’OPAC, il sera bientôt possible, non seulement de lever les obstacles et les freins qui, bien souvent, pénalisent cette industrie jugée « écouteuse et aléatoire », mais de pouvoir inciter les Etats à développer des politiques publiques favorables et d’inviter les investisseurs publics comme privés, locaux comme étrangers, à soutenir les différentes filières du cinéma africain.
Dès lors, nous pourrions assister en Afrique à une augmentation de la production, une amélioration de la visibilité des films, et une optimisation des retombées économiques des œuvres. Cela est d’autant urgent, qu’il semble évident que l’heure de l’industrialisation et de l’internationalisation du cinéma africain soit arrivée - accélérée par la dynamique des plateformes numériques, entre autres - et qu’à fin d’atteindre ces objectifs une maitrise des données du secteur, à l’échelle tant continentale que nationale s’avère indispensable.
-Nous sommes à l’ère de la révolution numérique. Quelle est votre perception du cinéma africain face à cette nouvelle donne ?
Il faut dire que grâce au numérique, la création cinématographique et audiovisuelle en Afrique s'est démocratisée tant en termes de production que de diffusion. De même, la production cinématographique et audiovisuelle africaine s'est internationalisée. L'avènement des plateformes numériques a été un véritable révélateur de talents cinématographiques pour l'Afrique encore peu équipée en salles de cinéma.
Cela a été une aubaine. Ce sont les nouvelles technologies numériques qui ont permis ce saut qualitatif et cet engouement intense des jeunes pour ces métiers considérés hier comme élitistes. Le digital a permis de produire plus, de mieux en vivre et de gagner en visibilité. Le cinéma africain est de mieux en mieux exposé et célébré partout dans e monde. Cet attrait pour le cinéma africain ne peut qu’avoir des retombées positives en termes de structuration, et d’attractivité des jeunes, si désireux de partager leur vision du monde à travers le cinéma et l'audiovisuel.
Interview réalisée par Mamady SIDIBE
Bon à savoir
Experte dans le domaine du cinéma des pays du Sud, membres de la Francophonie et plus particulièrement des pays d’Afrique francophone, Mme Souad Houssein exerce dans ce secteur depuis près de 25 ans.
Cette Franco-Djiboutienne a, au cours de sa carrière au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), conduit et coordonné des projets de développement et de promotion du cinéma des pays du Sud. Sa mission a consisté à gérer un mécanisme de financement d’aide à la production cinématographique (Fonds image de la Francophonie), accompagner le renforcement des capacités de professionnels et contribuer à l’amélioration de la visibilité des films financés. Elle a travaillé, entre autres, à l’Union des femmes djiboutiennes dans le cadre d’un programme d’alphabétisation fonctionnelle en français dédié aux femmes avec le soutien de la GTZ et de l’UNICEF.
Mme Souad Houssein est actuellement membre de l’Alliance internationale des femmes (AIF) où elle apporte sa contribution dans la communication. Elle est également 2ème Vice-présidente de l’Association HESTIA (Humanitaire educative and solidarity intergenerationnel) où elle accompagne des projets culturels.