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[ Interview avec Hassan Fekkak, directeur technique du Comité National Olympique Marocain (CNOM) ]« Il n’y a jamais eu de politique nationale pour le sport de haut niveau »


Rédigé par Safaa KSAANI Dimanche 8 Août 2021

Les Jeux Olympiques drainent des athlètes par milliers, mais peu nombreux sont ceux qui saisissent l’occasion. Hassan Fekkak, que nous avons rencontré à quelques heures de la clôture des JO de Tokyo, a qualifié le bilan de la délégation marocaine de « triste ».



- Quel bilan tirez-vous de la participation marocaine aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Pourquoi certains sportifs ont-ils raté la médaille ?

- Nous étions tristes comme tous les autres Marocains. Heureusement, notre Champion Soufiane El Bakkali a apporté de la joie dans nos coeurs par sa médaille d’Or en 3000m steeple. Certains de nos sportifs sont venus participer aux Jeux Olympiques pour réaliser des médailles et des résultats honorables, tandis que pour d’autres, l’objectif était la qualification, une participation honorable du Maroc et de gagner de l’expérience pour les prochaines échéances.

C’était le cas, par exemple, avec l’Escrime, le Tir Sportif, le Sport Équestre (dressage) et le Canoë-Kayak. Selon nos observations, certains sportifs ont raté les médailles pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles je peux citer : un manque de finition technique et de préparation physique, certains sportifs n’ont pas su gérer la pression et le stress généré par un tel événement, ce qui a révélé un manque, voire une absence totale d’entraînement mental.

Dans certains sports, il y avait des tensions et des conflits en interne qui ont fortement impacté les sportifs. De plus, certains coachs marocains n’ont ni le niveau ni l’expérience requis pour encadrer des sportifs de haut niveau aux Jeux Olympiques. Il faut rappeler également que depuis le déclenchement de la pandémie au Maroc, les sportifs n’ont pas pu se préparer convenablement, faute de voyage et de compétitions internationales.


- Donc, ces résultats « timides » ne sont pas surprenants ?...

- Sincèrement, nous attendions quelques médailles dans certaines disciplines. Nous sommes, aussi, très lucides et nous connaissons très bien le niveau olympique et mondial des sportifs marocains et des autres sportifs du monde. D’ailleurs, il y a environ 2 mois, le CNOM a publié la liste des sportifs marocains qualifiés aux Jeux Olympiques de Tokyo avec le palmarès de chacun, son « ranking » mondial et comment il s’est qualifié.

D’une part, 80% des sportifs marocains ont obtenu une qualification continentale. Aujourd’hui, le niveau africain, à part dans certaines épreuves en athlétisme, est très faible par rapport aux autres continents. D’autre part, le Maroc n’a jamais été une grande nation ou une nation de référence dans le sport de haut niveau. Il convient de rappeler que depuis le début de la participation du Maroc aux Jeux Olympiques en 1960 jusqu’à nos jours, le Maroc a gagné en tout 24 médailles olympiques, dans 2 disciplines sportives : athlétisme (20 médailles, dont 7 en or, 5 en argent et 8 en bronze), et la boxe (4 médailles de bronze).

L’équipe de Football a participé à 5 Coupes du Monde et n’a jamais dépassé les 8èmes de finale. Il faut préciser que nous n’avons jamais eu un système élaboré, construit et réfléchi pour produire des champions au niveau mondial et olympique de façon continue. Les médailles ont toujours été le fruit du talent du sportif avec la complicité de quelques personnes pour le révéler.

D’ailleurs, quand ces talents arrêtent leurs carrières et qu’il n’y a pas d’autres talents pour reprendre le flambeau, c’est le désert. Ce constat n’est pas une critique négative, c’est juste un rappel de la réalité pour ceux qui veulent se gargariser d’un passé sportif glorieux imaginaire et fantasmatique. Certes, il y a eu des talents marocains mais jamais de politique nationale pour le sport de haut niveau. Concrètement, le niveau du sport d’élite marocain est très bon, voire excellent dans certains sports au niveau africain. Il est moyen au niveau international.

Au niveau mondial et olympique, il nous faut encore plus de travail avec sérieux, rigueur et honnêteté. En revanche, le Maroc est un pays où chaque citoyen a accès à la pratique sportive. Parallèlement, il faut un Plan Marshal pour le sport de haut niveau. Mais l’approche, pour développer le sport de masse et le sport d’élite, est complètement différente. Par moment, elle peut être complémentaire, mais le niveau de compétence des encadrants et les méthodes sont différents.


- Êtes-vous tombé dans le piège des fausses données de certaines fédérations sur les préparatifs ?

- Oui, c’est vrai que certaines fédérations n’ont pas joué le jeu de la transparence. Mais le CNOM fait un accompagnement de proximité et un suivi rigoureux pour avoir des données réalistes. Nous connaissons le niveau sportif de chacun et de chaque sport. Notre rôle au CNOM est d’assurer à notre délégation et à nos sportifs tous les moyens pour participer dans les meilleures conditions.
 
Recueillis par Safaa KSAANI

JO de Tokyo


Les fédérations sportives ne l’échapperont pas belle
 
Le constat est là. Depuis les Jeux Olympiques de Pékin 2008, la performance des Marocains est en plein déclin. Certes, le contexte de cette année est particulier, Coronavirus oblige, mais le virus est une réalité qui s’impose à tout le monde. Preuve en est : les Etats-Unis (39 or, 41 argent, 33 bronze) ont réussi à coiffer sur le poteau la Chine (38 or, 32 argent, 18 bronze), qui a été décimée par le Coronavirus.

Du côté marocain, les JO de Tokyo ont été marqués par la sortie prématurée de plusieurs sportifs. Des résultats qui ne laissent pas indifférent le CNOM, qui est le seul interlocuteur du Comité International Olympique (CIO) et des organisations continentales et régionales, et qui assure toute la logistique pour la participation du Maroc aux différents Jeux organisés sous l’égide du CIO.

Ainsi, un bilan précis et une évaluation pour chaque sportif, chaque sport et chaque fédération seront dressés par le Comité National Olympique Marocain (CNOM), rassure Hassan Fekkak. « Il ne s’agit pas de jeter la responsabilité sur une partie ou sur une autre. L’objectif est de tirer des enseignements et des leçons pour mieux construire l’avenir.

Soyons honnêtes, les éléments de notre écosystème du sport de haut niveau sont tous défaillants et chacun a sa part de responsabilité », admet-il. Et d’ajouter que : « Nous devons nous poser les bonnes questions : Que voulons-nous pour le sport d’élite au Maroc ? Quelle politique nationale ? Quelle stratégie ? Quels sont nos objectifs ? Quels moyens ? Quel suivi et quel contrôle ? Nous devons innover et trouver des solutions adaptées à notre culture et à notre pays. Arrêtons de nous comparer aux autres pays et de vouloir copier sur eux. Nous pouvons nous inspirer des bonnes pratiques des autres pays, mais nous devons trouver notre propre chemin ».
S. K.








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