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Actu Maroc

[ Interview avec Rachid Yazami ] « Nous avons besoin d'une révolution au Maroc pour attirer les investisseurs »


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 28 Juin 2021

Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a accordé une place importante aux énergies renouvelables. Rachid Yazami, physico-chimiste marocain et inventeur de l’anode graphite pour les batteries lithium-ion, nous livre sa lecture en la matière.



- Dès le début des années 2000, le Royaume a connu le lancement de plusieurs programmes ayant trait à la préservation de la biodiversité, des ressources hydriques et à la lutte contre la pollution et le changement climatique. Quel bilan en faites-vous ?

- Le Maroc est dépourvu de ressources en hydrocarbures (pétrole et gaz). Pratiquement, toute l’électricité produite au Maroc dans les stations de production d’électricité vient essentiellement du charbon. Ce qui fait que le coût de l’énergie électrique est relativement élevé pour un pays comme le Maroc. Ce qui handicape l’économie nationale.

Si l’énergie est trop chère, on est moins compétitif. Effectivement, grâce à l’impulsion de Sa Majesté de s’intéresser aux énergies renouvelables, le solaire, l’éolien puis l’hydroélectricité dans les barrages hydrauliques, le groupe MASEN a été créé pour piloter les énergies renouvelables et fournir une électricité durable et propre pour les usagers aussi bien pour les résidences que pour les industries. Le projet prévoit que, d’ici 2030, le Maroc devrait atteindre les 52% du mix énergétique. Si cela se concrétise, ce serait une prouesse technologique, industrielle en plaçant le Maroc parmi le top des pays dans le monde.


- Vous avez tout à l’heure évoqué un point très important, à savoir la compétitivité. Dans ce cadre, le NMD parle d’un choix stratégique qui consiste à “réaliser un choc de compétitivité qui est indispensable pour créer les conditions de la transformation productive et concrétiser la vocation du Maroc en tant que hub régional attractif pour les investissements”. Quel commentaire en faites-vous?

- Les investisseurs sont généralement attirés par ce qu’on appelle le retour sur investissement (différence entre les gains et les dépenses, ndlr). Si on dépense moins d’argent dans la partie énergie, on aura plus de bénéfices. On devient alors plus compétitif, parce que la contribution de l’énergie dans la production d’un certain nombre de produits industriels : acide phosphorique, ciment, centres d’appels…demande beaucoup d’énergie électrique. Si l’investisseur paye moins cher le kilowatt/heure, il en tire bénéfice indéniablement. Cela peut se répercuter sur le pouvoir d’achat du consommateur.


- La Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) parle également de la nécessité de mettre en place une réforme profonde du secteur énergétique pour profiter des révolutions technologiques et développer un marché ouvert à l’investissement national et étranger.Comment, selon vous ?

- Je pense que nous avons besoin d’une révolution au lieu d’une réforme. Les mentalités au Maroc doivent s’adapter à un monde qui se transforme très vite. C’est vrai qu’il y a des sociétés au top niveau, qui, toutefois, doivent être soutenues le mieux possible par les organismes publics marocains. Ainsi, on envoie un signal très positif aux investisseurs.

Plus le risque qu’ils prennent est faible, plus on a envie d’investir. Il faut une révolution dans le sens où la technologie avance à la vitesse grand V et il faudrait que la révolution technologique au Maroc adopte la même vitesse grand V. Il faudrait également avoir une sorte d’Observatoire national dans les domaines qui intéressent l’économie nationale, comme l’eau, l’électricité, le transport… Il faut être très innovant et savoir quelles sont les innovations qui existent pour pouvoir les intégrer au Maroc, sinon, on n’arrivera jamais à rattraper la caravane qui va plus vite que nous.


- Pour réussir cette “révolution”, la Commission considère essentiel de mobiliser les Marocains du Monde (MDM) pour le développement des activités de recherche scientifique, de R&D et d’innovation, pour atteindre cette réforme. En tant que Marocain du Monde, comment comptez-vous vous mobiliser pour le développement des activités de recherche scientifique au Royaume ?

- Au cours de cette semaine, on a des réunions pour concrétiser le projet de création du centre d’excellence de recherche sur les batteries à l’Université Privée de Fès (UPF) que j’ai initié il y a à peu près deux ans. On devait avancer en 2020, mais le contexte sanitaire ne l’a pas permis. On va réactiver ce projet, en incitant les pouvoirs publics et les investisseurs privés au Maroc et à l’étranger à soutenir notre projet. J’espère que d’ici la fin de l’année en cours, on aura déjà un centre bien équipé avec des équipes de recherche, des professeurs, des techniciens mais aussi des étudiants ingénieurs et doctorants. Je suis optimiste quant à la concrétisation de ce projet.
 
Recueillis par Safaa KSAANI

Repères

Un chercheur énergique

Né en 1953, le scientifique Rachid Yazami occupe actuellement le poste de professeur en Énergétique à Nanyang Technological University à Singapour. Il a fait ses premières études aux lycées Moulay Rachid et Moulay Driss à Fès, sa ville natale, avant d’être admis à l’Institut Polytechnique de Grenoble (INP) en France où il a occupé le poste de directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).
Il est le premier scientifique à découvrir en 1980 l’anode graphite pour les batteries rechargeables au lithium, utilisées actuellement dans des téléphones mobiles et des voitures. Ce chercheur, qui a animé plusieurs conférences dans plusieurs universités internationales, compte à son actif plusieurs brevets d’invention et des centaines de publications scientifiques. Titulaire de plusieurs Prix et distinctions, il a été décoré par Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Wissam Al Kafaa Al Fikria en 2014.
UPF : un centre d’excellence pour les batteries, bientôt en place

Un projet de création d’un centre d’excellence pour les batteries à l’Université Privée de Fès (UPF) est en cours de réalisation et devrait être inauguré d’ici la fin de l’année en cours. A ce projet prometteur, les moyens financiers alloués déterminent la capacité d’accueil. “J’essaye de fédérer des organismes privés et publics pour nous soutenir dans ce projet, qui va d’abord permettre au Maroc d’être reconnu mondialement dans le domaine de l’énergie propre, en particulier celui des batteries. L’autre objectif est de faire en sorte que la ville de Fès, qui a perdu de son aura scientifique, retrouve son prestige dans le domaine des sciences”, nous explique le Professeur, natif de Fès, Rachid Yazami.








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