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Haboub Cherkaoui, patron du BCIJ: «Le polisario est un important pourvoyeur de Djihadistes»

Interview exclusive


Rédigé par Anass Machloukh Jeudi 21 Octobre 2021

Discret, travailleur et professionnel jusqu’au bout des ongles, Habboub Cherkaoui est l’archétype du responsable sécuritaire marocain qui préfère s’exprimer par les actes, plutôt que par les paroles. Il apprécie malgré tout les médias qu’il considère comme un précieux vecteur de sensibilisation contre le terrorisme. Dans son bureau au siège du Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ) à Salé, le patron du «FBI marocain» se livre en toute sincérité sur tous les sujets, dont ceux qui font l’actualité. Tentative d’attentat déjouée de Tanger, agression des Marocains au Mali, développement de Daech dans le Sahel, implication de membres du Polisario, sans oublier les prouesses du Renseignement marocain à l’étranger et le dossier épineux des djihadistes marocains en Syrie et en Irak, Habboub Cherkaoui répond à toutes nos questions sans la moindre réserve. (En bas, lien pour version Vidéo)



Habboub Cherkaoui, directeur général du Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ).
Habboub Cherkaoui, directeur général du Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ).
- Récemment, les éléments de votre Bureau ont démantelé une cellule terroriste à Tanger, après celle d’Er-Rachidia, pouvez-vous nous plonger dans les coulisses de cette opération ?

- Sur la base de renseignements urgents livrés par la DGST, le BCIJ a pu, après une série d’investigations, identifier les personnes appartenant au groupe qui a prêté allégeance à l’Etat islamique (Daech). Nous avons pu déceler cette filiation grâce aux manuscrits trouvés dans l’appartement du chef de la cellule, lesquels faisaient allusion à l’État islamique dans le Grand Sahara et à son chef Adnan Abou Walid Al-Sahraoui.

Nous avons pu démanteler cette cellule qui était au stade ultime précédant le passage à l’acte. Pour des considérations évidentes de synchronisation et d’efficacité, cette opération a été menée simultanément dans différents lieux à Tanger, sachant que le chef de la cellule et les quatre autres membres arrêtés se trouvaient dans des endroits différents. Ce fut une opération très sensible, vu qu’il s’agissait d’une cellule dangereuse à capacité de résistance violente.

Donc, nous avons pris les précautions nécessaires pour garantir la sécurité des habitants du quartier, avant de procéder à la neutralisation des terroristes. Les forces spéciales ont reçu immédiatement l’ordre d’évacuer les habitants se trouvant aux alentours de la maison de l’émir présumé avant de lancer les perquisitions.

Comme il est de règle, cette intervention a été opérée sous la supervision du parquet compétent. L’opération a été intense et je tiens à souligner ici que le chef de la cellule a violemment résisté face aux forces spéciales, au point qu’il a fallu recourir aux grenades sonores pour le neutraliser.


- Quelles sont les conclusions des interrogatoires et de l’instruction ?

- Ce qui ressort à l’évidence c’est que cette opération a pu épargner au pays un attentat terroriste de grande ampleur. L’enquête a en effet démontré que la cellule démantelée était dans un stade très avancé et son passage à l’acte était imminent. Grâce à Dieu et à la vigilance de tous les services concernés, ce projet n’a pas abouti. Ceci prouve que la menace terroriste guette en permanence notre pays et ceci requiert une vigilance 24h/24.

 
Palmarès impressionnant et inquiétant

 
- Au vu de la cadence soutenue des annonces de démantèlement de cellules terroristes, pouvez-vous nous préciser combien l’ont été depuis la création du BCIJ ?

- Quoiqu’inquiétant, le bilan établi jusqu’à ce jour est jugé «positif» : 86 cellules ont été démantelées depuis le 20 mars 2015, date de la création du Bureau, dont 85 cellules ont un lien avec Daech. A cela s’ajoute l’arrestation de 1386 personnes. Concernant cette année, nous avons démantelé quatre cellules, dont celle de Tanger, toutes reliées à l’Organisation de l’Etat islamique.

Ce bilan s’inscrit en continuité du travail réalisé précédemment par la DGST, sachant qu’entre 2002 et 2021, 213 cellules terroristes ont été neutralisées ; 90 d’entre elles agissaient de concert avec les organisations actives dans la zone syro-irakienne.

Ce palmarès est le fruit d’une veille permanente et d’un dévouement exceptionnel de nos équipes. Il explique d’une certaine manière le climat de stabilité et de sécurité dans lequel vit notre pays préservé par la grâce de Dieu et par l’engagement des ses hommes contre les risques terroristes majeurs qui planent sur l’ensemble de la planète.


- Il y a une unanimité internationale sur l’exemplarité du modèle marocain en matière de lutte contre le terrorisme, qu’est-ce qui fait l’efficacité de la stratégie du Royaume ?

- En réalité, cette efficacité, comme vous le dites, est le fruit d’une stratégie globale, basée essentiellement sur l’approche préventive. C’est cette façon de prévenir l’acte terroriste dans le stade préparatoire qui fait la différence, sachant que la législation et en l’occurrence la loi 0.03 nous permet de criminaliser les projets terroristes avant même le passage à l’acte.

Donc, notre arsenal législatif est lui-même préventif puisque la loi 86.14 nous permet de contrer les éléments enrôlés par des organisations terroristes basées à l’étranger. En gros, dès que l’intention devient un fait matériel, appuyé par des preuves, on intervient immédiatement. Permettez-moi, à ce propos, d’insister sur le fait que depuis les événements du 11 septembre, le Maroc a pris activement part à la guerre contre le terrorisme aux côtés de ses alliés internationaux, ce qui fait du Royaume une cible des organisations terroristes internationales.


- Et au-delà du pur aspect sécuritaire ?

- Après les attentats du 16 mai 2003, le Royaume s’est doté d’une stratégie multidimensionnelle dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation qui transcende le côté sécuritaire pour inclure le volet socioéconomique, la modération religieuse, la réinsertion et la protection des droits de l’Homme.

A titre exemple, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) lancée par Sa Majesté a eu un impact important dans la réduction de la pauvreté et du chômage qui comptent parmi les terreaux les plus fertiles de l’intégrisme.

L’aspect religieux demeure tout aussi essentiel et il s’est traduit notamment par la lutte contre les mosquées anarchiques, surtout dans les bidonvilles, qui existaient partout et influençaient négativement l’esprit de nos jeunes par l’idéologie salafiste. S’ajoute à cela la création de l’Institut Mohammed V pour la formation des imams qui a permis de lutter contre les idées extrémistes. Aussi, le modèle de l’Emirat des croyants, qui fait que la fatwa est canalisée dans le Conseil supérieur des Oulémas présidé par SM le Roi, est-il déterminant dans la spécificité du Maroc.


- Quelle est la plus-value apportée par le BCIJ dans cette stratégie ?

- Je rappelle tout d’abord que le Bureau que j’ai l’honneur de diriger est subordonné à une auguste institution, en l’occurrence la DGST qui reste la source majeure des informations et des renseignements qui sont à la base de notre action.

Fruit d’une coordination entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur, l’action du BCIJ se distingue par sa rapidité et sa légalité, surtout en matière de traitement des renseignements et sa force de frappe préventive. Cela entend une capacité à traiter et analyser minutieusement et rapidement des informations très sensibles, avant l’engagement de toute action. Le respect de cet ensemble d’impératifs a été facilité par l’attribution de la qualité d’officiers de police judiciaire aux agents de la DGST, en vertu de la loi 35-11 de 2011, qui a élargi leur champ de compétence et d’intervention.

Ceci dit, les officiers de Renseignements peuvent intervenir dans les infractions prévues par l’article 108 du code de la procédure pénale. Par ailleurs, le BCIJ dispose d’une activité diverse puisqu’il est constitué de deux brigades, l’une spécialisée dans les affaires du terrorisme et l’autre dans le crime organisé. Ces deux équipes sont soutenues par une unité technique. Je suis persuadé que cette organisation est l’un des facteurs de notre réussite.
 
« Les mosquées anarchiques, c’est fini »

-On comprend donc que les peines privatives de liberté ne sont pas suffisantes pour contrer le phénomène terroriste, n’est-ce pas ?

- Absolument pas, c’est pour cette raison que le Maroc a mis en place une stratégie globale avec une attention particulière pour le côté humaniste, en plus de l’aspect dissuasif. Cette combinaison précieuse nous a permis d’être parmi les pays les plus efficaces, qui jouissent du respect à l’international. C’est toute une approche d’accompagnement des personnes et leur insertion dans la société. Il s’agit de l’unique façon d’avoir raison des sources de diffusion de l’intégrisme et des idéologies djihadistes subversives. Il est absolument vital d’apprendre aux gens ce qu’est l’islam authentique et ce qui le distingue de ce que prône Daech et les autres extrémismes prétendument religieux.


- D’où vient le danger des idéologies subversives qui menacent le Maroc ?

- Le Maroc, à l’instar de tous les pays, est menacé par un nouveau genre de terrorisme : le terrorisme électronique transnational. Grâce à Internet, toutes les sources de propagation des idées radicales et de l’endoctrinement ont prospéré de façon spectaculaire. L’espace numérique et les réseaux sociaux sont devenus des outils redoutables de propagande pour les organisations terroristes. L’exemple de Daech est plein d’enseignements.

Le Net facilite le recrutement, l’endoctrinement, la formation et la coordination des cellules. Ceci a poussé tous les organes sécuritaires du Royaume à s’adapter à l’évolution du mode d’action virtuel des groupes terroristes. Aussi, l’arsenal législatif a-t-il pris en compte ce développement. En conséquence, j’estime que c’est l’un des plus grands défis auxquels nous allons faire face dans les années à venir.
 
« Nous n’intervenons qu’après certitude sur l’imminence d’un passage à l’acte, sur la base d’une analyse minutieuse des renseignements émanant de la DGST».

«Le BCIJ est l’interface judiciaire de la DGST ».


Affaire du Mali

 
- Concernant l’assassinat des camionneurs marocains au Mali, y a-t-il une enquête menée par les autorités marocaines en partenariat avec les autorités maliennes ?

- D’abord, permettez-moi de condamner fermement ce meurtre barbare inhumain et de rendre hommage à la mémoire des victimes, qui sont avant tous nos compatriotes et nos frères. Il est évident qu’il s’agit d’une opération organisée et soigneusement préparée et préméditée par un commando armé. Actuellement, les autorités maliennes sont en cours d’investigation.

De leur côté, les autorités marocaines, par le biais de l’Ambassade du Royaume à Bamako, ont demandé l’ouverture d’une enquête et suivent de près son évolution. Dès qu’il y aura des résultats, ceux-ci feront l’objet d’une communication officielle.


- L’hypothèse d’éventuelles manoeuvres étrangères hostiles au Maroc est-elle à considérer ?

- Tout ce que je peux vous affirmer, en tant que directeur du BCIJ, c’est qu’il est encore prématuré de prendre en considération une telle hypothèse, puisque les investigations sont toujours en cours, et qu’aucun élément probant ne la corrobore.

Nous sommes confiants que l’enquête va aboutir en fin de compte aux responsables de l’attentat. Je rappelle qu’un acte similaire a eu lieu récemment au Mali, dans la même région, sans concerner cette fois-ci des ressortissants marocains. Des camions de transport de marchandises ont été incendiés par des éléments armés, ceci prouve qu’il s’agit d’une volonté manifeste de nuire au commerce transsaharien dans lequel le Maroc est l’un des acteurs les plus performants et les plus actifs.

Nous ne manquerons pas de découvrir, avec la volonté de Dieu, s’il est question de simples actes de brigandage, de règlements de compte ou d’autre chose de plus organisé. Nous avons complètement confiance dans les autorités maliennes qui sont, je tiens à la rappeler, nos partenaires.


- Après l’incident du Mali, y aura-t-il un renfoncement du dispositif sécuritaire au niveau de la région ?

- J’ai plusieurs fois mis en garde contre le danger grandissant de la menace terroriste au Sahel, qui touche particulièrement le Maroc, vu son positionnement aussi bien stratégique que géographique. Bien qu’affaibli au Moyen-Orient, Daech n’est pas tout à fait anéanti et demeure actif dans le Sahel qui est devenu un terrain fertile pour l’épanouissement des organisations terroristes à cause de l’instabilité politique dans la région, la prolifération des zones de non-droit et l’impuissance logistique de quelques Etats.

Au début, la région a été confrontée à l’organisation d’Al-Qaeda au pays du Maghreb Islamique (AQMI), qui fut dirigée par Abdelmalek Drougdel, avant que ce dernier ne cède sa place à Mokhtar Belmokhtar. A ce groupe s’est ajouté celui de «Jamaât Nosrat Al Moslimin», un bras armé d’Al Qaeda. Toutes ces organisations sont alliées les unes avec les autres, représentant ainsi un danger imminent pour la région. Pour sa part, le Maroc est engagé avec ses partenaires, aussi bien les pays africains amis que les partenaires européens, à renfoncer la coopération dans cette région. Pour résumer, l’installation de Daech et d’Al Qaeda au Sahel sont le principal danger auquel nous faisons face actuellement.


- Tant qu’on parle du Sahel, plusieurs rapports de renseignement font état de liaisons douteuses entre le Polisario et les groupes terroristes de la région. Que fait le Maroc pour contrer cette dérive ?

- En effet, les camps de Tindouf sont devenus, au cours des dernières années, une source d’inquiétude pour les pays de la région, puisqu’ils constituent désormais une menace stratégique, et ce, pour moult raisons. D’abord, le Polisario est devenu un important pourvoyeur de djihadistes et il est prouvé que plus de 100 combattants polisariens ont rejoint Al Qaeda, avant même l’arrivée d’Adnane Abou Walid Al-Sahraoui en 2010 au contingent Tarik ibn Ziad.

Ce dernier a été très actif au Mali, au Niger et au Burkina-Faso et était impliqué dans des opérations criminelles de tous genres : brigandage, attaques armées, escarmouches, vols, séquestration et même des massacres de masse. Selon les données en notre disposition, plusieurs cellules démantelées au Maroc en relation avec Al Qaeda, comme celles de «Fath Al Andalous», «Jounoud Al Khilafa» et «Al Mourabitoun Al Jodod», sont en relation avec le Polisario. Je peux vous assurer que c’est tout un réseau inextricable qui inclut des hauts commandants de Daech et des seconds couteaux enrôlés à l’échelle locale.

La meilleure preuve est le cas d’un individu natif de Tindouf qui fut arrêté à Laâyoune, en cours de préparation d’un attentat. Les investigations ont montré qu’il fut encadré et entraîné au sein des camps de Tindouf, par un imam connu dans le camp de Rabouni. Il n’est pas le seul, des dizaines de combattants sont formés au sein des camps et expédiés vers le Sahel.
 
«Le Polisario est devenu un pourvoyeur de djihadistes, il est prouvé que plus de 100 combattants polisariens se sont enrôlés dans Al Qaeda»

- Concernant Adnane Abou Walid Al-Sahraoui, comme vous savez, il a été liquidé par l’Armée française, le Maroc a-t-il pris part à l’opération, ne serait-ce que sur le volet du renseignement ?

- Non, le Maroc n’a pas participé à cette opération. Sa liquidation est l’oeuvre des Armées françaises qui ont entrepris une attaque ciblée dans le cadre de l’Opération Barkhane, comme l’a annoncé le président français Emmanuel Macron. Je suis sûr que vous avez suivi cette annonce avec attention. La liquidation d’Al-Sahraoui était attendue vu qu’il était l’ennemi de tout le monde. Il suffit de constater qu’en 2017, les Etats Unis ont annoncé une gratification financière pour quiconque donnerait des informations permettant sa localisation.
 
«La liquidation d’Al-Sahraoui était attendue vu qu’il était l’ennemi de tout le monde»

- A votre avis, le Sahel risque-t-il de dégénérer en foyer mondial de terrorisme, comme ce fut le cas de l’Afghanistan et de l’Irak au cours des dernières décennies ?

-En tout cas, la région se dirige inexorablement vers un scénario analogue, sachant que, maintenant, le Sahel est d’ores et déjà un sanctuaire pour les groupes djihadistes. C’est une région bouillonnante d’agitation terroriste, nous craignons que ça n’atteigne le degré d’anarchie qui règne dans la zone syro-irakienne dans le futur, si rien ne change.

La probabilité de cette hypothèse est d’autant plus forte que le Sahel est une zone très vaste avec des étendues gigantesques, difficilement contrôlables qui lui confèrent toutes les caractéristiques de «Blad Siba», comme on dit en langage marocain.


Coopération internationale en matière de lutte anti-terroriste


- L’Algérie a rompu unilatéralement ses relations avec le Maroc. Quelle incidence cette décision peut-elle avoir sur l’exacerbation du terrorisme dans la région, faute de coopération ?


- Avant de répondre directement à votre question, il sied de rappeler qu’aucune coopération sécuritaire n’existait même avant la rupture des relations, vu que le gouvernement algérien n’a, à aucun moment, manifesté une volonté de coopérer avec le Royaume. Evidemment que l’absence d’entraide en matière de renseignement entre les deux pays contribue à précipiter le Sahel vers un foyer de terrorisme incontrôlable. Ceci n’épargne pas l’Algérie elle-même, puisqu’elle demeure aussi susceptible d’être l’objet d’attaques terroristes, surtout dans le Sud. En définitive, cette situation ne peut qu’affaiblir les efforts internationaux en matière de lutte contre le terrorisme.
 
«Le gouvernement algérien n’a, à aucun moment, manifesté une volonté de coopérer avec le Royaume»
  

- Le Maroc a fait un effort remarquable dans le soutien de ses partenaires occidentaux, dont la France, l’Allemagne et les Etats Unis, entre autres pays. Pouvez-vous nous présenter le bilan de cette coopération ?

- Comme je l’ai dit précédemment, le Maroc a pris conscience, après les événements du 11 septembre, que la lutte internationale ne peut réussir sans une coopération internationale vu que c’est un phénomène «apatride», multinational et transverse. Le Royaume est disposé à coopérer avec tous les pays sans exception d’autant que la DGST accorde une importance primordiale à la coopération internationale.

Le bilan du Royaume en la matière le prouve, tout le monde se rappelle de l’arrestation du soldat américain dénommé «Col Bridges» par le FBI sur la base d’informations fournies par la DGST. Ce dernier avait l’intention de commettre un attentat au Mémorial du 11 septembre aux Etats Unis. Idem pour la France, dont les services de sécurité ont pu, début avril de cette année, neutraliser une terroriste franco-marocaine, qui comptait perpétrer un attentat dans un lieu de culte. Tout récemment, nous avons livré des informations grâce auxquelles l’Italie a pu arrêter un des commandants de Daech qui a réussi à s’infiltrer dans le territoire italien muni de documents falsifiés.

Cet homme était recherché par le BCIJ dans le cadre d’un mandat d’arrêt international et nous l’avons localisé suite au processus de traçage. Nous coopérons aussi étroitement avec nos partenaires arabes et africains. Je rappelle, à ce titre, que la DGST forme régulièrement des cadres de plusieurs pays tels que le Gabon, la Tanzanie, Madagascar et la Mauritanie. Je conclus en disant que ce n’est pas un hasard que le siège du Bureau du Programme de l’ONU pour la lutte contre le terrorisme et la formation en Afrique a été établi à Rabat. Cela prouve le rayonnement du Maroc à l’échelle internationale.
«Ce n’est pas un hasard que le siège du Bureau du Programme de l’ONU pour la lutte contre le terrorisme et la formation en Afrique a été établi à Rabat. Cela prouve le rayonnement du Maroc à l’échelle internationale».


Crise avec l’Allemagne


- Comme vous le savez, il existe une crise diplomatique entre le Maroc et l’Allemagne, la coopération judiciaire est-elle suspendue ?

- Je confirme que la coopération judiciaire avec le gouvernement allemand est suspendue pour le moment, et ce, en vertu d’une décision souveraine prise par les autorités marocaines. La suspension demeure en vigueur jusqu’à nouvel ordre.
 
«La coopération judiciaire avec le gouvernement allemand est suspendue pour le moment, et ce, en vertu d’une décision souveraine prise par les autorités marocaines»


- Des plateformes médiatiques avaient révélé que les services de renseignement allemands auraient fuité des informations sensibles fournies par les autorités marocaines à un ex-condamné établi sur le sol allemand, est-ce vrai ?
 
- Tout ce que je peux vous dire c’est que la coopération en matière de renseignement est régie par des règles qui exigent le respect du secret de l’information. Cela dit, une partie ne peut pas livrer des renseignements échangés par un pays partenaire à une partie tierce, sans obtenir son aval. En ce qui concerne ce à quoi vous faites allusion, je ne peux ni infirmer ni confirmer.
 

- S’agissant des Marocains bloqués en Syrie et en Irak, quelques «combattants» ont été rapatriés, d’autres sont toujours dans les camps de réfugiés. Y a-t-il un enjeu sécuritaire qui entrave le processus du retour ?

- Il convient de noter que 1662 combattants marocains ont rejoint les groupes terroristes dans les foyers de tension, dont 1060 se sont enrôlés dans les rangs de Daech dans la zone syro-irakienne, 100 dans le groupe Cham Al Islam et 50 dans le front Al-Nosra. 745 djihadistes ont été tués soit par les forces syriennes, soit lors d’attentats suicidaires. Jusqu’à présent, 251 personnes sont détenues, dont 233 en Syrie, 12 en Irak et 6 en Turquie.
 
Pour ce qui est des femmes, parmi les 291 qui sont parties, 99 sont revenues à la mère-patrie, 136 sont encore en détention dans les camps de réfugiés. Elles sont partagées entre 121 femmes de nationalité marocaine et 15 femmes ayant la double-nationalité.

S’ajoutent à elles 630 mineurs, dont 82 ont été rapatriés et 387 sont en détention dans des camps en Syrie. La gestion du dossier des mineurs est complexe vu que 200 mineurs sont nés en Syrie et 14 en Europe, tandis que pour 20 enfants, on ne connaît pas le lieu de naissance.


- D’un point de vue préventif, comment gérez-vous les rapatriements ?
 
- Nous avons pu régler le retour de 137 combattants, dont quelques uns sont revenus volontairement après la fin des combats. Ils ont été déférés, en coordination avec le Parquet, devant la justice et notamment devant la Cour d’appel à Rabat, juridiction chargée des questions de terrorisme. Nos services ont pu suivre leurs parcours sur la base de données émanant de la DGST ainsi que des mandats d’arrêts internationaux.


- Quid des femmes et des enfants susceptibles d’avoir subi un lavage de cerveau et qui sont donc imbus d’idées radicales, comment traitez-vous leurs cas ?

- Pour celles et ceux qui n’ont pas été impliqués directement dans une activité terroriste avérée, ils sont uniquement auditionnés par la Justice, qui élabore des PV d’audition, lesquels servent ensuite d’information judiciaire, bénéfique pour les enquêtes. Je rappelle ici que la justice traite au cas par cas. Mais, en général, une grande partie des femmes, à part quelques exceptions, ont rejoint les fronts djihadistes pour des raisons sociales liées au regroupement familial.

Pour assurer leur retour, on fait le nécessaire dans le cadre des compétences dévolues au BCIJ par la loi. Toutefois, ce dossier demeure épineux , tant l’identification des personnes est complexe. S’agissant de l’étape postérieure au retour, le rapport de la mission exploratoire de la Chambre des Représentants a livré une série de recommandations destinées à faciliter l’intégration sociale des revenants pour lesquels la vigilance reste de mise.


FBI marocain


-Vous n’êtes pas sans savoir qu’au sein de la société, on s’amuse à surnommer le BCIIJ «FBI du Maroc» en raison notamment de la scénographie de ses interventions et de l’allure de ses agents. Comment réagissez-vous à cette comparaison ?

- Cela nous amuse également et nous honore. Les citoyens ont le droit de faire un parallèle entre les deux instituions, surtout lorsqu’ils constatent le travail sérieux et assidu dont font preuve nos services depuis la création du Bureau. Cependant, je tiens à préciser que nous travaillons selon le modèle marocain avec notre propre stratégie et nous sommes heureux lorsque les citoyens sont satisfaits de notre travail.


Propos recueillis par Anass MACHLOUKH

Portrait


Habboub Cherkaoui :
 
Un redoutable prédateur des cellules dormantes
 
Il est issu de l’Institution de police nationale. Habboub Cherkaoui a entamé sa carrière en 1983 lorsqu’il a rejoint la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), où il a occupé plusieurs postes de responsabilité, avant de rejoindre la Brigade Nationale de Police Judiciaire (BNPJ) en 1992.

Entre 2005 et 2015, il était en charge de la Direction de la lutte anti-terroriste, organe rattaché à la DGSN. Après la création du Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ) en mars 2015, M. Cherkaoui devient Directeur adjoint, avant de prendre les rênes du Bureau en novembre dernier, succédant à Abdelhak Khiame.

Depuis son entrée en fonction, il a dirigé plusieurs opérations anti-terroristes qui ont permis le démantèlement de 4 cellules en 2021.

 








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