Au cœur d’une ville transfigurée et transformée en champs de ruine, les habitants de Gaza continuent de souffrir le martyre au moment où la situation humanitaire catastrophique ne cesse d’empirer de jour en jour, d’autant plus que le sort de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est en cause. Principal acteur humanitaire dont le rôle est jugé vital pour les populations civiles, l’agence onusienne est pointée du doigt par le gouvernement israélien qui l’accuse de complicité avec le Hamas. Tel-Aviv accuse le personnel de l'agence d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre.
La réaction précipitée des chancelleries occidentales
Sous le coup de l’émotion, les chancelleries occidentales ont vite oublié le principe de la présomption d’innocence en cessant immédiatement le financement de l’UNRWA, mettant ainsi en péril la vie de toute une population à Gaza. Les alliés inconditionnels d’Israël, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont aussitôt suspendu leurs donations sans attendre l’issue de l’enquête ouverte par les Nations Unies à la suite des accusations israéliennes. La France, qui a tenté d’aller dans le même sens sans le dire ouvertement, a fait savoir qu’elle n’enverra pas de versements supplémentaires à l’agence onusienne au titre de 2024, selon l’AFP. Les puissances occidentales jugent que les accusations israéliennes qui pèsent sur l’UNNRWA sont assez sérieuses pour prendre une telle décision. La diplomatie américaine, par la voix du porte-parole du Département d’Etat, Matthew Miller, n’a pas trouvé d'arguments assez forts pour expliquer une telle mesure brutale. Le porte-voix d’Antony Blinken s’est contenté de dire que “les Etats-Unis sont extrêmement préoccupés par les accusations selon lesquelles 12 employés de l'UNRWA pourraient avoir été impliqués dans l'attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre".
Par contre, des pays comme la Norvège et la Suisse ont tempéré leurs ardeurs préférant ne pas céder aux présomptions. Berne et Oslo se sont finalement résolus à maintenir leurs financements. Pour sa part, l’agence onusienne a réagi aux accusations israéliennes en ouvrant une enquête tout en limogeant les douze employés soupçonnés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre. Sous quelque prétexte que ce soit, suspendre le financement d’une agence de l’ONU signifie signer l’arrêt de mort de l’aide humanitaire, tellement son rôle dans l’assistance aux deux millions de personnes prises au piège dans cette prison à ciel ouvert est vital. La Ligue arabe dénonce vivement “une campagne de dénigrement” menée par Israël. A l’issue d’une réunion d’urgence tenue dimanche, à la demande de l’Autorité palestinienne en coordination avec le Maroc qui en occupe la présidence, le Conseil de la Ligue a jugé urgent que l’agence continue son travail sans interruption, rappelant que son financement est un devoir qui incombe à la communauté internationale toute entière.
Israël au banc des accusés devant la CIJ
Le Conseil de la Ligue arabe a exprimé son incompréhension de l’attitude des pays ayant suspendu leurs donations tout en saluant en même temps la décision de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui a mis en garde Israël contre le risque de génocide à Gaza. Le 26 janvier, l’Instance judiciaire des Nations Unies a rendu un verdict perçu comme une victoire par plusieurs pays qui soutiennent la cause palestinienne. La Cour, qui siège à La Haye, a appelé Israël à empêcher la commission de tout acte entrant dans le champ d’application de la Convention sur le génocide, et de prendre « toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide ». Quoiqu’il paraisse timide, ce verdict, qui n’a pas de force contraignante, a été mal accueilli par les alliés d’Israël qui y voient une décision sans fondement. C’est le cas des Etats-Unis et des pays européens, dont la France qui, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a laissé entendre qu’il serait immoral d’accuser Israël de génocide. Une déclaration faite au moment où près de 26.000 personnes ont péri sous les bombardements de l’armée israélienne. Avec un bilan humain si lourd, nombreux sont ceux qui dénoncent l’impuissance de la communauté internationale à mettre un terme à ce déchaînement de violence de la part d’Israël qui, dans sa volonté de châtier et anéantir le Hamas, peine à épargner les civils. Le risque génocidaire est d’autant plus réel que certains membres du gouvernement israélien, le plus extrémiste de l’Histoire de l’Etat hébreu, multiplient des déclarations belliqueuses dont les propos scandaleux du ministre israélien du Patrimoine, Amichai Eliyahu, qui a appelé sans vergogne à en finir avec Gaza par une frappe nucléaire.
Le Maroc multiplie les mises en garde
Pour sa part, le Maroc a salué la décision de la Cour Internationale de Justice selon une source au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Citée par la MAP dans un communiqué diffusé samedi dernier, la source diplomatique marocaine a fait savoir que la décision de la CIJ “cadre avec ce que SM le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al-Qods, n’a eu de cesse de souligner quant à la nécessité de prendre des mesures pratiques et urgentes pour assurer la protection des Palestiniens et mettre fin à l’agression sans pareil que vit la Bande de Gaza et à la détérioration dangereuse de la situation humanitaire qui en découle”. “La position de principe du Royaume, qui soutient la justesse de la cause palestinienne, rejette la prise pour cible des civils par n’importe quelle partie et s’attache au droit légitime du peuple palestinien à l’établissement de son Etat indépendant avec Al-Qods-Est comme capitale, dans le cadre de la solution à deux Etats convenue au niveau international, au service des aspirations des peuples de la région et de la communauté internationale à un avenir sûr pour l’ensemble de la région dans la paix et la stabilité”, souligne la même source.
Cela fait longtemps que le Maroc met en garde la communauté internationale contre l’aggravation de la situation humanitaire à Gaza. Dès novembre dernier, le ministère des Affaires étrangères a fait part de la déception du Maroc de l’inaction de la communauté internationale face à la situation alarmante dans la Bande. Aux yeux du Royaume, le conflit actuel n’est que le résultat de l’impasse de la solution des deux Etats. Dans un discours adressé, le 29 novembre 2023, au président du Comité des Nations Unies pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, SM le Roi Mohammed VI a expliqué que “l’absence de toute perspective politique au dénouement de la question palestinienne, ainsi que les initiatives unilatérales qui anéantissent tout espoir de paix confortent les factions radicales qui profanent avec obstination ce qui est sacré et exhortent à la haine et à la violence. Les décisions unilatérales et les tentatives de dénier les droits des Palestiniens à un État risque d’exacerber la tension dans une région mouvementée en transformant ce conflit d’une lutte politique à une véritable guerre religieuse.