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Interview avec Mohamed Zeghou : «Mon film est un hommage à la mémoire Amazighe»


Rédigé par Mina Elkhodari Jeudi 18 Août 2022

Mohamed Zeghou vient d’annoncer la fin de tournage de son film « Dakirat Al Jassad ». Celui-ci creuse l’identité de Loucham (tatouage) à travers l’histoire de six femmes amazighes ayant la mémoire dans la peau. Interview.



Mohamed Zeghou, réalisateur.
Mohamed Zeghou, réalisateur.
- Comment avez-vous eu l’idée de réaliser « Dakirat Al Jassad » ?

- L’idée m’est venue d’une expérience proche. Une soeur à moi, qui était tatouée, a travaillé dur pour enlever les desseins sur corps après avoir pris conscience que l’islam les interdit. Plus que ça, cette coutume qui a résisté des siècles est, aujourd’hui, en cours de disparition en même temps que la génération de nos grands-mères. Par la force des choses, elle est devenue une pratique du passé. Dans ce sens, je souligne que le seul coin du monde où on pourrait trouver des visages de grand-mères tatoués est l’Afrique du Nord, particulièrement chez les Amazighs. « Dakirat Al Jassad » veut rendre hommage à la culture marocaine et amazighe.


- Le titre de votre documentaire « Dakirat Al Jassad » laisse entendre que le corps humain a aussi une mémoire propre. Quel message souhaitez-vous passer à travers ce documentaire ?

- Le titre n’est pas un fait du hasard. A mon sens, les desseins sur le corps portent la mémoire de ces femmes-là. L’idée est de montrer que chaque signe sur le visage a un sens ; parfois de joie et parfois de colère. Si les tatouages constituent, pour ces femmes, un simple trait de mémoire, pour nous, ce sont une partie de notre Histoire. Dakirat Al Jassad témoigne, ainsi, de la résistance de cet héritage culturel malgré les aléas du temps. Ce qui est important dans les histoires racontées dans ce film, c’est l’insistance de la femme sur ces choix, qu’elle assume malgré les critiques de tous les jours.


- Quelles sont les difficultés rencontrées lors de la réalisation de ce documentaire ?

- Le défi pour nous était de taille, celui d’aller chercher les femmes tatouées dans plusieurs régions du Maroc en faisant un tour dans les tribus des Ait Serghochen dans la province de Taza, en passant par Khémisset, Tiflet, Khénifra, Al Hoceima, Tinghir, Château Mgouna, puis Taroudant. Après avoir convaincu ces femmes de témoigner sur le sujet, il fallait les adapter à la caméra et au tournage pour faire ressortir toutes les infos dont on avait besoin pour réaliser le documentaire.


- D’après votre voyage dans le royaume pour découvrir des femmes tatouées, quel est, selon vous, le point commun entre tous ces tatouages ?

- Les femmes que nous avons rencontrées ont presque la même histoire et la même culture de Loucham. De plus, elles partagent la même perception sur les tatouages : pour eux, c’est un signe de beauté qui les distingue d’autres femmes. Au-delà de l’aspect esthétique de la chose, nous avons compris que le tatouage est une manière d’exprimer leurs sentiments. Lors de la réalisation de ce film documentaire, j’étais impressionné par la manière dont ces femmes privilégient de mettre des signes simples sur différentes parties de leurs corps.


- Dans quelle mesure peut-on dire que le tatouage fait l’identité de la femme marocaine ?

- Loucham est une particularité chez la femme amazighe et une coutume propre à ses origines. Il y a quelques années, il était signe de maturité qui désigne la femme prête à se marier et à supporter les fardeaux de la vie conjugale. Avoir un tatouage sur le visage était même une condition de mariage d’auparavant et permettait à la femme se distinguer de ses pairs. Il servait également à faire la différence entre les femmes adultes et les jeunes. Au-delà de sa perception comme un signe de beauté, Loucham dans la culture marocaine est un moyen d’expression et un signe de liberté.


- Quelle est, selon vous, la particularité de « Dakirat Al Jassad » par rapport aux autres films documentaires que vous avez réalisés ?

- Dakirat Al Jassad est une réalisation particulière dans la scène artistique marocaine car il nous a pris beaucoup de temps et d’énormes efforts. Pour nous, le challenge à relever était de produire un film sur la culture marocaine, en général, et amazighe, en particulier, de sorte à promouvoir ce patrimoine immatériel de notre pays.


- Est-il facile de se lancer dans la réalisation d’un film documentaire ?

- Réaliser un film documentaire n’est pas du tout facile qu’on le pense. A partir de notre expérience, nous avons compris que le film documentaire est une responsabilité à part entière dans la mesure où il faut raconter les faits objectivement et donner les bonnes et vraies informations récoltées auprès des témoins.

Pour ce faire et dans notre cas, il était important de créer un rapport de confiance avec ces femmes, pour avoir les éléments importants de leurs histoires. La question du temps est à ne pas nier aussi. Réaliser un film dans les conditions que nous avons vécues avec la pandémie n’était pas facile pour toute l’équipe. Nous avons commencé la réalisation avant l’arrivée du Covid-19 et nous voilà, notre travail vient de s’achever pour avoir le premier film documentaire sur le tatouage amazigh.




Recueillis par Mina ELKHODARI

FIDADOC


Le premier festival international du film documentaire au Maroc
 
Alors que le film documentaire était pratiquement absent du paysage audiovisuel marocain il y a quelques décennies, à l’exception de quelques initiatives personnelles, la production des films documentaires a commencé à exploser, selon les spécialistes, avec le Printemps arabe et la deuxième phase de libération en Afrique depuis les indépendances.

Dans ce cadre et à fin de promouvoir la création de films documentaires, le Maroc a opté pour l’organisation de son premier festival exclusivement dédié au cinéma documentaire : FIDADOC. Fondé en 2008 par la productrice Nouzha Drissi et organisé dans sa 13ème édition par l’Association de Culture et d’Education à l’Audiovisuel (ACEA) dans le but de promouvoir le cinéma documentaire auprès du public et des professionnels marocains, FIDADOC comporte une programmation diversifiée pour le public.

Il s’agit notamment de compétition internationale (longs-métrages du monde entier), des séances thématiques à destination des publics scolaire, étudiant et associatif (problématiques sociales, environnementales, culturelles, économiques...) ainsi que des projections en plein air dans les quartiers d’Agadir.

Dans l’édition qui a eu lieu en juin dernier à Agadir, le festival a offert à ses spectateurs une ouverture sur le monde, à travers une trentaine de films venus des cinq continents illustrant la diversité du cinéma documentaire contemporain. Il a connu, ainsi, la participation de plusieurs films documentaires internationaux et d’autres marocains dont L’bnat de Karim Hapette et The Postcard d’Asmae El Moudir.


M. E.

 








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