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[Interview avec Chafik Essalouh] La grande mue du code de la Douane


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 16 Novembre 2021

Dans le cadre du PLF 2022, l’Administration des Douanes et Impôts Indirects (ADII) a présenté un certain nombre d’amendements, touchant notamment le code des douanes et impôts indirects. Détails.



- D’abord, pouvez-vous dresser un bilan de l’impact de la crise sanitaire sur le volume et les droits d’importations et des taxes additionnelles ?

- En raison de la crise sanitaire du Covid-19, l’année 2020 a été caractérisée par un ralentissement brutal de l’activité économique. Ceci a conduit le Maroc à recourir à une Loi de Finances rectificative. Les échanges extérieurs au titre de cette année ont été marqués par une forte baisse de l’activité aussi bien au niveau national qu’au niveau mondial. Le déficit commercial s’est allégé de 23,1% ou +48 MMDH et le taux de couverture est passé de 57,9% à 62,4%, soit une amélioration de 4,5 points. Cette évolution correspond à une baisse des importations de -14% en 2020, en comparaison avec 2019. En revanche, les exportations ont affiché une baisse moins importante que les importations, soit -7,5%. La baisse des importations est due au recul des achats de la quasi-totalité des groupes de produits, principalement ceux des produits énergétiques (-26,5 MMDH), des produits finis de consommation (-18 MMDH), des biens d’équipement (-17 MMDH), des demi-produits (-11 MMDH) et des produits bruts (-3 MMDH). En revanche, les achats de produits alimentaires ont augmenté de 7,8 MMDH. En conséquence, les recettes au titre du droit d’importation ont baissé de 2,4%, soit un rythme moins élevé que celui des importations en raison de l’impact des mesures fiscales introduites par la Loi de Finances 2020 et par la Loi de Finances rectificative 2020. Les recettes au titre de la TVA ont chuté de 12,6% en raison de la baisse des importations, conjuguée au fléchissement des cours du baril de 61,4$ en 2019 à 41,3$ en 2020.

- Au cours de 2020, la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) a constitué 57% du montant global des recettes budgétaires, suivie de la Taxe Intérieure de Consommation (TIC) avec une part de 32%, et du Droit d’Importation (DI) (11%). Quel état des lieux en 2021 ? Et quelles perspectives ?

- Au titre des dix premiers mois de 2021, presque la même structure des recettes budgétaires a été observée. En effet, au cours de cette période, la Taxe sur la Valeur Ajoutée a constitué 57,8% des recettes budgétaires en hausse de 17,3% par rapport à l’année 2020, suivie de la TIC avec une part de 30% et du DI avec 11%.

- A compter du 1er janvier 2022, les dispositions de nombreux articles du code des douanes et impôts indirects relevant de l’Administration des Douanes et Impôts Indirects (ADII) seront modifiées. Quels sont les principaux changements qui seront opérés ?

- Effectivement, la douane a présenté un certain nombre d’amendements en relation avec ses activités et ses missions. Ces amendements ont touché le code des douanes et impôts indirects, le tarif des droits de douane et les taxes intérieures de consommation. En ce qui concerne le code des douanes, trois volets importants ont été touchés. Premièrement, le rayon des douanes : plusieurs dispositions concernant la circulation et la détention des marchandises dans le rayon des douanes, tel que défini aux articles 24, 25 et 26 du code, ont été abrogées. L’Administration des Douanes a pris conscience que bon nombre de ses dispositions sont devenues anachroniques et ne répondent plus aux impératifs de célérité et d’efficacité du contrôle. Ces dispositions sont devenues de véritables contraintes pour la liberté de circulation des marchandises dans certaines régions et provinces du Royaumes plutôt que dans d’autres, ce qui leur confère un caractère discriminant. Par ailleurs, les dispositions du rayon des douanes mettent à la charge des transporteurs et des détenteurs des marchandises, circulant dans le rayon, des obligations contraignantes qui ne sont plus observées dans la réalité, et notamment l’obligation de souscrire des laisser-passer à l’entrée dans la zone du rayon, ou encore l’obligation de tenir une comptabilité du bétail (un compte ouvert) pour les éleveurs, pour ne citer que ces deux exemples. Le deuxième point concerne la réforme du contentieux douanier dans le sens de l’assouplissement du dispositif répressif. L’objectif principal est d’encourager le dénouement transactionnel des affaires et éviter, autant que possible, le recours aux tribunaux pour des infractions jugées légères et dénudées d’intention de fraude. Cette réforme a connu aussi l’ajout de nouvelles sanctions pour réprimer des situations de fraude jusque-là inédites, ou encore le déclassement de certaines qui paraissaient quelque peu décalées par rapport à la gravité des faits reprochés. Enfin, l’aménagement du dispositif répressif s’est accompagné d’un nouvel agencement des articles du titre IX pour une meilleure lisibilité et compréhension du dispositif contentieux. Le troisième pavé a concerné la prise en charge des efforts de facilitation et de dématérialisation des procédures douanières en ouvrant, notamment, la possibilité aux opérateurs de tenir, sous format électronique, un certain nombre de documents et de registres liés à leurs activités.

- Dans le cadre de la décarbonation de l’économie marocaine, la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) a préconisé l’instauration d’une Taxe Intérieure de Consommation (TIC) sur les produits fossiles. A quel point cette taxe impactera-t- elle la compétitivité des exportations marocaines ?

- Les produits fossiles sont déjà soumis aux taxes intérieures de consommation à des quotités différentes selon leur pouvoir calorifique. A ce sujet, il convient de rappeler l’engagement volontaire du Maroc dans les processus régionaux et globaux en faveur de l’environnement et du développement durable et ses efforts continus et constants, ainsi que, plus récemment, son fort engagement dans le cadre de l’Accord de Paris, sa participation active dans les alliances climatiques mondiales et les initiatives régionales ambitieuses qu’il a portées, ont placé le Maroc à la 4ème place à l’échelle mondiale par rapport à l’Indice de Performance Climatique de 2021 (selon le rapport de l’Indice du 7 décembre 2020). En outre, et afin d’accompagner la transition énergétique dans le secteur privé, plusieurs initiatives ont été lancées à l’effet d’une décarbonation progressive du tissu industriel. Ainsi, en janvier 2021, a été lancé le programme « Tatwir – Croissance verte » pour l’appui à la décarbonation des TPME, déployé conjointement par Maroc PME et l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique (AMEE). Le programme comprend une prime d’investissement de 30%, une aide remboursable de 5%, une prise en charge jusqu’à 50% des dépenses en matière d’innovation et de développement des produits et une prise en charge jusqu’à 80% pour les PME et 90% pour les TPE au titre des actions de conseil et d’expertise technique. Depuis février 2021, le programme «Green Value Chain», soutenu par une ligne de crédit de 90 millions d’euros de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), permet de financer des projets d’efficacité énergétique au profit de PME et d’entreprises de taille intermédiaire opérant à l’export et désireuses d’améliorer leur compétitivité. Ces prêts avantageux sont assortis d’une expertise technique gratuite portant sur la viabilité du projet d’investissement vert, financée en partie par le Compte coréen pour l’assistance technique et la coopération. Sur le plan de la promotion et de la prise de conscience, signalons la tenue, le 27 juillet 2021 à Casablanca, d’un événement majeur sur la décarbonation, à savoir la 1ère édition du Forum International des Énergies de l’Industrie, sur initiative du secteur privé et en partenariat avec l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Énergétique. L’événement a traité notamment des opportunités du mix-énergétique et des mécanismes de support pour une décarbonation optimale et porteuse de facteurs de compétitivité. C’est dans la continuité de ces stratégies nationales à l’œuvre en matière d’économie verte que la taxe carbone a fait son entrée récemment dans un texte législatif. En effet, l’article 7 de la loi-cadre n° 69-19 portant réforme fiscale, publiée le 26 juillet 2021, prévoit l’instauration, d’ici à quelques années, d’une taxe carbone destinée à la protection de l’environnement. La taxe carbone est ainsi appelée à accélérer la transition énergétique au Maroc et à aider à l’atteinte des objectifs 2030. C’est pour dire que la décarbonation de l’industrie marocaine est un sujet d’actualité au Maroc depuis plusieurs années déjà et différentes études ont été lancées dans ce sens afin de permettre l’atteinte de cet objectif, tout en maintenant la compétitivité des exportations marocaines. Les prochaines années verront certainement la finalisation et la mise en œuvre d’une taxe carbone au Maroc conformément aux recommandations de la CSMD et aux dispositions de la loi-cadre relative à la réforme fiscale.



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