Tout projet vert et renouvelable, c'est des émissions de gaz à effet de serre (GES) en moins. Et si ces GES évités avaient une valeur qu'on pourrait vendre et ainsi financer de tels projets ?
L'idée est qu'un gros pollueur puisse acheter des crédits carbone à des porteurs de projets verts afin de réduire son bilan carbone. Sur une plus grande échelle, des États pollueurs pourraient financer de tels projets dans des pays émergents, les aidant ainsi à décarboner leurs économies et à atteindre leurs buts climatiques.
C’est le principe du marché carbone, actif au niveau mondial, bien que dans une version moins évoluée, depuis le protocole de Kyoto de 1997. Bientôt, le Royaume en fera partie, ce mécanisme devant lui permettre d'accélérer sa transition énergétique. Selon nos informations, ce chantier de longue haleine est dans sa phase finale de conception.
Une consultation à destination du secteur privé sera bientôt lancée pour expliquer le fonctionnement du marché carbone et ses critères d’éligibilité. Cela permettra de “sonder l'intérêt du secteur privé, de recueillir des informations concrètes sur le terrain et d'affiner les estimations du potentiel de réduction des émissions en sélectionnant un projet pilote pour chaque type de projet”, détaille Nacif Safouane, responsable du projet.
L'idée est qu'un gros pollueur puisse acheter des crédits carbone à des porteurs de projets verts afin de réduire son bilan carbone. Sur une plus grande échelle, des États pollueurs pourraient financer de tels projets dans des pays émergents, les aidant ainsi à décarboner leurs économies et à atteindre leurs buts climatiques.
C’est le principe du marché carbone, actif au niveau mondial, bien que dans une version moins évoluée, depuis le protocole de Kyoto de 1997. Bientôt, le Royaume en fera partie, ce mécanisme devant lui permettre d'accélérer sa transition énergétique. Selon nos informations, ce chantier de longue haleine est dans sa phase finale de conception.
Une consultation à destination du secteur privé sera bientôt lancée pour expliquer le fonctionnement du marché carbone et ses critères d’éligibilité. Cela permettra de “sonder l'intérêt du secteur privé, de recueillir des informations concrètes sur le terrain et d'affiner les estimations du potentiel de réduction des émissions en sélectionnant un projet pilote pour chaque type de projet”, détaille Nacif Safouane, responsable du projet.
Accord de Paris
Cette approche innovante a été instaurée par l’Accord de Paris sur le climat, signé en 2016 par 193 pays, dont le Maroc. Afin de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, cet accord a mis en place un système de compensation entre pays pour leurs émissions de CO2. C’est l’objet de l’article 6 du document, qui offre la possibilité d'entrer dans une “coopération volontaire” entre pays.
Dans le sillage de cet accord, une organisation internationale dénommée Global Green Growth Institute (GGGI) a pour mission d’accompagner les pays signataires à implémenter ces programmes. Concernant le système de compensation carbone inter-étatique, un programme spécifique dénommé DAPA (Designing Article 6 Policy Approaches) a été lancé.
La GGGI travaille depuis 2015 avec le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable à mettre en œuvre ce programme. Après une première phase d'identification des secteurs clés, le Maroc a sélectionné deux cadres prioritaires, dans lesquels la compensation carbone viendra se greffer: la loi 40-19 sur les énergies renouvelables et la loi 82-21 sur l'autoproduction.
CO2 évité
Les porteurs de projets dans le cadre de ces deux textes peuvent ainsi espérer lever de nouveaux financements, en vendant un certain nombre d’unités équivalentes à une tonne de CO2 évitée. Comment cela fonctionnera-t-il ? A travers un système d'incitation basé sur la production (SIP).
“Ce système prévoit des paiements carbone aux producteurs d'énergie renouvelable en fonction de la quantité d'électricité produite et des réductions d'émissions réalisées”, détaille Nacif Safouane, chef de programme marchés du carbone du Global Green Growth Institute (GGGI) au Maroc.
Ces paiements, basés sur les résultats et vérifiés de manière indépendante, visent à rendre les projets d'énergie renouvelable plus attractifs, en particulier ceux qui sont complexes, onéreux ou non-rentables sans ce soutien, et à accélérer leur déploiement. Reste à déterminer le montant de ces “subventions” à octroyer aux projets retenus.
“Les subventions sont calculées en fonction du prix de la tonne de CO2 évitée et varient selon la technologie, la puissance installée et le facteur de charge de chaque projet”, nous explique notre interlocuteur. La spécificité du SIP est qu’il ne se contente pas de rémunérer le producteur, mais inclut divers acteurs impliqués dans la mise en œuvre et le fonctionnement du projet.
Cela concerne des subventions pour le gouvernement marocain pour la mise en place du SIP, ainsi que des frais administratifs pour assurer le bon déroulement du programme. De plus, l'Office National de l'Électricité et de l'Eau Potable (ONEE) ou le gestionnaire du réseau électrique pourraient bénéficier d'un soutien financier pour assurer la stabilité du réseau et intégrer efficacement la production d'énergie renouvelable.
Trouver un acheteur
Si le Royaume veut concrétiser ce programme, il doit trouver un acheteur pour ses crédits carbone. Le premier partenaire sera probablement la Norvège, pays avec lequel le Maroc a signé un accord de coopération (MoU) dans le cadre de l'article 6 de l'Accord de Paris, en décembre 2023 en marge de la COP28 de Dubaï. “Le programme DAPA est prioritairement intégré à l’accord avec Oslo”, nous confirme Nacif Safouane.
Grand exportateur de gaz et de pétrole, le pays scandinave ambitionne de réduire de plus de moitié ses émissions de CO2 d'ici 2030, comparativement au niveau de 1990, et d’atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Pour cela, il compte agir sur plusieurs leviers, notamment les instruments de marché introduits par l'Accord de Paris sur le climat. Outre le Maroc, la Norvège a signé ce type de MoU avec d’autres pays comme le Sénégal et l’Indonésie.
Besoin de financements
Pour Rabat, le programme DAPA représente une opportunité unique de lever des financements additionnels, permettant de dépasser l’objectif de 52% d'énergies renouvelables d'ici 2030. En effet, l’approche classique consistant à solliciter les bailleurs de fonds internationaux pour chaque projet a montré ses limites.
Selon les estimations du ministère de la Transition énergétique, pour réaliser les objectifs fixés, l'investissement doit atteindre une vitesse de croisière de 1 milliard de dollars par an, et ce, à partir de 2023 (année perdue) jusqu'en 2030. Au-delà de 2030, les projections du ministère indiquent que les besoins en investissement devraient dépasser 1,9 milliard de dollars par an.
Sur ces dernières années, la moyenne de ces investissements se situait entre 300 et 400 millions de dollars par an, y compris de grands projets financés par l'État comme Noor Ouarzazate. Bien que l'écart entre la trajectoire actuelle et les objectifs soit encore significatif, l'instauration d'un marché carbone pourrait aider à réduire ce fossé, du moins partiellement.
3 questions à Nacif Safouane : “Le programme DAPA se distingue par son approche novatrice”
Chef du programme Marchés du carbone du Global Green Growth Institute (GGGI) au Maroc auprès du ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, Nacif Safouane a répondu à nos questions.
- Quelles sont les missions du GGGI au Maroc ?
Lancé en novembre 2015, le programme du GGGI au Maroc accompagne la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD), de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) et des Objectifs de Développement Durable (ODD). Il promeut et soutient l’implémentation d’un modèle de développement vert, inclusif et durable au niveau des territoires, aligné avec le processus de régionalisation avancée adopté par le Maroc. Son soutien se concentre sur la conception de politiques et de stratégies, ainsi que sur l’identification et la structuration de projets bancables et l’aide à la mobilisation des financements pour leur mise en œuvre. Parmi les programmes phares figurent « l'amélioration de l'accès au financement climatique dans les régions du Maroc », « l'élaboration d'une feuille de route nationale sur le méthane pour les mesures d'atténuation prioritaires dans les principaux secteurs sources au Maroc », « le Programme National de valorisation énergétique des déchets organiques » et « le programme DAPA (Designing Article 6 Policy Approaches) », qui se distingue parmi ces initiatives par son approche novatrice pour encourager la transition énergétique du pays.
- Comment le programme DAPA peut-il réduire les coûts de transaction par rapport aux projets MDP (Mécanisme de Développement Propre) du protocole de Kyoto ?
De plusieurs manières. D’abord, une approche politique plutôt que projet par projet, puisque le DAPA se concentre sur la mise en œuvre de politiques nationales plutôt que sur des projets individuels. Cela permet de réduire les coûts de transaction liés à la validation et à la vérification de chaque projet, qui sont souvent élevés dans le cadre des MDP. Le programme DAPA vise également à simplifier les procédures administratives et à mettre en place un cadre clair et prévisible pour les projets éligibles d'énergie renouvelable. Il permet la mutualisation des coûts, en regroupant plusieurs projets sous une même approche politique, et la standardisation des méthodologies.
- Quel est l’impact attendu du programme DAPA au Maroc ?
L'impact est significatif. Selon les estimations, le potentiel de réduction des émissions de CO2 d'ici 2030 pourrait atteindre 6 millions de tonnes grâce aux projets d'énergie renouvelable soutenus par le programme. Cela représente une contribution importante aux efforts du Maroc pour atteindre ses objectifs climatiques et s'engager dans une transition énergétique durable. Il est important de noter que ces estimations sont basées sur des hypothèses et des projections, et que l'impact réel du programme DAPA pourrait varier en fonction de plusieurs facteurs, tels que le rythme de mise en œuvre des projets, l'évolution des technologies et les conditions du marché.
Recueillis par Soufiane CHAHID
Objectifs climatiques du Maroc : Un investissement estimé à 38,8 milliards de dollars
Comme tous les pays signataires de l’Accord de Paris, le Maroc a soumis sa “Contribution déterminée au niveau national” ou “CDN” révisée en juin 2021.
Selon le document, le coût pour mettre en œuvre des programmes d’adaptation dans les secteurs les plus affectés est estimé à près de 40 milliards de dollars américains. Les secteurs concernés sont notamment l’eau, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture, la foresterie, la santé, l’habitat et les milieux et écosystèmes les plus vulnérables : oasis, littoral et montagnes.
L’objectif actualisé global du Maroc représente une réduction des émissions de GES de son économie de 45,5% à l’horizon 2030, dont un objectif inconditionnel de 18,3% par rapport au scénario de référence.
Le coût total des actions d’atténuation inscrites dans la CDN est estimé à 38,8 milliards de dollars américains, dont 21,5 milliards de dollars américains pour les actions conditionnelles.
Selon le document, le coût pour mettre en œuvre des programmes d’adaptation dans les secteurs les plus affectés est estimé à près de 40 milliards de dollars américains. Les secteurs concernés sont notamment l’eau, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture, la foresterie, la santé, l’habitat et les milieux et écosystèmes les plus vulnérables : oasis, littoral et montagnes.
L’objectif actualisé global du Maroc représente une réduction des émissions de GES de son économie de 45,5% à l’horizon 2030, dont un objectif inconditionnel de 18,3% par rapport au scénario de référence.
Le coût total des actions d’atténuation inscrites dans la CDN est estimé à 38,8 milliards de dollars américains, dont 21,5 milliards de dollars américains pour les actions conditionnelles.
Accord de Paris : Limiter le réchauffement à °2 C
Négocié lors de la COP 21 à Paris en 2015 et signé par 195 pays, l’Accord de Paris sur le climat fixe trois objectifs principaux à long terme. Premièrement, il vise à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement planétaire à 2° C, avec un objectif plus ambitieux de 1,5 °C plus tard.
Deuxièmement, l’accord prévoit une réévaluation des engagements nationaux tous les cinq ans pour s’assurer que les actions climatiques restent ambitieuses et adaptées. Troisièmement, l’accord envisage de fournir aux pays en développement des ressources financières et techniques pour atténuer les effets des changements climatiques et renforcer leur résilience.
Cet accord fonctionne sur un cycle quinquennal, au cours duquel les pays mènent des actions climatiques toujours plus ambitieuses. Tous les cinq ans, chaque pays doit en principe présenter un plan d’action national révisé, que l’on appelle “Contribution déterminée au niveau national” ou “CDN”.
Dans leur CDN, les pays communiquent les mesures qu’ils prendront pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les objectifs fixés dans l’Accord de Paris. Ils y communiquent également les mesures qu’ils prendront pour renforcer leur résilience afin de s’adapter aux effets de la hausse des températures.
Les modalités opérationnelles qui régissent la mise en œuvre concrète de l’Accord de Paris ont été fixées lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP24) à Katowice, en Pologne, en décembre 2018, dans ce qui est communément appelé le règlement de l’Accord de Paris. Elles ont été arrêtées définitivement lors de la COP26 à Glasgow, en Écosse, en novembre 2021.
Deuxièmement, l’accord prévoit une réévaluation des engagements nationaux tous les cinq ans pour s’assurer que les actions climatiques restent ambitieuses et adaptées. Troisièmement, l’accord envisage de fournir aux pays en développement des ressources financières et techniques pour atténuer les effets des changements climatiques et renforcer leur résilience.
Cet accord fonctionne sur un cycle quinquennal, au cours duquel les pays mènent des actions climatiques toujours plus ambitieuses. Tous les cinq ans, chaque pays doit en principe présenter un plan d’action national révisé, que l’on appelle “Contribution déterminée au niveau national” ou “CDN”.
Dans leur CDN, les pays communiquent les mesures qu’ils prendront pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les objectifs fixés dans l’Accord de Paris. Ils y communiquent également les mesures qu’ils prendront pour renforcer leur résilience afin de s’adapter aux effets de la hausse des températures.
Les modalités opérationnelles qui régissent la mise en œuvre concrète de l’Accord de Paris ont été fixées lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP24) à Katowice, en Pologne, en décembre 2018, dans ce qui est communément appelé le règlement de l’Accord de Paris. Elles ont été arrêtées définitivement lors de la COP26 à Glasgow, en Écosse, en novembre 2021.