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Interview avec Abdellah Cherif Ouazzani : « L’islam a toujours été victime d’extrémistes de tous bords »


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 6 Décembre 2021

Dans son nouvel essai “L’islam en otage”, Dr Abdellah Cherif Ouazzani tente de braquer les projecteurs sur certains courants qui instrumentalisent l’islam à des fins autres que religieuses.



- C’est à une série de contre-vérités, devenues des poncifs, que s’intéresse votre nouvel ouvrage intitulé “L’islam en otage”. Nous sommes devant quel dilemme ?

- En effet, cet ouvrage essaie de braquer la lumière sur certains courants qui instrumentalisent l’islam à des fins autres que religieuses, nobles et sincères, ou je dirai même les dénonce, les condamne et tente de dédouaner l’islam de leurs actes et desseins ignobles. L’islam, en tant que religion de Dieu, est venu délivrer l’Homme de l’asservissement de l’Homme, pour l’orienter uniquement vers son Créateur, qui veut le doter de noblesse de caractère, d’éthique et de morale, et lui permettre ainsi de vivre en paix avec toutes les autres créatures de Dieu, qu’elles soient humaines, animales ou végétales.

Les courants extrémistes veulent nous soumettre à leurs diktats, nous monter les uns contre les autres. Certains concepts islamiques ont été dévoyés par les extrémistes religieux, et détournés de leur sens réel. En utilisant une certaine terminologie extraite du Coran et du Hadith, les extrémistes ont ainsi contredit la grande majorité de la Oumma, et sont tombés dans l’exagération et la perversion, que ce soit au niveau de la pensée ou de la pratique. Les extrémistes antireligieux tentent d’annihiler l’islam et le vider de sa substance, et ainsi en faire une caricature et un corps sans âme. En réalité, les deux extrémismes prennent en otage l’islam, parlent en son nom, se l’approprient, mais les deux, ensemble, n’en représentent qu’une minorité, certes bruyante, devant une majorité modérée, mais silencieuse, et dont le devoir aujourd’hui plus qu’auparavant est de se manifester, de s’exprimer, et de reprendre le flambeau et la représentativité des mains des extrémistes.

- Selon votre ouvrage, l’islam a toujours été victime d’extrémistes de tous bords. Où se situe le nœud de la problématique ?

- En effet, l’islam a toujours été victime d’extrémistes de tous bords. Certains voyaient en lui un moyen d’accéder au pouvoir, à l’argent et au prestige, d’autres le considéraient comme un danger de par sa morale, sa discipline et surtout sa capacité à convaincre et donc à fédérer.

Nous sommes devant un double dilemme, d’un côté une mouvance qui s’accapare le champ religieux, parle en son nom, l’instrumentalise en faisant des interprétations erronées des textes religieux pour justifier des actes odieux et un comportement déphasé, de l’autre côté un autre courant de pensée qui accuse l’islam de violence prétendant que ses textes comportent des messages violents et belliqueux, et qui cherche à le vider de sa substance et de son essence.

- L’islam est un thème de plus en plus d’actualité politique. Est-ce que le politique a pris en otage le religieux ?

- Effectivement, le politique s’immisce profondément dans le religieux à des fins d’instrumentalisation. Le prophète de l’islam faisait de la politique, puisqu’il était aussi chef d’Etat, mais pour lui, la politique devait être au service de la religion, pour servir la bonne cause, alors qu’après la période des califes bien guidés, la religion a été souvent instrumentalisée à des fins politiques, particulièrement du temps des Omeyyades.

- L’un des plus grands amalgames se situe entre islam et islamisme rendant tout musulman suspect. Quel commentaire en faites-vous ?

- Je ne suis pas d’accord sur l’appellation d’islamisme, car le suffixe « isme » crée la confusion entre l’ensemble des Musulmans et les quelques groupuscules fanatiques et extrémistes. En effet, les appellations christianisme, judaïsme et bouddhisme portent le suffixe « isme », et pourtant ne signifient pas extrémisme, bien qu’il y ait des fanatiques dans toutes les religions et sociétés, et donc nul ne fait l’amalgame et confond un juif modéré avec un juif ultraorthodoxe, ou l’ensemble des bouddhistes qui prônent la paix et l’amour avec les fanatiques de Myanmar qui tuent et brûlent les Musulmans Rohingya.

Cet amalgame est voulu par certaines sphères politiques pour servir leurs propres objectifs, à l’instar de ce qui se passe actuellement en France, où presque tous les candidats à l’élection présidentielle font leur campagne sur deux thèmes : l’émigration et l’islam.

- ”La menace est grande, la responsabilité aussi, le poids est énorme, mais la bonne volonté et l’intention noble des sages de ce monde peuvent changer le sens de l’Histoire”, dites-vous. A quel islam vous vous attendez dans le cas contraire ?

- Depuis la grande discorde, et l’assassinat du calife Othman en l’an 35 de l’Hégire, des groupuscules extrémistes essaient de s’accaparer l’islam, de parler en son nom et surtout d’exclure les autres et de se considérer les seuls aptes à le représenter légitimement. En utilisant une certaine terminologie extraite du Coran et du Hadith, les extrémistes arrivent encore à leurrer et abuser une frange de la jeunesse, profondément désemparée par des soucis économiques et sociaux, et ainsi l’amener à perpétrer des atrocités, bien que les thèses extrémistes contredisent la grande majorité de la Oumma, ce qui les poussent à l’exagération et la perversion, que ce soit au niveau de la pensée ou de la pratique. Donc, la menace est grande, le poids est énorme, mais la bonne volonté et l’intention noble des sages de ce monde peuvent changer le sens de l’Histoire, et contrebalancer les desseins maléfiques des extrémistes, et ainsi sauver l’humanité d’un désastre, présent et à venir.

- Que proposez-vous pour libérer l’islam de ces menaces et amalgames ? 

-Je ne prétends pas avoir l’aura ou le pouvoir de libérer l’islam, seulement devant des atrocités, je ne peux m’empêcher de répéter trois mots : dramatique, incompréhensible et inacceptable. Dramatique, pour qualifier ce qui arrive aujourd’hui, et qui dépasse les limites de l’horreur. Incompréhensible, qu’on le fasse au nom de l’Islam. Inacceptable qu’on se taise et qu’on ne réagisse pas. Il faut dénoncer, condamner et surtout protéger l’ensemble de notre jeunesse de la contagion. Au Maroc, nous avons vécu pendant des siècles une pratique et des déclinaisons de l’islam qui interpellent en nous l’amour, la bonté et le vivre ensemble et non qui nous soumettent à la contrainte du mal, de la haine et de l’exclusion de l’autre. D’ailleurs, le Coran nous le confirme : « Si ton Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule nation, mais les gens resteront différents, et c’est pour ça qu’il les a créés ».








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