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[ Interview avec Ayoub Krir ] L’envasement des barrages, un phénomène en forte hausse


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 23 Août 2021

Pour le Maroc, l’envasement des retenues de barrages engendrerait une perte de 50% de leur capacité de stockage dans moins de 20 ans. Le point avec Ayoub Krir, Président de l’Association « Oxygène pour l’Environnement et la Santé ».



[ Interview avec Ayoub Krir ] L’envasement des barrages, un phénomène en forte hausse
- Parmi les éléments menant à des pertes considérables d’eau, la question de l’envasement des barrages. Quel lien faites-vous avec le changement climatique et quels risques sont-ils encourus face à la recrudescence de ce phénomène ?

- L’envasement est la conséquence de l’érosion des sols qui touche de manière préoccupante plus de la moitié des sols marocains. L’envasement menace les barrages à travers le monde, notamment dans les régions qui connaissent la désertification, la sécheresse et les inondations. L’envasement engendre des pertes de stockage d’eau, ce qui impacte directement une bonne partie des eaux destinées à l’arrosage, l’industrie et autres usages.

Les vases (boues) peuvent causer la détérioration des mécanismes de pompage des eaux des barrages et tout ce qui va avec. Ce phénomène génère des crues susceptibles de provoquer des inondations ainsi que des dépassements des capacités de stockage des barrages et de drainage des réseaux d’assainissement. Comme nous l’avons vu précédemment, les crues exceptionnelles se sont accentuées durant la période 2008-2011, notamment sur une grande moitié Nord du territoire.

Par ailleurs, le Royaume est situé dans une région parmi les plus menacées par les changements climatiques. Les tendances des précipitations nationales annuelles cumulées durant la période 1961-2017 présentent une baisse statistiquement significative de l’ordre de -16% avec une baisse de -43% des précipitations printanières.

D’autre part, l’intensité et la variabilité des précipitations sont croissantes, générant plus d’inondations et plus de sécheresses. Ce phénomène va encore s’accentuer, selon les projections scientifiques, tirant par conséquent à la hausse les phénomènes d’érosion et d’envasement des retenues des barrages.


- Le phénomène de l’envasement des barrages est plus remarqué dans les régions marocaines où le climat est désertique ou semi-désertique. Les barrages construits dans les autres zones ne sont-ils pas menacés par ce phénomène ?

- Pas forcément puisque c’est un phénomène qui menace les barrages du monde. La dangerosité du phénomène varie en fonction des caractéristiques des régions et des barrages. En effet, les régions où il y a peu d’humidité et beaucoup de vent transportant des sols rapidement et en grandes quantités sont les plus concernées. Ces sols atterrissent dans l’eau des barrages où la vase s’accumule, quitte à remplacer à 100% les eaux !


- Comment peut-on atténuer les risques liés au phénomène de l’envasement des barrages ?

- Pour faire face à ce phénomène, de nombreuses solutions se présentent. Dans chaque région, où des barrages sont construits ou en cours de construction, il faut engager les habitants locaux et la société civile dans la protection de cet héritage. Une autre solution facilement réalisable, et non des moindres, est la stabilisation des sols. Cela permet de résoudre le problème à la source.

En effet, cette opération consiste à planter des arbres dans les espaces entourant les barrages. On peut également recourir à des espèces de poissons permettant de « nettoyer » les barrages des algues et des sédiments. De nouveaux barrages sont toujours souhaités face à l’augmentation de la consommation de l’eau par les ménages et les secteurs industriels, agricoles et économiques.


- Le Maroc est parmi les pionniers de la politique des barrages. Quel est le rôle de la maintenance de ces derniers ?

- On peut dire qu’au Maroc, depuis l’ère de feu Hassan II, une politique prospective, systématique et intelligente dans le secteur de l’eau, notamment celle des barrages, a été élaborée, en mettant en place une politique de construction et d’édification de grands, moyens et petits barrages réservoirs. On avait déjà conclu que le plus grand défi pour de nombreux pays arabes et africains sera l’eau. Ce qui a permis au Maroc d’être parmi les pays pionniers en la matière. Ainsi, grâce à cette politique, de nombreux objectifs réalisés et défis ont été relevés.

En effet, on a pu éviter le pire scénario au Maroc, en diminuant le risque de famine, de sécheresse, de pandémies. Chaque année, de nouveaux barrages voient le jour. Leur maintenance, qui est un type de développement durable, reste un grand défi, pour éviter leur détérioration. Certes, des efforts sont fournis par les autorités et les responsables.

Toutefois, ces efforts ne sont pas fournis de façon continue, dans chacune des douze régions. Il y a des recherches universitaires et scientifiques menées dans ce cadre, contenant des idées innovantes et des travaux de terrain intéressants, restées dans les tiroirs. Une collaboration entre les institutions concernées et les universités et instituts scientifiques serait très fructueuse.
 
Recueillis par Safaa KSAANI

Portrait


Figure incontournable de la cause climatique et écologique
 
Ce jeune trentenaire, né à Kénitra, a tout de la panoplie de l’activiste accompli. Son CV empile les distinctions. Après avoir obtenu trois certificats d’études techniques, il a réussi à avoir un Master Science du Territoire, à l’Université Ibn Tofail en 2019, après avoir décroché une Licence d’Études Fondamentales en Géographie de la même Université.

Depuis 2014, date de création de son Association « Oxygène pour l’Environnement et la Santé », Ayoub Krir est devenu une figure incontournable de la cause climatique et écologique au Maroc, notamment de la région de Rabat-Salé-Kénitra.

Son Association, à but non lucratif, a pour but principal de sensibiliser les gens en termes de santé et d’éducation à l’environnement, et ce, à travers des forums culturels, des excursions, des sorties, entre autres. Après des années d’études techniques en mécanique et en électronique, Ayoub Krir a décidé de faire son chemin de jeune gourou du climat. En pleine pandémie, entre mars et juin derniers, il a dirigé une campagne pour la sensibilisation anti-Covid pour l’union des organisations HASSANI – OXYGENE – ECOLOGIA. En 2019, il était coordinateur responsable de projet « Oxygen Planet ».

Cet environnementaliste engagé a, entre 2012 et 2014, enseigné l’Histoire et la Géographie au lycée et au collège. Le sport de combat fait partie du quotidien de ce militant précoce et fils du champion marocain de Karaté, Aziz Krir, qui a remporté le championnat international virtuel de karaté Goju Ryu en 2020. A l’âge de 14 ans, Ayoub Krir a obtenu la Ceinture noire au 1er Dan du Karate-do. Quatre ans plus tard, il a eu son 2ème Dan.
S. K.








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