- Vous avez récemment mis en demeure Eric Zemmour pour avoir repris un nom de domaine d’une marque préexistante, en l’occurrence «La Croisée des Chemins», le nom de votre maison d’édition. A quel point les positions du polémiste français pourraient porter préjudice à votre maison d’édition ?
- Eric Zemmour a lancé, depuis le 1er septembre dernier, un site web www.croiséedeschemins-ez.fr, pour la promotion de son nouvel ouvrage “La France n’a pas dit son dernier mot», alors que la maison d’édition casablancaise “La Croisée des Chemins” existe depuis quarante années déjà et dont la ligne éditoriale repose sur le vivre ensemble, la tolérance.
J’ai réagi en déposant une plainte, il y a deux semaines, auprès de la Justice française, en vue d’éclairer l’opinion publique française et internationale et expliquer ma position vis-à-vis de cet individu.
Clairement, je pense que cet individu est raciste et fasciste. En tant que Marocain, éditeur, connu sur la place publique pour mes idées, mon combat pour le vivre ensemble, la tolérance, et pour comprendre l’autre, il est impossible que je partage ses idées. Je ne veux pas que le nom de la maison d’édition soit lié à une personne qui veut faire expulser tous les Musulmans et Arabes.
- Pourquoi aurait-il repris ce nom, selon vous ? Y a-t-il quelque chose contre vous ?
- Je ne veux pas être prétentieux et dire que c’est parce que “La Croisée des Chemins” est un nom connu. C’est peut-être un concours de circonstances… Il y a une petite équipe derrière Eric Zemmour qui prépare sa campagne électorale, alors qu’il n’est pas encore candidat. Selon eux, le choix du titre est fait car Eric croise les chemins pour concurrencer et être le deuxième candidat au second tour de l’élection présidentielle française de 2022, contre Emmanuel Macron.
Tant qu’il n’est pas candidat, il monte dans les sondages actuellement. Le jour où il deviendra candidat, il faudra qu’il donne son programme électoral, sur la santé, l’immigration, le travail. En attendant, il se fait du fric avec son nouveau livre. Pour le moment, plus de 170.000 exemplaires en sont vendus. Il va faire un chiffre de plus de 5 millions d’euros. Raison en est qu’il a créé sa propre maison d’édition, après que sa maison d’édition habituelle “Albin Michel” a refusé de sortir ce livre.
Contrairement à ce qu’il prétend vouloir défendre la France, l’argent compte plus à ses yeux. C’est quelqu’un de malhonnête. Le fait de monter dans les sondages fait vendre cinq fois plus son livre. Ce n’est pas un homme qui a l’envergure d’un chef d’Etat.
- Après avoir procédé à la mise en demeure du polémiste, quelle sera votre prochaine étape et quelles sont vos attentes de la Justice française ?
- Je ne peux pas me prononcer sur la suite, qui est suivie par mon avocat. Nous continuerons notre combat jusqu’à ce que la Justice se prononce. J’ai déposé la plainte il y a à peine deux semaines. La procédure est longue mais on fait confiance à la Justice française pour éviter l’amalgame qu’il y a. C’est la première fois que je rencontre ce genre d’incidents.
- Pensez-vous réalistes les intentions de vote que l’on donne à Zemmour alors même qu’il n’a toujours pas officialisé sa candidature ?
- Il dit que l’extrême droite n’a jamais été aussi loin de ce qu’il a dit. Marine Le Pen est pour l’expulsion des personnes en situation irrégulière, pour diminuer le nombre des visas accordés pour ne pas recevoir beaucoup de Maghrébins et Africains. Elle ne parle pas des Polonais, Roumains ou Hongrois qui immigrent, mais que des Africains, dont surtout les Maghrébins. Ce qui signifie que c’est une personne raciste. Elle ne s’exprime pas aussi librement que vient de le faire Eric Zemmour. Beaucoup de personnes pensent comme lui mais n’arrivent pas à s’exprimer, il leur donne cette occasion. Les Français sont tellement intelligents.
- Beaucoup en France critiquent une certaine bienveillance, voire une complaisance des médias pour Zemmour, alors que d’autres vont plus loin et les accusent de le favoriser. Partagez-vous cette opinion et si, comment expliquez-vous son omniprésence et sa « puissance » ?
- Il est chroniqueur depuis une dizaine d’années. Sa « force » est de donner toujours des chiffres qui sont faux tout en parlant avec une telle conviction que son débatteur en est déstabilisé. C’est parce qu’il a l’habitude des plateaux et des polémiques. Tous ces éléments font de lui une vedette. Dans les médias français, il y a du Zemmour partout. Automatiquement, il grimpe dans les sondages.
- Eric Zemmour a lancé, depuis le 1er septembre dernier, un site web www.croiséedeschemins-ez.fr, pour la promotion de son nouvel ouvrage “La France n’a pas dit son dernier mot», alors que la maison d’édition casablancaise “La Croisée des Chemins” existe depuis quarante années déjà et dont la ligne éditoriale repose sur le vivre ensemble, la tolérance.
J’ai réagi en déposant une plainte, il y a deux semaines, auprès de la Justice française, en vue d’éclairer l’opinion publique française et internationale et expliquer ma position vis-à-vis de cet individu.
Clairement, je pense que cet individu est raciste et fasciste. En tant que Marocain, éditeur, connu sur la place publique pour mes idées, mon combat pour le vivre ensemble, la tolérance, et pour comprendre l’autre, il est impossible que je partage ses idées. Je ne veux pas que le nom de la maison d’édition soit lié à une personne qui veut faire expulser tous les Musulmans et Arabes.
- Pourquoi aurait-il repris ce nom, selon vous ? Y a-t-il quelque chose contre vous ?
- Je ne veux pas être prétentieux et dire que c’est parce que “La Croisée des Chemins” est un nom connu. C’est peut-être un concours de circonstances… Il y a une petite équipe derrière Eric Zemmour qui prépare sa campagne électorale, alors qu’il n’est pas encore candidat. Selon eux, le choix du titre est fait car Eric croise les chemins pour concurrencer et être le deuxième candidat au second tour de l’élection présidentielle française de 2022, contre Emmanuel Macron.
Tant qu’il n’est pas candidat, il monte dans les sondages actuellement. Le jour où il deviendra candidat, il faudra qu’il donne son programme électoral, sur la santé, l’immigration, le travail. En attendant, il se fait du fric avec son nouveau livre. Pour le moment, plus de 170.000 exemplaires en sont vendus. Il va faire un chiffre de plus de 5 millions d’euros. Raison en est qu’il a créé sa propre maison d’édition, après que sa maison d’édition habituelle “Albin Michel” a refusé de sortir ce livre.
Contrairement à ce qu’il prétend vouloir défendre la France, l’argent compte plus à ses yeux. C’est quelqu’un de malhonnête. Le fait de monter dans les sondages fait vendre cinq fois plus son livre. Ce n’est pas un homme qui a l’envergure d’un chef d’Etat.
- Après avoir procédé à la mise en demeure du polémiste, quelle sera votre prochaine étape et quelles sont vos attentes de la Justice française ?
- Je ne peux pas me prononcer sur la suite, qui est suivie par mon avocat. Nous continuerons notre combat jusqu’à ce que la Justice se prononce. J’ai déposé la plainte il y a à peine deux semaines. La procédure est longue mais on fait confiance à la Justice française pour éviter l’amalgame qu’il y a. C’est la première fois que je rencontre ce genre d’incidents.
- Pensez-vous réalistes les intentions de vote que l’on donne à Zemmour alors même qu’il n’a toujours pas officialisé sa candidature ?
- Il dit que l’extrême droite n’a jamais été aussi loin de ce qu’il a dit. Marine Le Pen est pour l’expulsion des personnes en situation irrégulière, pour diminuer le nombre des visas accordés pour ne pas recevoir beaucoup de Maghrébins et Africains. Elle ne parle pas des Polonais, Roumains ou Hongrois qui immigrent, mais que des Africains, dont surtout les Maghrébins. Ce qui signifie que c’est une personne raciste. Elle ne s’exprime pas aussi librement que vient de le faire Eric Zemmour. Beaucoup de personnes pensent comme lui mais n’arrivent pas à s’exprimer, il leur donne cette occasion. Les Français sont tellement intelligents.
- Beaucoup en France critiquent une certaine bienveillance, voire une complaisance des médias pour Zemmour, alors que d’autres vont plus loin et les accusent de le favoriser. Partagez-vous cette opinion et si, comment expliquez-vous son omniprésence et sa « puissance » ?
- Il est chroniqueur depuis une dizaine d’années. Sa « force » est de donner toujours des chiffres qui sont faux tout en parlant avec une telle conviction que son débatteur en est déstabilisé. C’est parce qu’il a l’habitude des plateaux et des polémiques. Tous ces éléments font de lui une vedette. Dans les médias français, il y a du Zemmour partout. Automatiquement, il grimpe dans les sondages.
Recueillis par
Safaa KSAANI
Portrait
Un homme de lettres et de chiffres
Ce n’est pas étrange de voir un enfant gourmand de livres à la tête d’une maison d’édition. A l’époque de l’enfance de Abdelkader Retnani, un ami de son père gérait un kiosque de journaux et de magazines. Ce dernier était très serviable, lui empruntait souvent de quoi meubler tout son temps. Cet homme de lettres s’y connaît aussi en chiffres. Il a étudié à l’étranger la gestion d’entreprises agricoles, puis les sciences économiques.
Rentré au Maroc, il y travaille 4 ans durant au sein de la branche agricole d’une grande administration, qu’il a restructurée. Il convole en justes noces avec son épouse, qui était jeune avocate et passionnée de livres comme lui. A l’époque, elle fait un stage dans la librairie “Quartier latin” à Casablanca.
Au fil de leurs rencontres, il décide de créer, en 1981, avec des amis, la maison marocaine de diffusion et de distribution de livres “Eddif”, qu’il présidait avec un bureau sur les Champs Élysées à Paris, et dans de nombreux pays en Afrique. Grâce à ces expériences, il y a appris un savoir-faire à la fois littéraire et commercial.
En 1986, Il a édité un premier livre dans une imprimerie en Suisse avant d’éditer au sein d’Eddif, “Au-delà de toute pudeur”, de son amie Soumaya Guessous. C’est ainsi qu’“Eddif” est devenue une maison d’édition. En 1993, il se consacre exclusivement à l’édition, en rachetant la maison d’édition “La Croisée des Chemins” qui était à ses débuts à cette époque. Aujourd’hui, il édite environ 20% de livres en arabe, 80% de livres en français, et quelques livres en anglais.
Par ailleurs, Abdelkader Retnani préside l’Union Professionnelle des Editeurs du Maroc (UPEM) ainsi que la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC).
Rentré au Maroc, il y travaille 4 ans durant au sein de la branche agricole d’une grande administration, qu’il a restructurée. Il convole en justes noces avec son épouse, qui était jeune avocate et passionnée de livres comme lui. A l’époque, elle fait un stage dans la librairie “Quartier latin” à Casablanca.
Au fil de leurs rencontres, il décide de créer, en 1981, avec des amis, la maison marocaine de diffusion et de distribution de livres “Eddif”, qu’il présidait avec un bureau sur les Champs Élysées à Paris, et dans de nombreux pays en Afrique. Grâce à ces expériences, il y a appris un savoir-faire à la fois littéraire et commercial.
En 1986, Il a édité un premier livre dans une imprimerie en Suisse avant d’éditer au sein d’Eddif, “Au-delà de toute pudeur”, de son amie Soumaya Guessous. C’est ainsi qu’“Eddif” est devenue une maison d’édition. En 1993, il se consacre exclusivement à l’édition, en rachetant la maison d’édition “La Croisée des Chemins” qui était à ses débuts à cette époque. Aujourd’hui, il édite environ 20% de livres en arabe, 80% de livres en français, et quelques livres en anglais.
Par ailleurs, Abdelkader Retnani préside l’Union Professionnelle des Editeurs du Maroc (UPEM) ainsi que la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC).
S. K.