- Combien compte-t-on d’autistes au Maroc ? Auriez-vous une idée aussi sur le nombre de personnes prises en charge aujourd’hui dans le pays ?
- La célébration de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, devenue officielle depuis 2007, est une occasion cruciale pour rappeler les droits des personnes autistes et dresser un bilan sur les réalisations et les attentes des familles. Au Maroc, en l'absence de statistiques officielles sur le trouble, et en se basant sur le pourcentage mondial, on estime qu'il faut compter entre 350 000 et 400 000 personnes autistes.
Actuellement, il faut compter environ 62 personnes sur 10 000, ce qui signifie qu'il y a un autiste sur 162 personnes au Maroc. En ce qui concerne la prise en charge, le nombre varie selon les régions. Dans les grandes villes comme Casablanca ou Rabat, il y a généralement plus d'options de prise en charge, mais dans les régions plus éloignées, l'accès aux services peut être limité, ce qui pose des défis pour de nombreuses familles ayant des enfants autistes.
De plus, deux acteurs institutionnels, l'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) et l'Entraide Nationale, déploient des efforts importants pour prendre en charge les personnes autistes au Maroc. Bien que les statistiques exactes ne soient pas disponibles, il est important de souligner que ces deux acteurs ont contribué à réduire le coût de la prise en charge, notamment pour les familles en situation de précarité.
- Comme le chantier de la prise en charge des enfants autistes est grand, quelle est la priorité à ce stade, selon vous ?
- La priorité à ce stade dans la prise en charge des enfants autistes au Maroc réside dans la question cruciale de l'accès financier à l'auxiliaire de vie scolaire (AVS). En effet, les familles font face à un défi majeur lié au coût élevé de ces accompagnants, pouvant absorber jusqu'à 60% du budget dédié à la prise en charge.
Alors que l'État joue un rôle crucial en subventionnant les AVS et certaines thérapies paramédicales pour les familles en situation de précarité via le Fonds de cohésion sociale, d'autres familles de différentes catégories socio-professionnelles se retrouvent confrontées à ces charges supplémentaires non remboursables par la Sécurité sociale.
Par exemple, un fonctionnaire de l'échelle 11 peut voir sa situation financière déstabilisée en raison des coûts liés aux activités non prises en charge. Ainsi, le principal obstacle auquel sont confrontées les familles est le fardeau financier de l'AVS, nécessitant une réforme du système de sécurité sociale pour mieux répondre aux besoins exceptionnels des personnes autistes et de leurs familles.
- Existe-t-il suffisamment de personnels qualifiés pour accompagner les personnes autistes ?
- La question de l'autisme au Maroc est étroitement liée à l'engagement des associations, qui ont été créées pour explorer des solutions et des pistes de réflexion. Le noyau des associations s'est formé entre 2004 et 2005, comprenant des organisations telles que l'Association Miroir pour les enfants autistes.
La première promotion de personnes qualifiées pour accompagner les autistes était principalement constituée de mamans, formées aux nouvelles pratiques en matière d'autisme après des années de militantisme sur la question. Par la suite, le ministère de la Solidarité a adopté un projet de formation pour ce personnel, et nous avons vu la formation de 180 cadres répartis en trois promotions, chacune formant 20 personnes, pour un total de 1800 cadres formés.
De plus, il y a eu l'ouverture de filières spécialisées à l'université, telles que celles formant des neuropsychologues et des AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire) à l'OFPPT. Malgré ces efforts louables, le nombre de personnels qualifiés reste modeste, voire inexistant, surtout dans les petites villes et les communes rurales. Cela souligne l'importance de poursuivre les efforts de formation et de sensibilisation à travers le pays pour répondre aux besoins des personnes autistes.
- Quels sont les progrès réalisés dans ce domaine ?
- Les progrès réalisés dans le domaine de l'autisme au Maroc sont remarquables, marquant même une avancée comparée à certains pays développés. Cette évolution est attribuable à plusieurs facteurs. Tout d'abord, la maturité de la société civile marocaine qui s'investit activement dans cette cause.
Ensuite, la ratification par le Maroc de la convention relative aux personnes handicapées et son protocole facultatif depuis 2009 ont incité les acteurs institutionnels à mettre en place des politiques publiques focalisées sur le handicap. À titre d'exemple, le programme Rafiq, initié par le ministère de la Solidarité, a permis la formation de 180 diplômés spécialisés dans l'autisme.
De plus, la société civile, en utilisant les dernières avancées technologiques, bénéficie de formations à distance aussi bien au Maroc qu'à l'étranger, ce qui contribue à l'amélioration des pratiques dans le domaine. Parallèlement, une augmentation de la sensibilisation du grand public à travers des campagnes et des initiatives éducatives a été observée, tout comme une amélioration de l'accès aux services de santé mentale et aux diagnostics précoces.
Enfin, l'intégration progressive des personnes autistes dans divers aspects de la société démontre une reconnaissance croissante de leurs droits et de leur valeur en tant que membres à part entière de la société marocaine.
- Qui sont les défis qui persistent et qui nécessitent une attention particulière de l’État et de la société ?
- Les défis persistants dans la prise en charge de l'autisme au Maroc nécessitent une attention soutenue de la part de l'État et de la société. Malgré une conscientisation croissante de la société sur cette problématique et l'implication active des familles dans le processus de prise en charge, plusieurs obstacles subsistent.
Tout d'abord, il y a la question des jeunes autistes qui n'ont pas bénéficié d'une prise en charge adéquate, ce qui peut entraîner des difficultés d'adaptation et d'intégration à la société. De plus, les autistes vivant dans les zones rurales du pays nécessitent une attention particulière, car ils peuvent avoir un accès limité aux services de santé et d'éducation spécialisés.
Enfin, un défi majeur réside dans la présence de vendeurs d'illusions qui proposent des solutions miracles aux familles, entravant ainsi une prise en charge efficace et appropriée des personnes autistes. Ces défis soulignent l'importance d'une collaboration continue entre l'État, la société civile et les familles pour garantir une meilleure qualité de vie et des opportunités équitables pour les personnes autistes au Maroc.
- Quel message peut-on adresser aux parents qui viennent aujourd’hui d’apprendre que leur enfant est autiste ?
- Le message que nous souhaitons adresser aux parents qui viennent d'apprendre que leur enfant est autiste est empreint d'espoir et de soutien. Nous comprenons que cette nouvelle puisse être difficile à accepter, mais il est essentiel de savoir que vous n'êtes pas seuls dans ce parcours.
Avec l'augmentation du nombre d'autistes, de nouvelles familles rejoignent constamment la communauté des tuteurs d'autistes. Malgré les efforts des associations et les subventions gouvernementales, le rôle de la famille reste primordial. Votre implication dans le processus de prise en charge de votre enfant est essentielle.
Votre suivi attentif et votre amour inconditionnel sont des éléments clés pour le développement et le bien-être de votre enfant. Souvenez-vous que votre soutien continu contribuera à son épanouissement et à son intégration dans la société. Bien que le chemin puisse être difficile, vous n'êtes pas seuls, et ensemble, nous pouvons surmonter les défis et créer un avenir meilleur pour votre enfant autiste.
Recueillis par Safaa KSAANI