Comment est née l’idée du projet « La Chorale, c’est vous »
- La musique est ma passion. A un moment de ma vie, j’ai décidé de mettre ma carrière d’ingénieur en France en stand-by pour me consacrer pleinement à un projet musical. En tant que musicien, j’ai pensé à faire chanter à la fois les instruments et le public. L’idée est simple, celle de réunir des mélomanes autour de la « bonne musique ».
Notre premier concert a eu lieu en juin 2022 dans une petite salle à Paris. En assimilant l’effet magique que cette formule a eu sur les 300 personnes assistantes, je me suis rendu compte qu’il y a effectivement quelque chose d’exceptionnel dans cette idée.
Sans trop tarder, j’ai pris la décision de rentrer au Maroc pour y organiser notre premier concert en août 2022. L’énorme succès qu’a connu cette première expérience nous a amenés à enchaîner avec une série de concerts dans plusieurs villes.
Vous avez qualifié ce projet de grand risque que vous avez pris, pourquoi en fait était-il un risque pour vous et pour votre équipe ?
- Tout simplement parce que tout le monde ne croyait pas tout à fait à cette idée, la première de son genre. Je ne vous cache pas, mon équipe et moi avions des doutes par rapport à son succès. Car, généralement, le public s’intéresse plus aux concerts de stars, chose que nous n’avons pas. Personne ne connaissait qui est Amine Boudchar ou son équipe.
Par ailleurs, mon équipe a cru au projet et s’est mobilisée pour le réussir. Une grande part de réussite de cette aventure revient au fait qu’il est fait par plaisir et par amour. Ce même concept a fini par inspirer plusieurs autres groupes musicaux au Maroc.
D’autre part, le grand risque était la billetterie. Vu que l’acteur principal du concept est le public, nous n’avions pas de garanties que « le chanteur » soit présent (Rires). Ce n’est même pas une question de rentabilité financière. Nous avions toujours eu peur de rater tout un concert si jamais le public ne soit pas au rendez-vous.
D’un petit événement en France à une série de concerts qui attirent un public large dans toutes les villes du Maroc. A quel point était-il difficile pour vous de faire une telle transition en un minimum de temps ?
- Pas du tout facile. La phase la plus difficile était l’organisation surtout que tout le projet relève de l’autoproduction. Nous n’avons pas de producteurs derrière nous en mesure de prendre en charge ce volet-là. C’est mon équipe et moi qui avons été chargés de contacter les prestataires pour réussir l’organisation de l’événement, chose très difficile au Maroc.
D’ailleurs, le feedback du public à la fin de chaque concert est un coup de boost. Il nous a toujours poussés à aller plus loin dans cette aventure malgré tout.
Sincèrement, les mots m’échappent pour décrire mes émotions à chaque montée sur scène. Quand je me souviens du fait que nous avons commencé dans une petite salle pour finir dans une salle de 7000 personnes au Maroc, je ne peux qu’être fier.
J’essaie de profiter des sentiments de joie qui entourent toute l’expérience, en attendant de découvrir où est-ce qu’on peut aller dans cette aventure.
Effectivement, le fait de réunir le public et la chorale sans chanteur n’est pas une option facile. Pourquoi avez-vous opté pour ce choix ?
Effectivement, le fait de réunir le public et la chorale sans chanteur n’est pas une option facile. Pourquoi avez-vous opté pour ce choix ?
- L’idée qui m’est venue consiste à réunir les Marocains dans une petite soirée musicale. Une sorte de réunion familiale spontanée où tout le monde est réuni autour de la « bonne musique » dans un cadre de partage quel que soit son background.
« La Chorale, c’est vous » est avant tout une expérience collective vécue entre le public lui-même et entre le public et l’équipe musicale. L’interaction et la connexion qui se crée dans la salle permettent de créer une dimension magique. Chose qui rend heureux à la fois le public et l’artiste.
Dans vos concerts, il est clair que le choix des œuvres artistiques porte surtout sur des chansons classiques de « la belle époque ». S’agit-il d’une manière de mettre en valeur le répertoire marocain et oriental ?
- Exactement, l’idée est de faire vivre les grandes œuvres de la musique marocaine et orientale en général qui relève, d’ailleurs, de mon goût musical. En même temps, l’un de mes objectifs aussi est de présenter de nouvelles compositions, question d’apporter notre propre touche.
L’équipe joue également des compositions qui sont un mixe entre des musiques contemporaines avec de nouveaux arrangements tout en gardant la touche marocaine. C’est vrai qu’au début, le public venait surtout pour le chant, mais avec le temps il a commencé à participer dans le choix des compositions. C’est pour cela que nous avons introduit des chorégraphies et des tableaux folkloriques témoignant de notre richesse culturelle.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de toutes les étapes de développement du projet, depuis la conception jusqu’à la réalisation ?
- Au début, le grand challenge était de faire confiance dans le projet. Même les plus proches n’ont pas cru à l’idée en elle-même, vu qu’elle ne repose pas sur une tête d’affiche.
Réussir un concert au Maroc est très difficile, surtout en termes d’organisation. A part la musique, la gestion de la communication et la coordination avec les prestataires sont très coûteuses en termes de temps et d’énergie.
En ce qui concerne le côté financier, je pense que si je n’avais pas les moyens nécessaires, « La chorale, c’est vous » n’aurait pas vu le jour.
Au début, nous avons essayé de solliciter quelques sponsors, mais ça n’a pas abouti. C’est pour cela que nous avons décidé de financer le projet par nous-mêmes.
Je ne vous cache pas, on s’attendait à ce que ces mêmes sponsors reviennent vers nous après le succès de nos concerts, mais ce n’est pas le cas. Pourquoi ? Franchement, je ne sais pas. C’est en tout cas une grande interrogation que nous avons mise de côté pour nous concentrer sur nos concerts.
Sur les réseaux sociaux, les personnes ayant déjà pris part à vos concerts qualifient l’ambiance de vraie «thérapie ». S’agit-il du but même du projet ?
- C’est vrai qu’aujourd’hui, cela me fait énormément plaisir mais je ne m’attendais pas du tout à cela. Le but était de réunir de vrai les Marocains autour de quelque chose de passionnant loin des réseaux sociaux. En fin de compte, j’ai compris que le public avait besoin de cette chaleur humaine, de ces moments de partage et de chant, surtout après la période de la Covid-19.
Le plaisir réside aussi dans le fait de se remémorer avec nostalgie de grandes chansons indétrônables du répertoire musical marocain et oriental.
Ceci nous ramène à s’interroger à quel point l’art et la musique participent-ils à l’émancipation des Marocains et surtout des jeunes ?
- L’art, la musique en particulier, procure du plaisir à l’artiste puis au public. Il permet à chacun de se libérer et donc d’acquérir son émancipation.
Tout le monde, notamment les personnes âgées, n’a pas forcément l’occasion d’expérimenter l’ambiance des stades de foot et de vivre une telle ambiance collective. Avec « La chorale, c’est vous », ceci est devenu possible.
En tout cas, j’espère que notre expérience servira d’exemple pour la jeune génération. Ceci dit, si nous avons une idée passionnante, on va certainement y arriver. C’est vrai qu’il faut se donner les moyens, mais il faut surtout et avant tout être passionné et capable de prendre le risque.
Quels sont vos futurs projets ?
- Nous sommes actuellement en tournée au Maroc. Après Rabat, Marrakech et Casablanca, nous allons, la semaine prochaine, à la rencontre du public à Fès et à Oujda, en attendant la programmation d’une soirée à Agadir aussi.
En même temps, l’équipe est en pleine préparation pour des tournées en septembre en France et en novembre au Canada. D’autres concerts sont en cours de programmation au Moyen Orient. Notre objectif est de présenter notre projet à l’échelle internationale tout en gardant des allers-retours réguliers au Maroc pour faire plaisir à notre public dans la Mère-Patrie. Après avoir réussi plusieurs concerts au Maroc, c’est devenu plus ou moins facile d’y organiser de nouveaux. Désormais, le challenge que Boudchar cherche à relever cette fois-ci c’est de réussir l’expérience à l’international.
Mina ELKHODARI