Il est de ces jours où le silence d’un homme résonne dans les cœurs d’une Nation. Le COVID 19 m’a non seulement pris un frère, un compagnon, mais nous a tous privé d’un patriote. En ces moments difficiles, mes premières pensées vont prioritairement à la famille du défunt dont je connais la tristesse et partage la peine.
Autant sa personnalité était magnétisante, autant son départ aura été douloureux. Mohamed Louafa n’est pas de ceux qui laisseront un simple souvenir dans nos mémoires, mais bien plus la trace indélébile d’un vécu qui a inspiré des générations, comme il continuera d’en inspirer beaucoup d’autres.
Je ne saurai qualifier ce vide qu’il laisse derrière lui, cette figure qui m’a accompagné des décennies durant, sans que les distances géographiques qui nous séparaient n’eussent raison d’un iota de cette proximité fraternelle qui nous unissait. Notre première rencontre date de Juillet 1974 à l’école Mohammedia des Ingénieurs lors du Congrès de l’UGEM et s’est prolongée au bureau Central de La Jeunesse Du Parti de L’Istiqlal lorsqu’il en était le Secrétaire Général. Depuis, on ne s’est plus séparés.
C’était un homme fidèle en amitié, un père aimant, un époux attentionné qui avait le sens du devoir en estime et l’amour de la Nation comme valeur. Homme politique accompli et diplomate chevronné, le défunt aura vécu une vie de dévouement pleinement investi dans ses fonctions au service de Sa Majesté le Roi et de son pays. L’honnêteté, la générosité, l’authenticité l’intégrité, le patriotisme, le sens de l’Etat et l’Istiqlalisme font partie de l’ADN de 3ammi (Tonton) Louafa comme l’appelaient affectueusement nos enfants.
C’était un homme de dialogue et d’engagement, très proche des gens, avec toujours une attention particulière pour ses interlocuteurs et même ses adversaires qui lui vouent d’ailleurs un respect inconditionnel. C’était un homme très estimé pour ses qualités humaines, très consulté pour ses qualités professionnelles et très apprécié pour cette joie de vivre communicante qu’il arborait d’un sourire solaire en toute circonstance.
C’était un patriote d’exception qui a toujours placé la défense des intérêts du Maroc et son intégrité territoriale, au cœur de son action, avec une véritable force de conviction et d’écoute. Il a été au rendez-vous de toute les évolutions politiques qu’a connu notre pays pendant les 50 dernières années au sein du Parti de l’Istiqlal, au Parlement au Gouvernement et en Diplomatie. Il était passionné, amoureux, acharné et généreux de son temps, lui qui n’en prenait que peu pour lui-même.
Jamais je n’oublierais ces occasions ou il m’a été donné le privilège de constater et d’apprécier l’habileté d’un homme politique hors pair, dont les lectures et les sensibilités politiques respirent l’expérience à plein nez. Il avait une intuition qui ne s’enseigne pas, une compréhension qui ne s’argumente pas. Il a compris la vie, lui qui a perdu la sienne trop tôt. En Brésil, en Iran, où je lui ai rendu visite, comme en Inde, il a été diagnostiqué un digne Représentant du Royaume, auprès duquel le corps diplomatique accrédité venait souvent chercher conseil et puiser sagesse. Il avait, ce je ne sais quoi, qui fait toute la différence et dont lui seul avait le secret.
Il était non seulement un acteur incontournable, mais un négociateur habile et une référence pour tout ce qui a trait à la chose politique au Maroc. Il avait le respect de tous et l’attention de chacun ce qui lui permettait de mener à bien toutes les négociations qu’il a été amené à gérer avec sérénité, patience et diligence.
Il a défendu son pays avec abnégation. Sa droiture, son enthousiasme, sa vivacité d’esprit, sa franchise et sa modestie, resteront gravés dans les mémoires de tous ceux qui ont eu la chance et il faut dire le privilège de côtoyer cet homme d’exception.
Il aimait la vie, lui dont la force, la vivacité et le dynamisme laissaient croire qu’il nous enterrerait tous avant de partir. Il était déterminé à vaincre le virus comme il me l’écrivait ce vendredi soir. Je me rappelle de ce regard espiègle, lors d’un de nos derniers échanges, lorsqu’il m’a promis, avec beaucoup de taquinerie, en présence de Khalti (Tante) Awateef, de faire le déplacement à Tanger pour me rendre hommage le jour de mon enterrement. Aujourd’hui c’est moi, avec toute la tristesse que je porte dans mon cœur, qui te rend hommage cher frère, que ton âme repose en paix.
Mon soutien va également à son épouse et amie Awateef qui l’a accompagné tout au long de son cheminement politique et diplomatique exceptionnel, ainsi qu’à ses enfants Salima, Nezha et Sidi Driss et à toute la grande famille du Parti de l’Istiqlal.
Youssef Amrani
Pretoria-Afrique du Sud, 27 décembre 2020