Un nouveau prototype d’un système robotisé inventé par une équipe de chercheurs marocains affiliés à l’Université Hassan II, dévoilé lors d’une conférence de presse organisée en janvier, a été présenté comme « une invention qui va révolutionner l’industrie du venin scorpionique ».
Le Pr Anass Kettani, vice-président de l’Université Hassan II, chargé de l’insertion, de l’entrepreneuriat et du partenariat et directeur de thèse à l’origine du système en question, avait souligné à l’occasion que cette invention marocaine permet d’augmenter la quantité et la qualité du venin pendant la phase d’extraction.
De même, cette invention facilite ce processus, diminue les risques liés à la manipulation de scorpions venimeux tout en limitant les préjudices potentiels que peuvent subir les arthropodes pendant cette phase délicate. Sachant que le venin de scorpion qui est un produit demandé dans divers domaines de la recherche scientifique est considéré comme l’un des venins les plus coûteux au monde, cette invention permettra-t-elle de mettre en place une filière marocaine liée à ce produit? Tout porte à le croire au vu du potentiel développé actuellement par l’Université Hassan II.
« Venoma UH2C »
Capitalisant sur le Dahir n° 1-00-199 portant promulgation de la loi n° 01-00 relative à l’organisation de l’enseignement supérieur, l’université a créé une start-up portant le nom de « Venoma UH2C » dans le cadre du programme Saleem de son pôle insertion.
« Cette startup a été créée officiellement en décembre 2021 après plusieurs années de préparation qui nous ont permis de développer les divers produits et services qu’elle peut offrir », nous explique Mouad Mekamel, doctorant qui a inventé le système robotisé d’extraction et responsable Recherche & Développement au sein de Venoma UH2C. L’entité en question oeuvre en partenariat avec l’université à laquelle elle reverse une part de ses bénéfices qui seront par la suite réinvestis dans les projets de recherche.
« Le siège social et administratif de Venoma UH2C est situé à l’Université Hassan II, mais le laboratoire où sont mis en captivité les divers animaux venimeux sur lesquels nous travaillons est situé à Berrechid », nous confie le biologiste. En dépit de sa récente création, la stratup dispose déjà de clients parmi lesquels plusieurs multinationales spécialisées dans l’industrie du venin.
Un fleuron en expansion
« Nous avons des laboratoires comme Alphabiotoxine - leader mondial du domaine - qui sont intéressés par l’acquisition de venins bruts. D’autres entités comme la multinationale Birmex basée au Mexique sont plus intéressées par les toxines que nous purifions à partir des venins. Nous proposons également un service de formation (manipulation, mise en captivité, biochimie), notamment pour d’autres pays (Egypte, pays subsahariens et Amérique latine) qui veulent se lancer dans ce domaine. Nous avons également un volet dédié aux technologies et aux brevets», souligne Mouad Mkamel.
Le savoir-faire et les procédés développés par l’équipe de Venoma UH2C permettent par ailleurs de garantir « des standards et des normes de qualité élevé », mais, surtout, mettent à la disposition de la communauté de recherche des venins issus d’espèces autochtones qui parfois n’existent qu’au Maroc. « Nous procédons à l’extraction du venin à partir de plusieurs espèces : les scorpions, les serpents et vipères autochtones, les araignées ou encore les amphibiens. Actuellement, la startup est en phase de lancer un nouveau département dans lequel nous comptons commencer à travailler sur les venins des organismes marins », poursuit la même source.
Toxines et principes actifs
Selon Mouad Mkamel, les venins permettent de fabriquer plusieurs types de médicaments, notamment pour traiter l’hypertension, le cancer gastrique et le cancer cérébral. « Le véritable potentiel du venin se retrouve cependant auprès des laboratoires spécialisés dans la découverte de nouveaux principes actifs », précise notre interlocuteur.
Chaque venin s’érige ainsi en pourvoyeur de plusieurs types de toxines qui sont utilisées par les grands laboratoires afin de trouver de nouvelles molécules qui sont ensuite employées dans des secteurs très variés (médicament, génétique, industrie, etc.). Venoma UH2C ambitionne à ce stade de continuer son développement et de s’ériger en acteur majeur de ce secteur à fort potentiel économique.
« Les animaux venimeux sont souvent vus uniquement à travers le prisme du danger. Mettre à profit le capital économique et scientifique qu’ils peuvent représenter peut drastiquement changer la perspective avec laquelle ils sont considérés et également démontrer tout l’intérêt à les conserver à l’état sauvage », conclut le chercheur.
Le Pr Anass Kettani, vice-président de l’Université Hassan II, chargé de l’insertion, de l’entrepreneuriat et du partenariat et directeur de thèse à l’origine du système en question, avait souligné à l’occasion que cette invention marocaine permet d’augmenter la quantité et la qualité du venin pendant la phase d’extraction.
De même, cette invention facilite ce processus, diminue les risques liés à la manipulation de scorpions venimeux tout en limitant les préjudices potentiels que peuvent subir les arthropodes pendant cette phase délicate. Sachant que le venin de scorpion qui est un produit demandé dans divers domaines de la recherche scientifique est considéré comme l’un des venins les plus coûteux au monde, cette invention permettra-t-elle de mettre en place une filière marocaine liée à ce produit? Tout porte à le croire au vu du potentiel développé actuellement par l’Université Hassan II.
« Venoma UH2C »
Capitalisant sur le Dahir n° 1-00-199 portant promulgation de la loi n° 01-00 relative à l’organisation de l’enseignement supérieur, l’université a créé une start-up portant le nom de « Venoma UH2C » dans le cadre du programme Saleem de son pôle insertion.
« Cette startup a été créée officiellement en décembre 2021 après plusieurs années de préparation qui nous ont permis de développer les divers produits et services qu’elle peut offrir », nous explique Mouad Mekamel, doctorant qui a inventé le système robotisé d’extraction et responsable Recherche & Développement au sein de Venoma UH2C. L’entité en question oeuvre en partenariat avec l’université à laquelle elle reverse une part de ses bénéfices qui seront par la suite réinvestis dans les projets de recherche.
« Le siège social et administratif de Venoma UH2C est situé à l’Université Hassan II, mais le laboratoire où sont mis en captivité les divers animaux venimeux sur lesquels nous travaillons est situé à Berrechid », nous confie le biologiste. En dépit de sa récente création, la stratup dispose déjà de clients parmi lesquels plusieurs multinationales spécialisées dans l’industrie du venin.
Un fleuron en expansion
« Nous avons des laboratoires comme Alphabiotoxine - leader mondial du domaine - qui sont intéressés par l’acquisition de venins bruts. D’autres entités comme la multinationale Birmex basée au Mexique sont plus intéressées par les toxines que nous purifions à partir des venins. Nous proposons également un service de formation (manipulation, mise en captivité, biochimie), notamment pour d’autres pays (Egypte, pays subsahariens et Amérique latine) qui veulent se lancer dans ce domaine. Nous avons également un volet dédié aux technologies et aux brevets», souligne Mouad Mkamel.
Le savoir-faire et les procédés développés par l’équipe de Venoma UH2C permettent par ailleurs de garantir « des standards et des normes de qualité élevé », mais, surtout, mettent à la disposition de la communauté de recherche des venins issus d’espèces autochtones qui parfois n’existent qu’au Maroc. « Nous procédons à l’extraction du venin à partir de plusieurs espèces : les scorpions, les serpents et vipères autochtones, les araignées ou encore les amphibiens. Actuellement, la startup est en phase de lancer un nouveau département dans lequel nous comptons commencer à travailler sur les venins des organismes marins », poursuit la même source.
Toxines et principes actifs
Selon Mouad Mkamel, les venins permettent de fabriquer plusieurs types de médicaments, notamment pour traiter l’hypertension, le cancer gastrique et le cancer cérébral. « Le véritable potentiel du venin se retrouve cependant auprès des laboratoires spécialisés dans la découverte de nouveaux principes actifs », précise notre interlocuteur.
Chaque venin s’érige ainsi en pourvoyeur de plusieurs types de toxines qui sont utilisées par les grands laboratoires afin de trouver de nouvelles molécules qui sont ensuite employées dans des secteurs très variés (médicament, génétique, industrie, etc.). Venoma UH2C ambitionne à ce stade de continuer son développement et de s’ériger en acteur majeur de ce secteur à fort potentiel économique.
« Les animaux venimeux sont souvent vus uniquement à travers le prisme du danger. Mettre à profit le capital économique et scientifique qu’ils peuvent représenter peut drastiquement changer la perspective avec laquelle ils sont considérés et également démontrer tout l’intérêt à les conserver à l’état sauvage », conclut le chercheur.
Oussama ABAOUSS
Repères
Nouvel ouvrage dédié aux scorpions
L’Université Hassan II a édité un ouvrage intitulé « Le guide des scorpions au Maroc » qui comprend une cartographie des espèces selon le degré de venimosité des scorpions. Sur la base d’un travail de terrain mené par Mouad Mkamel, l’ouvrage permet d’identifier les espèces de scorpion de chaque région et de déterminer le niveau de toxicité de chacun. Ce guide pratique, présenté le 6 janvier dernier, est la première mise à jour concernant les scorpions et venins du Maroc depuis les années 50.
Un gramme à des milliers de dollars
Même si les prix peuvent varier selon les espèces, un gramme de venin de scorpion est une denrée qui se vend à plusieurs milliers de dollars. Pour extraire cette quantité, un très grand nombre d’extractions est nécessaire sachant qu’un seul de ces arthropodes sécrète en moyenne moins d’un demi-milligramme, tous les 20 jours. Dans le venin de scorpion, le nombre total de toxines peut varier entre une douzaine et une vingtaine. À noter que le dernier ouvrage marocain sur le sujet a identifié une trentaine d’espèces différentes au niveau national.
L'info...Graphie
Fonctionnement
Un dispositif robotisé sans besoin d’intervention manuelle
Le dispositif robotisé d’extraction du venin de scorpion élaboré par l’équipe de l’Université Hassan II se décline sous forme d’un système pneumatique et vibratoire facilitant la récupération des gouttelettes de venin qui tombent dans un poste de remplissage. Ce système robotique assure un processus totalement automatique sans intervention manuelle de l’opérateur.
Si les standards d’extraction du venin exigent que l’opération se fasse en respectant un intervalle minimal de 48 heures entre les extractions, Mouad Mkamel nous assure que l’équipe du laboratoire ne procède à l’extraction de venin pour un même scorpion qu’une fois par semaine.
Bien que pleinement fonctionnel, le dispositif est actuellement en cours de perfectionnement au niveau esthétique. « Nous comptons bientôt faire une mise en marche publique du dispositif avec la présence de la presse nationale et internationale », confie la même source. L’équipe a par ailleurs capitalisé sur son expérience acquise à travers le premier prototype présenté en 2017 afin d’éviter les risques de piratage industriel.
Technologie d’extraction
Une invention Made In Morocco bientôt valorisée à l’export ?
Le système robotisé inventé par les équipes de l’Université Hassan II est une version améliorée d’un premier prototype qui avait été élaboré en 2017 en collaboration avec Society of Experimental Biology (SEB) basée à Gothenburg en Suède. La première version de ce dispositif pouvait assurer l’exaction simultanée du venin auprès de 4 scorpions d’une seule espèce en même temps.
Plus abouti, le nouveau prototype présenté en janvier dernier, lors d’une conférence de presse, permet pour sa part de faire l’extraction de venin en utilisant 32 scorpions dans un seul convoyeur pour avoir un lot de venin de la même espèce dans des conditions biologiques qui peuvent être exploitées par l’industrie pharmaceutique et l’industrie cosmétique.
« Depuis l’obtention de ce brevet, qui atteste de la qualité et du caractère sérieux du travail, l’équipe composée de Mouad Mkamel, doctorant, Pr Omar Tanane, co-directeur de thèse, et Pr Rachid Saile, directeur du laboratoire de Biologie et Santé de la Faculté des Sciences Ben M’Sik relevant de l’Université Hassan II, a reçu beaucoup de demandes des industriels à l’international, notamment de l’Amérique latine et de l’Europe », a souligné Pr Anass Kettani, vice-président de l’Université Hassan II, ajoutant qu’au niveau national, « l’équipe veut participer grâce à du venin de bonne qualité à atténuer l’impact des envenimations par piqûre de scorpion, en contribuant à la production des antidotes de bonne qualité et en aidant le ministère de la Santé à mettre en place des projets au niveau des régions les plus touchées du Maroc.
Plus abouti, le nouveau prototype présenté en janvier dernier, lors d’une conférence de presse, permet pour sa part de faire l’extraction de venin en utilisant 32 scorpions dans un seul convoyeur pour avoir un lot de venin de la même espèce dans des conditions biologiques qui peuvent être exploitées par l’industrie pharmaceutique et l’industrie cosmétique.
« Depuis l’obtention de ce brevet, qui atteste de la qualité et du caractère sérieux du travail, l’équipe composée de Mouad Mkamel, doctorant, Pr Omar Tanane, co-directeur de thèse, et Pr Rachid Saile, directeur du laboratoire de Biologie et Santé de la Faculté des Sciences Ben M’Sik relevant de l’Université Hassan II, a reçu beaucoup de demandes des industriels à l’international, notamment de l’Amérique latine et de l’Europe », a souligné Pr Anass Kettani, vice-président de l’Université Hassan II, ajoutant qu’au niveau national, « l’équipe veut participer grâce à du venin de bonne qualité à atténuer l’impact des envenimations par piqûre de scorpion, en contribuant à la production des antidotes de bonne qualité et en aidant le ministère de la Santé à mettre en place des projets au niveau des régions les plus touchées du Maroc.
3 question à Mouad Mkamel, expert en venins et toxines
« Il n’est pas question d’élevage, mais de mise en captivité dans le respect des normes »
Responsable de la Recherche & Développement au sein de Venoma UH2C et expert en venins et toxines à l’Université Hassan II de Casablanca, Mouad Mkamel répond à nos questions.
- Procédez-vous à des élevages d’animaux venimeux au sein du laboratoire de Venoma UH2C ?
- Nous n’élevons pas des animaux, mais nous les retenons en laboratoire après une capture dans la Nature qui fait l’objet d’une autorisation des Eaux et Forêts. Nous contrôlons ensuite leur environnement et leur alimentation en laboratoire, afin d’optimiser le potentiel de production d’un venin de qualité pour chaque individu. Il n’est donc pas question d’élevage, mais de mise en captivité qui se fait par ailleurs dans le respect des meilleurs standards décrits dans les divers articles scientifiques et normes qui ont été publiés dans ce domaine.
- Utilisez-vous un nombre important d’animaux venimeux pour extraire suffisamment de venin ?
- Non, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nombre d’animaux est très réduit puisque nous arrivons à optimiser le potentiel d’extraction. Pour les espèces de reptiles, nous en sommes à un individu par espèce, ce qui suffit largement à la demande que nous avons. Si la demande augmente, il n’est pas exclu que nous envisagions de procéder à des franchises en veillant à choisir les bons investisseurs et à former les nouvelles équipes aux meilleurs standards et pratiques.
- Les venins ont-ils besoin de conditions spécifiques pour leur conservation ?
- Oui, en effet. La bonne conservation des venins est d’ailleurs un enjeu déterminant dont dépendent toutes les étapes en amont pour réussir notre processus. Certains venins doivent par exemple être conservés à -80° si nous voulons les garder à l’état liquide. Cependant, nous utilisons un procédé qui est par ailleurs employé par la majorité des producteurs à travers le monde : la lyophilisation. C’est-à-dire que nous transformons le venin en poudre après une phase glaciale pour ensuite le stocker dans des flacons dans un environnement sec.
- Procédez-vous à des élevages d’animaux venimeux au sein du laboratoire de Venoma UH2C ?
- Nous n’élevons pas des animaux, mais nous les retenons en laboratoire après une capture dans la Nature qui fait l’objet d’une autorisation des Eaux et Forêts. Nous contrôlons ensuite leur environnement et leur alimentation en laboratoire, afin d’optimiser le potentiel de production d’un venin de qualité pour chaque individu. Il n’est donc pas question d’élevage, mais de mise en captivité qui se fait par ailleurs dans le respect des meilleurs standards décrits dans les divers articles scientifiques et normes qui ont été publiés dans ce domaine.
- Utilisez-vous un nombre important d’animaux venimeux pour extraire suffisamment de venin ?
- Non, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nombre d’animaux est très réduit puisque nous arrivons à optimiser le potentiel d’extraction. Pour les espèces de reptiles, nous en sommes à un individu par espèce, ce qui suffit largement à la demande que nous avons. Si la demande augmente, il n’est pas exclu que nous envisagions de procéder à des franchises en veillant à choisir les bons investisseurs et à former les nouvelles équipes aux meilleurs standards et pratiques.
- Les venins ont-ils besoin de conditions spécifiques pour leur conservation ?
- Oui, en effet. La bonne conservation des venins est d’ailleurs un enjeu déterminant dont dépendent toutes les étapes en amont pour réussir notre processus. Certains venins doivent par exemple être conservés à -80° si nous voulons les garder à l’état liquide. Cependant, nous utilisons un procédé qui est par ailleurs employé par la majorité des producteurs à travers le monde : la lyophilisation. C’est-à-dire que nous transformons le venin en poudre après une phase glaciale pour ensuite le stocker dans des flacons dans un environnement sec.
Recueillis par O. A.