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Histoire : La décoration marocaine au gré des siècles


Rédigé par Houda BELABD le Samedi 20 Juillet 2024

Au-delà de son nom générique et laconique, la décoration marocaine présente des milliers de facettes. Laissons-nous embarquer dans un voyage à travers les siècles pour en découvrir les moindres aspects...



Au cœur du Maghreb, le Maroc se dresse comme un joyau architectural et décoratif, fruit d’une histoire millénaire aussi riche que tumultueuse. Des médinas labyrinthiques de Fès aux palais somptueux de Marrakech, en passant par les kasbahs ocres de l’Atlas, l’art de la décoration intérieure marocaine raconte, à qui sait l’écouter, les épopées d’un pays aux mille influences.

Pour comprendre l’essence de la décoration marocaine, il faut remonter aux origines, aux peuples amazighs qui habitaient ces terres bien avant l’arrivée de l’Islam. Leurs motifs géométriques, leurs tapis aux couleurs vives et leurs poteries rustiques posèrent les premières pierres d’un art décoratif unique. Les symboles, chargés de significations mystiques, ornaient déjà les murs des habitations, témoins silencieux d’une cosmogonie ancestrale.
 
L’avènement de l’Islam : une révolution esthétique

L’arrivée des Arabes au VIIIe siècle marqua un tournant décisif. L’Islam, avec son interdiction de la représentation figurative, donna naissance à un art de l’abstraction d’une finesse inouïe. Les arabesques, ces entrelacs végétaux stylisés, commencèrent à orner les murs et les plafonds. Le zellige, mosaïque de carreaux de céramique aux motifs géométriques complexes, fit son apparition, transformant les intérieurs en véritables kaléidoscopes de couleurs.

Les dynasties successives, des Almoravides aux Almohades, en passant par les Mérinides, apportèrent chacune leur pierre à l’édifice. Le stuc sculpté, le bois de cèdre ciselé et les plafonds en moucharabieh devinrent les marqueurs d’un luxe royal qui ne cessera de se raffiner au fil des siècles.
 
Al-Andalus : le souffle du raffinement

L’âge d’or de la décoration marocaine coïncide avec l’apogée d’Al-Andalus. Les artisans et intellectuels fuyant la Reconquista espagnole trouvèrent refuge au Maroc, apportant avec eux des techniques et des motifs d’une sophistication inégalée. Le style hispano-mauresque naquit de cette fusion, donnant naissance à des chefs-d’œuvre tels que la médersa Bou Inania à Fès ou le palais de la Bahia à Marrakech.

Les fontaines intérieures, inspirés des versets coraniques sur le paradis, se multiplièrent dans les demeures des notables et dans les grandes mosquées. Les jardins intérieurs, véritables oasis de fraîcheur, devinrent parties intégrantes de l’architecture domestique, brouillant les frontières entre intérieur et extérieur. 

Au XVIe siècle, l’Empire ottoman étendit son influence jusqu’aux portes du Maroc. Bien que le pays n’ait jamais été conquis, des éléments décoratifs turcs s’immiscèrent subtilement dans l’art marocain. Les sofas bas, les coussins soyeux et les lampes suspendues rappelant celles des mosquées stambouliotes enrichirent la palette décorative du pays. L’arrivée des Français au début du XXe siècle aurait pu sonner le glas de cet art séculaire. Paradoxalement, elle contribua à sa préservation. Des architectes comme Henri Prost ou Albert Laprade, fascinés par le patrimoine marocain, œuvrèrent à sa conservation tout en l’adaptant aux exigences de la modernité.

Le style «néo-mauresque» naquit de cette rencontre, alliant les codes traditionnels à une fonctionnalité plus contemporaine. Les riads, ces maisons traditionnelles organisées autour d’un patio central, connurent une seconde jeunesse, réinventés pour accueillir une clientèle internationale en quête d’exotisme.
 
Renaissance et mondialisation

L’indépendance en 1956 marqua le début d’une nouvelle ère pour la décoration marocaine. Libérée du joug colonial, elle puisa dans ses racines pour se réinventer. Le roi Hassan II, grand amateur d’architecture, encouragea un renouveau des arts décoratifs, comme en témoigne la splendide mosquée qui porte son nom à Casablanca.

Aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation, la décoration marocaine connaît un rayonnement sans précédent. Des palaces de Dubaï aux boutiques-hôtels de New York, le style marocain est synonyme de luxe et d’exotisme. Les artisans marocains, héritiers d’un savoir-faire millénaire, voient leurs créations prisées par les décorateurs du monde entier.

Ainsi, la décoration intérieure marocaine, loin d’être figée dans le passé, continue d’évoluer, de se réinventer. Elle reste le témoin vivant d’une histoire millénaire, un pont entre les cultures, un art qui, comme le Maroc lui-même, ne cesse de fasciner et de surprendre.



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