Le décès de Hassan Cherkaoui, figure de proue du paysage partisan, a suscité des sentiments de tristesse et d’affliction chez toutes les personnes qui l’ont côtoyé. L’un de ceux qui ont connu de très près le regretté défunt, en l’occurrence Abdeljabbar Rachdi, a donné libre cours à sa plume pour décrire une personnalité rare chez le commun des mortels, mais aussi pour déplorer les circonstances de l’état d’urgence sanitaire, certes salvateur, mais ô combien contraignant pour ceux, éplorés, qui veulent enterrer les êtres qui leur sont chers, leur dire adieu et apaiser leur proche famille. Voici la traduction approximative de ce beau texte émouvant rédigé à l’origine dans un arabe châtié qu’il nous a été ardu d’en reproduire toute la poésie :
«Il y a une semaine, lorsque je l’ai eu au téléphone, sa voix chaude et apaisée avait ce timbre de lassitude qu’imprime la fatigue et les longs mois de lutte contre la maladie.
Je me suis enquis de ses nouvelles, il a amplement rendu grâce à Dieu, comblé de son destin, avenant à
Sa volonté. Nous nous sommes séparés sur mes prières, la pensée brisée et affligée, mais pleine d’espoir quant à son rétablissement et le recouvrement de son bien-être.
Il ne m’était nullement venu à l’esprit que c'était-là ma dernière conversation avec le frère Hassan Cherkaoui, et que son sort inévitable l'attendait à l’heure prédéterminée, écrite.
Désolé, frère Hassan, mais nous ne te dirons pas l’ultime adieu, et nous ne te contemplerons pas dans ton linceul blanc immaculé, parfumé à l'eau de jasmin. Nous ne nous étreindrons pas et n'échangerons pas ces habituelles formules de condoléances qui apaisent les âmes chagrinées.
Désolé, mon frère Hassan, nous ne pourrons pas soulager, un tant soit peu, ta famille éplorée, ni atténuer sa tristesse avec les mots qui inspirent la patience et le réconfort.
Désolé, mon bon frère, nous ne pourrons pas faire ta prière funéraire dans une mosquée, et nous ne pourrons pas nous acquitter du devoir honorable de te mener jusqu'à ta dernière demeure.
Excuse-moi mon frère Hassan, nous ne nous recueillerons pas sur ta tombe pour verser les larmes de ta séparation, et pour t’inhumer dans la dévotion.
Excuse-moi mon frère Hassan, nous ne pourrons pas organiser des funérailles dignes de ton rang et de l’admiration et l’amour que nous te portons. Les gens ne se réuniront pas non plus en auditoire pour la déclamation du Coran et l’évocation de ton doux souvenir.
Excuse-moi mon frère Hassan, la volonté de Dieu s’est accomplie, et ce qui t’a atteint était écrit et donc inéluctable.
Je ne te cache guère, mon frère Hassan, que tout cela exacerbe notre douleur et nos peines, et nous défait doublement, pour nous être séparés de toi, sans pouvoir honorer ton départ dans le respect de nos rites et coutumes traditionnels de l’inhumation. Mais ne t’en désole pas mon frère Hassan, ton amitié vit en nous. Le fléau a beau nous détourner de tes funérailles, notre affection pour toi nous fait verser les larmes de la séparation. L’estime des proches et des militants te suffit de notre absence, ta haute moralité est gravée dans nos souvenirs, ta modestie t’élève dans nos âmes.
Non, mon frère Hassan, nous ne disputerons pas aux anges ton accompagnement à ta dernière demeure, mais nous lèverons les mains, priant Dieu de te combler de Sa Sainte Miséricorde et de Son infinie Clémence, et nous élèverons nos voix, témoignant de la douceur de tes mœurs, de ta bonté, de ton zèle dans la défense du Droit et de la justice. Nous déclamerons la sourate Yassin en offrande à ton âme pure, et prierons Dieu pour ta constance et pour que tu rejoignes notre prophète, paix et salut sur lui.
Si Hassan Cherkaoui était un combattant authentique, fidèle et constant même dans les circonstances les plus difficiles. Il n'avait jamais retourné sa veste, ni renoncé à ses idéaux. Il savait écouter les militants et n’hésitait pas à les soutenir.
Lorsque le parti traversait des zones internes de turbulences, il prenait ses distances des antagonismes. Homme d'équilibre et de rapprochement des vues, il privilégiait les intérêts du parti, obnubilé par sa postérité.
Homme ouvert d'esprit, il recevait les militants qui étaient tous égaux à ses yeux, dans son humble bureau au style ancien conservé. Le visage radieux, attentif et sans ennui aucun face aux vaines querelles et vicissitudes, il partageait notre souci et soulageait notre exaspération.
Hassan Cherkaoui était un label istiqlalien par excellence. Il gérait admirablement et efficacement les affaires administratives du parti. Sans rien négliger, il faisait la différence entre ses tâches managériales et ses convictions et opinions personnelles.
Militant organique, il alliait sagesse et engagement, donnait sa juste mesure à la responsabilité dans toutes les missions qu'il avait assumées, électorales, administratives ou partisanes. Et la dimension humanitaire qu’il leur octroyait était incommensurable.
Je ne veux pas, mon frère Hassan, relater tout ton parcours administratif, militant et humanitaire, mais seulement faire ton deuil avec ces mots, puissent-ils nous soulager de la peine et de la douleur de ta perte. Tu vivras en nous notre vie durant. Paix sur ton âme pure. Que Dieu te bénisse de Sa grande miséricorde et te loge dans Son vaste Paradis, en compagnie des prophètes, des justes et des martyrs, la meilleure compagnie qui soit».
Ecrit par Abdeljabbar Rachdi et traduit de l'arabe par Si Mohamed Sedrati