Deux mois d'attente, de chamailleries entre supporters sur les réseaux sociaux, de guerre médiatique acharnée, pour finalement revenir à la case départ. Saisi à la fois par le Wydad et le Tarajji au sujet de la finale "scandale" de Radès du 31 mai dernier, le TAS a finalement rendu un verdict qui a donné lieu à des interprétations de tout bord. Plus que des excès de zèle de fans fous amoureux de leurs équipes, la sentence du TAS a même poussé l'EST à se déclarer officiellement vainqueur de la Ligue des Champions Africaine 2019, induisant en erreur la presse tunisienne et donnant lieu à un imbroglio qui fait resurgir les embrouilles entre les supporters. Dans un communiqué publié dans la matinée du jeudi 1er août, la CAF indique avoir pris note de la décision du TAS, et annonce la "réunion prochaine" de ses commissions pour réagir à la sentence.
Qu'a dit le TAS?
Sans trancher de manière irréversible sur le dossier, le TAS a décidé, comme mesure "partielle", d'annuler la décision du Comité Exécutif de la CAF de rejouer le match retour de la finale sur terrain neutre. Réuni le 5 juin dernier à Paris, le Comité Exécutif avait estimé que les "conditions de jeu et de sécurité n'étaient pas réunies" sur le stade de Radès, en appelant l'EST à restituer le trophée et les médailles remises ce jour là après que l'arbitre a sifflé la fin du match suite à l'arrêt de jeu causé par les contestations des joueurs du WAC sur l'absence de la VAR (assistance vidéo à l'arbitrage).
Dans son jugement, le TAS a considéré que le Comité Exécutif de la CAF, qui compte parmi ses membres le patron du foot marocain Faouzi Lekjaa, n'était "pas compétent pour ordonner que le finale retour soit rejouée et a décidé d'annuler la décision".
La décision du TAS est-elle réellement en faveur du Tarajji?
Oui, en principe. Même si la réaction du club tunisien est aussi excessive que prématurée, le Tarajji peut, au moins, se réjouir de la victoire de ses représentants auprès du TAS. Car, dans sa décision, la juridiction installée à Lausanne explique que l'EST, dans son recours, a demandé l'annulation de la décision du Comité Exécutif de la CAF au motif qu'il n'est pas du ressort des 24 membres de ce comité de statuer sur cette affaire, mais de celui de son Conseil Disciplinaire.
Mais ce n'est pas le fruit d'un hasard que le Tarajji a eu gain de cause à Lausanne. Depuis l'éclatement de cette affaire, les dirigeants tunisiens ne jurent que pas l'incompétence du Comité Exécutif. Que ce soit dans les sorties officielles ou sur les débats télévisés, la machine médiatique tunisienne a ardemment contesté "l'immixtion" de l'organe décisionnel de la CAF dans le litige EST-WAC. Ce qui explique également que les avocats du Tarajji, comme le souligne le jugement du TAS, ont requis que la décision du Comité Exécutif soit "déclarée nulle et non avenue, subsidiairement qu'elle soit annulée". Le compteur est donc remis à zéro, comme le souhaitait le Tarajji qui, tout de même, a droit de célébrer sa victoire, du moins avant la prise de nouvelles décisions par le Conseil disciplinaire de la CAF.
Le Wydad a-t-il raté sa plaidoirie ?
Au grand dam des dirigeants Wydadis, aucun recours sur le fonds n'a été pris en considération par le TAS. Selon le communiqué, le WAC a requis, comme le Tarajji, d'être déclaré vainqueur de la compétition et de recevoir la prime de 2.5 millions de dollars, mais aucun des deux n'a eu gain de cause sur ce point. Sauf que, là où les avocats du Wydad ont dérapé, et peut-être, se sont décrédibilisés, c'est lorsqu'ils ont introduit dans le dossier la demande de rejouer la finale sur terrain neutre, avec annulation du match retour et du match aller (match nul 1-1 à Casablanca le 24 mai 2019), qui ne faisait pourtant l'objet d'aucune contestation.
Or, au lieu de demander à rejouer un match qui, aux yeux du tribunal, est valide, le WAC avait l'occasion, par exemple, de mettre l'accent sur la descente des membres Bureau exécutif de la CAF à la pelouse du stade de Radès pour murmurer à l'oreille de l'arbitre le sifflet de la fin du match. Une piste en or que le Wydad pouvait exploiter, notamment parce que le Code disciplinaire de la CAF, dans son article 17, dispose que seul l'arbitre est en droit de siffler la fin du match si un club se retire ou refuse de poursuivre un match.
A quoi faut-il s'attendre?
Comme annoncé par Faouzi Lekjaa au site Hesport, le Conseil disciplinaire de la CAF devrait "se tenir dans les jours qui viennent". Composé de neuf membres, le Conseil disciplinaire, bien qu'organe indépendant des autres instances décisionnelles, ne risque pas de contredire le Comité Exécutif qui, d'ailleurs, lui, est chargé de nommer ses membres.
Mais à Lausanne, le TAS a promis de poursuivre "ses délibérations relatives aux requêtes de l'EST", et de préparer "une sentence finale, tout en tenant compte de toute décision éventuelle par la CAF".