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Hydrogène vert au Maroc : La délicate équation entre moyens et ambitions [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Lundi 17 Mars 2025

Le Maroc se classe actuellement au quatrième rang mondial pour l'hydrogène vert, avec une capacité projetée de 24,49 gigawatts (GW), selon un rapport de l'Energy Research Unit. Malgré ce potentiel considérable, certains défis restent à relever.



Le Maroc compte se positionner comme un acteur de premier plan dans ce secteur prometteur.
Le Maroc compte se positionner comme un acteur de premier plan dans ce secteur prometteur.
Il y a un an, le chef du gouvernement lançait la circulaire relative à la mise en œuvre de « l’Offre Maroc » pour le développement de la filière de l’hydrogène vert. Conçue pour être à la fois opérationnelle et incitative, cette stratégie couvre l’ensemble de la chaîne de valeur et s’adapte aux attentes des investisseurs, avec l’ambition de positionner le Royaume comme un acteur de premier plan dans ce secteur prometteur.Un an plus tard, la voie commence à se tracer, notamment avec la sélection de cinq consortiums internationaux, par le comité de pilotage chargé de ce projet d’envergure – incluant notamment les entreprises espagnoles Acciona et Cepsa – pour mener à bien six projets d’hydrogène vert dans les trois provinces du Sud du pays. L’investissement global s’élève à 319 milliards de dirhams (MMDH), un effort financier qui vient renforcer l’ambition du Maroc de s’imposer comme un leader mondial de la production d’hydrogène vert.Cette ambition n’est pourtant pas sans fondement. Selon un récent rapport de la plateforme américaine Energy Research Unit, le Maroc occupe actuellement la quatrième place mondiale avec une capacité projetée de 24,49 gigawatts (GW). Ce positionnement s’inscrit dans une trajectoire plus large de transition énergétique. En 2021, le pays affichait une capacité installée de 4.050 mégawatts (MW) en énergies renouvelables, soit 37,6 % de son mix énergétique. Fin 2024, cette capacité a bondi à 12 GW, dont 5,4 GW issus des énergies renouvelables, représentant ainsi 45,3 % de la capacité totale installée. L’objectif des 52 % d’ici 2025 semble donc à portée de main. Lechantier va donc bon train, mais le Maroc est-il réellement compétitif dans une énergie où le coût de revient demeure élevé, en raison de l'augmentation des coûts de financement, de l'électricité renouvelable et des électrolyseurs ?
 
A la hauteur des ambitions
 
Dans une interview accordée à « Atalayar », Leila Benali, ministre marocaine de la Transition énergétique et du Développement durable, s’est montrée rassurante, mettant en valeur la position géostratégique du Royaume, étant le seul pays africain interconnecté avec l'Europe en termes d'électricité, de gaz et de logistique. Rassurée par les projets soutenus par l’OCP pour produire de l’hydrogène et de l’ammoniac verts dans le cadre de son plan de neutralité carbone à l’horizon 2040, Benali a également souligné l’engouement des investisseurs, suggérant que ce secteur dépasse le simple stade de marché de niche. Les réserves sont toutefois de mise, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) qui estime que l’évolution des contextes géopolitiques, les incertitudes réglementaires et la concurrence des nouvelles technologies émergentes pourraient freiner la demande réelle et compromettre la croissance prévue des exportations d’hydrogène.
 
Les prévisions actuelles sur le potentiel d’importation d’hydrogène reposent souvent sur une vision conventionnelle des dynamiques mondiales, où les industries du Nord global apparaissent comme les principaux consommateurs, tandis que les pays du Sud global sont considérés comme les principaux fournisseurs. Cependant, si ces projections ne se concrétisent pas, les exportations marocaines risquent de rester en deçà des attentes, entraînant un manque à gagner en termes de revenus et d’investissements. Une telle situation pourrait ralentir, voire remettre en cause, le déploiement de la stratégie nationale pour l’hydrogène vert.La ministre s’est pourtant montrée rassurante, en janvier dernier, quant à la rentabilité de la filière pour le Royaume. «Il serait inutile de produire ou de financer l’hydrogène vert avec l’argent des contribuables s’il n’est pas compétitif sur le marché international », avait-elle déclaré devant les membres de la Commission des infrastructures, de l’énergie, des mines et de l’environnement de la Chambre des Représentants.
 
Vers plus de rigueur législative
 
Malgré le potentiel prometteur de l’hydrogène vert, le Maroc ne dispose toujours pas d’un cadre législatif spécifique pour ce secteur. Cette lacune s’inscrit dans un contexte plus large de retard dans l’adoption de lois clés, comme la réglementation sur le gaz naturel, en discussion depuis 2004, ou la loi 33.13 sur les mines. Pour contourner cette absence de cadre juridique, le gouvernement a mis en place des contrats préliminaires de réservation foncière. Valables six mois et renouvelables, ces accords permettent aux investisseurs de réaliser des études de faisabilité sans freiner leurs projets. Lors des discussions en commission, la ministre a insisté sur la nécessité de répondre en priorité aux besoins immédiats du pays, notamment en matière d’infrastructures gazières. Dans cette perspective, le rapport de l’IRENA souligne que les investissements devraient se concentrer sur les pipelines, les stations de ravitaillement, l’adaptation du pipeline Maghreb-Europe existant, ainsi que sur l’extension et la modernisation des infrastructures portuaires.
 
 

3 questions à Jean-Louis Kindler, CEO de Ways2H : « Je crois beaucoup aux perspectives potentielles du stockage chimique »

  • Parmi les défis de la production de l’hydrogène vert figure la question du stockage. Quels sont les techniques les plus adaptées au contexte marocain ? 

Il y a trois grandes familles de méthodes pour stocker l’hydrogène : la compression, la liquéfaction et le stockage chimique à travers l’absorption dans certaines molécules, l’ammoniac ou les hydrures métalliques. Aujourd’hui, la solution la plus simple - donc a priori la meilleure - est la compression. Même si elle n’est pas parfaite, elle a l’avantage d’être la plus répandue. Les technologies existent depuis longtemps, et sont éprouvées et industrialisées (ce qui signifie qu’elles ont déjà un avantage compétitif). En revanche, le coût énergétique de la compression, et de la liquéfaction également, n’est pas vraiment, pardonnez le jeu de mots, compressible. Cela dépend des lois physiques. Je ne vois donc pas vraiment de possibilité d’amélioration sensible du coût de revient de ces méthodes. Je crois beaucoup aux perspectives potentielles du stockage chimique, car ces méthodes ont l’avantage de se faire à des conditions de pression et/ou de température beaucoup plus « raisonnables ».
 
  • Y a-t-il des contraintes à prévoir dans ce sens ? 
 

Je suis avec intérêt les progrès réalisés dans le domaine du stockage sous forme d’hydrures métalliques. Potentiellement, cela permettrait le stockage à des conditions de pression et de température presque normales. Le seul problème pouvant survenir réside dans le ratio entre la masse d’hydrogène stockée par rapport à la masse totale « hydrogène + support ». Cela pourrait fermer la porte à certaines applications, je pense en particulier à l’aéronautique, où le rapport masse/valeur énergétique est un facteur déterminant.
 
  • L’investissement dans le stockage pourrait-il être un propulseur du carburant électrique ?
 

Dans une certaine mesure oui, mais il faut garder à l’esprit le fait que les méthodes de stockage de l’hydrogène sont déjà identifiées, pour la plupart. Le véritable enjeu est donc plus une question de coût de ces méthodes, que des méthodes elles-mêmes. C’est le travail que réalise aujourd’hui l’ensemble du secteur des technologies de l’hydrogène : industrialiser, optimiser et commercialiser à plus grande échelle les solutions qui sont déjà connues. Bien sûr, nous ne sommes pas à l’abri d’une découverte révolutionnaire qui constituerait un saut technologique majeur, mais notre filière peut d’ores et déjà se développer de manière tout à fait compétitive, même sans ce type de découverte. Il faut savoir que les carburants électriques, à l’exception de l’hydrogène, contiennent toujours du carbone : alcools et hydrocarbures de synthèse. Donc, ils ont certes l’avantage d’être compatibles avec les moteurs thermiques existants, mais ne résolvent que partiellement notre enjeu majeur, qui est à la base de tous les efforts que nous faisons aujourd’hui : l’excès de CO2 atmosphérique et son impact sur notre climat.

Offre Maroc : Les premiers investisseurs s’affichent

Ce ne sont pas moins de 6 projets dans les trois régions du Sud du Royaume, pour un coût de 319 milliards de dirhams (MMDH). Le comité de pilotage de l’O re Maroc négocie désormais avec cinq investisseurs en vue de parvenir à la signature de contrats préliminaires permettant de mobiliser l’assiette foncière destinée à la mise en œuvre de ces projets stratégiques, pour un plafond de 30 mille hectares par projet. Il s’agit de sociétés leaders dans le domaine de l’hydrogène vert dans leurs pays respectifs, qui constituent le consortium d’investisseurs « ORNX », composé de la société américaine « Ortus », de la société espagnole «Acciona» et de la société allemande « Nordex », qui investiront dans la production d’ammoniac. Il s’agit aussi d’un autre consortium d’investisseurs, composé de la société émiratie « Taqa » et de la société espagnole « Cepsa » pour la production d’ammoniac et de carburant industriel, ainsi que de la société marocaine « Nareva » qui investira dans la production d’ammoniac, de carburant industriel et d’acier vert. Cette même matière devra également être produite par la société saoudienne « ACWA Power », alors qu’un autre consortium d’investisseurs composé des sociétés chinoises « UEG » et « China Three Gorges » devrait produire de l’ammoniac

Rapport : 7 pays arabes parmi les top 20 mondiaux

Selon la plateforme américaine Energy Research Unit, sept pays arabes figurent parmi les vingt premières nations mondiales en termes de capacité de production d’hydrogène vert issue de centrales solaires. À la n de l’année dernière, le nombre de projets liés à la production, au transport et à l’utilisation de l’hydrogène dans ces pays a presque quadruplé par rapport à 2021, atteignant 127 projets. La Mauritanie se distingue en se classant au deuxième rang mondial, derrière l’Australie (63,3 GW), avec une capacité projetée de 47 GW. Cependant, il est important de noter qu’aucun projet d’énergie solaire pour la production d’hydrogène vert n’est actuellement en phase de mise en œuvre ou de planification en Mauritanie; toutes les capacités attendues concernent des projets annoncés. Oman suit avec une capacité de 31,93 GW, tandis que le Maroc occupe la quatrième place mondiale avec 24,49 GW. L’Égypte se positionne au septième rang mondial avec 13,91 GW, suivie de Djibouti avec 9,04 GW. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite affichent respectivement des capacités de 4,02 GW et 3,50 GW. Ces chiff res englobent les projets annoncés, ceux en cours de construction et ceux déjà opérationnels. L’hydrogène vert est produit par électrolyse, un procédé utilisant de l’électricité provenant de sources renouvelables, principalement l’énergie éolienne et solaire. La région abrite certaines des plus grandes centrales solaires mondiales, notamment aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Égypte, au Maroc et à Oman, renforçant ainsi leur potentiel dans la production d’hydrogène vert.




Communication financière

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