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Interview avec Saïd Moutaouakil : « Le Molnupiravir est efficace à 30% face à Omicron »


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 25 Janvier 2022

Membre du Comité scientifique et technique, Saïd Moutaouakil répond à nos questions sur les grands sujets relatifs à la pandémie, qui accaparent l’attention publique. “Molnupiravir”, troisième vague d’Omicron, possibilité de l’ouverture des frontières, campagne de vaccination…, M. Moutaouakil se livre en toute clarté. Interview.



Ph. El Mehdi
Ph. El Mehdi
- La fermeture des frontières continue d’animer le débat public actuellement. Après l’entrée d’Omicron au Maroc, cette mesure est-elle encore justifiée ?

- Je rappelle, tout d’abord, que la décision qui a été prise le 28 novembre a pris en considération les capacités du système de santé qui demeurent limitées. Maintenant que le nouveau variant est prédominant dans le pays, on estime que la troisième vague devrait s’essouffler vers le mois de février prochain. Je tiens à préciser que la décision de la réouverture des frontières appartient aux autorités compétentes et ce n’est nullement du ressort du Comité scientifique. Vu l’impact de l’état actuel des choses sur plusieurs secteurs économiques, j’ai l’intime conviction que les autorités vont prendre la bonne décision, dès qu’elles auront une vision claire.


- Quels sont les éventuels risques que présente sur le plan épidémiologique l’arrivée d’un voyageur de l’étranger au Maroc?

- Le risque ne se pose plus puisque le variant Omicron est d’ores et déjà entré. Il est évident qu’on est capable de contrôler les flux en durcissant les mesures de contrôle aux frontières, à savoir la catégorisation des pays d’origine par listes en fonction de leur situation, l’obligation du pass vaccinal et le test de dépistage.


- Le Molnupiravir a été inclus dans le protocole thérapeutique du Covid- 19, comment sera-t-il prescrit aux patients ?

- Après l’actualisation du protocole, on y a ajouté le Molnupiravir tout en conservant hydroxychloroquine-Azithromycine. Le nouveau médicament sera prescrit dans des conditions particulières. Il sera exclusivement prescrit aux personnes adultes de plus de 18 ans, à l’exception des femmes enceintes et allaitantes. La priorité est accordée aux personnes à risques, c’est-à-dire celles qui ont plus de 65 ans et celles qui ont des comorbidités telles que les maladies chroniques. J’en cite les troubles cardiaques, l’hypertension, le diabète, les pathologies pulmonaires et les cas de cancer qui suivent un traitement de chimiothérapie. Je rappelle que le Molnupiravir doit être pris pendant les cinq premiers jours suivant l’apparition des premiers symptômes.


- Au-delà de cinq jours après l’apparition des premiers symptômes, le médicament devient-il inutile ?

- Les essais cliniques ont montré qu’au-delà des cinq premiers jours de la constatation des premiers symptômes, l’efficacité du Molnupiravir n’est plus garantie. D’où la nécessité qu’il soit pris au tout début de la maladie par les gens qui ont des symptômes bénins. Par contre, les cas de formes graves doivent être hospitalisés et pris en charge en soins intensifs.


- A quel point ce nouveau traitement est-il efficace ? 

- Son efficacité varie de 30 à 50% et dans le cas du variant Omicron, il demeure efficace à hauteur de 30%. Ce médicament ne va certainement pas annuler ni le rôle de l’Azithromycine, ni la nécessité de la vaccination. Je rappelle qu’il doit être pris sous ordonnance du médecin. Le bénéfice de la pilule de Merck consiste à réduire l’intensité et l’acuité des symptômes chez les personnes à risques.


- Existe-t-il des effets secondaires du Molnupiravir ?

- Effectivement, comme c’est le cas des autres médicaments. Parmi les effets secondaires les plus courants, on trouve les maux de tête, les éruptions cutanées, les vertiges et des troubles digestifs dans certains cas. Ceci étant, les patients seront soumis à suivi médical et pourront signaler tout effet indésirable auprès des services de pharmacovigilance.


- Pourquoi le choix du Molnupiravir sachant que d’autres médicaments ont été développés dernièrement ?

- Si le Maroc a fait le choix du Molnupiravir parmi tous les traitements anti Covid-19 qui existent actuellement, c’est parce qu’il est le seul à avoir achevé toutes les phases d’expérimentation jusqu’à présent. Ceci ne signifie nullement que les autres traitements ne sont pas viables. D’ailleurs, je tiens à préciser qu’on pourrait intégrer d’autres médicaments s’ils achèvent les essais cliniques avec des résultats probants. Encore faut-il prendre en compte d’autres paramètres tels que le prix, le budget de l’Etat et l’efficacité.


- La Haute Autorité de Santé en France a rejeté le Molnupiravir sous prétexte de son inefficacité, un commentaire ?

- Il est certain que le Molnupiravir ne fait pas l’unanimité chez les agences régulatrices internationales pour autant qu’il n’est efficace qu’à hauteur de 30% face au variant Omicron. Ce taux est parfois jugé très faible. En tout cas, ceci fait l’objet d’un débat permanent au sein de la communauté scientifique, un débat que, personnellement, je juge sain et salutaire. En définitive, il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un “traitement miracle”. Toutefois, pour peu qu’il soit efficace à 30%, il demeure utile dans la lutte contre la pandémie.
 
« Le Molnupiravir, pour peu qu’il soit efficace à 30%, demeure utile dans la lutte contre la pandémie ».
 
- Le Molnupiravir provoque des troubles au niveau des cartilages chez les enfants, ce serait pour cette raison qu’il est déconseillé pour cette catégorie de la population ?

- En effet, ce médicament a été interdit depuis le début aux enfants, il est préférable également que les couples, dont un membre a pris le traitement, s’abstiennent de concevoir un nouveau- né, pendant trois mois. Ceci dit, la femme ne doit pas tomber enceinte pendant cette période.


- Comment le Molnupiravir a-t-il obtenu une autorisation de mise en marché au Maroc ?

- La procédure d’autorisation d’un médicament est claire et fixée par les normes réglementaires. Il incombe à la Direction du Médicament et de la Pharmacie du ministère de la Santé de valider le traitement sur la base d’un dossier technique contenant toutes les informations sur les résultats des essais cliniques et les effets secondaires. Aussi, un dossier scientifique est-il présenté et contient des renseignements sur la méthodologie de recherche. La Direction ministérielle donne son assentiment sur la base d’un avis favorable du Comité scientifique et technique qui approuve le médicament en fonction d’un rapport bénéfice/risque.


- Concernant la situation épidémiologique, avons-nous dépassé le pic de la troisième vague et quelles sont vos projections pour la période à venir ?

- En analysant la situation épidémiologique actuelle, on s’aperçoit que le taux de positivité des tests baisse légèrement de 25% à 24%. Nous faisons en moyenne près de 33.000 tests par jour, conformément aux critères de l’OMS qui exige 500 tests par 100.000 habitants. Je puis dire que nous avons atteint le pic de la troisième vague comme prévu, je partage l’avis des experts qui disent que nous allons vers un scénario semblable à celui des pays qui nous ont précédés tels que l’Afrique du Sud. Donc, la courbe devrait descendre, petit à petit, avec des décalages entre les régions.

Dans les régions à forte concentration du virus telles que Casablanca-Settat et Rabat-Kénitra, le pic est d’ores et déjà atteint, tandis que d’autres régions comme Fès-Meknès et l’Oriental ne l’ont pas encore vécu. La mortalité a légèrement augmenté du fait de la hausse des cas positifs. Globalement, si on compare les trois vagues que nous avons connues depuis le début de la pandémie, on comprend que les contaminations augmentent d’une vague à l’autre, mais les admissions en réanimation et les cas de décès sont de moins en moins élevés.


- Vu l’apparition systématique des variants, le Covid-19 pourrait-il devenir une simple grippe saisonnière ?

- Cette idée ne cesse de faire son chemin dans la communauté scientifique au point de devenir une quasi- certitude. Tous les experts font des projections dans ce sens. Comme le Covid-19 a subi plusieurs mutations, il y en aura d’autres souches plus transmissibles mais moins virulentes, sachant que plusieurs scientifiques ont la conviction qu’Omicron est le dernier “grand variant” du Covid-19.

En général, on estime que les virus à ARNm finissent par perdre de leur férocité à mesure qu’ils mutent. Compte tenu de tous ces éléments, il est fort possible que la pandémie se convertisse en grippe saisonnière. Mais il est encore tôt pour en faire un axiome.

Force est de constater que la moyenne quotidienne de décès pendant la vague Omicron est inférieure à celle qu’on a observée durant la vague Delta. Bien que plus contagieux, Omicron est moins létal que son prédécesseur. Toutefois, ceci ne signifie guère que les personnes non-vaccinées et celles qui ont des facteurs de risques en sont épargnées, puisque le nouveau variant est toujours capable de pénétrer au fond du poumon et déclencher une charge virale importante. Force est de constater que la plupart des cas admis en réanimation sont dus à Omicron.





Recueillis par Anass MACHLOUKH



Campagne de vaccination : les raisons d’une stagnation
 
Depuis le 26 octobre 2021, le Maroc n’a pas pu dépasser le cap des 24 millions de personnes ayant au moins pris une dose. Idem pour les troisièmes doses, dont 4,1 millions ont été administrées jusqu’à aujourd’hui. Ce ralentissement s’explique, aux yeux de Saïd Moutaouakil, par la lassitude d’une partie des citoyens qui mettent en doute l’efficacité des vaccins, surtout que beaucoup de gens ont mal accepté la dose de rappel. Notre interlocuteur tient à préciser que la vaccination ne fait que diminuer le risque de développer des formes graves d’hospitalisation et celui de transmission sans l’arrêter complètement.

Étant donné que l’immunité baisse au bout de six mois, ils sont nombreux à se demander si une quatrième dose serait nécessaire dans les mois à venir. Une idée qui ne manque pas d’indisposer les gens. Interrogé sur ce point, Saïd Moutaouakil estime qu’aucune donnée scientifique ne permet d’augurer une telle possibilité, soulignant que les pays qui l’ont adoptée ont dû rétrograder.
 








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