Lorsqu’on se ballade -non, quand on marche- dans Casablanca, nous sommes éblouis par son passé qui ne dessine pas son futur vu son désolant présent. Et puis, nous nous arrêtons de marcher. Pas pour nous immobiliser, plutôt pour héler un chauffeur de taxi qui n’est que rarement disponible mais cognant à poings déployés les conducteurs dits d’applications. On finit par tomber sur l’âme charitable prête à nous transférer à notre demeure. Nous y sommes, comme cloîtrés, oubliant que le dehors est un espace commun, une source de plusieurs inspirations, bonnes ou déplorables. La vie, en fait. Ainsi vivons-nous à Casablanca, entre de méchants chauffeurs de taxi et un passé idolâtré par son présent, exécré par son improbable futur. Casablanca, ce formidable laboratoire architectural, est en continue décrépitude « en attendant des lendemains meilleurs ». Pour nos enfants, nos petits enfants ? Après plus de cinquante années de mort cérébrale, les autorités (c’est leur qualificatif) se réveillent en force, faisant échos à « de hautes instructions », ce coup de massue qui ne peut être déjoué. La métropole est depuis longtemps en chantier, pour de longues et pesantes années encore. L’échéance de 2030 peut-elle accélérer le processus d’innovation et de réhabilitation, voire de destruction massive de tout ce qui menace ruine ? Oui, mais. La mégalopole qu’est cette ville, nît d’artistes, est sujette à des approches de références que l’histoire rejette. Sa façade est mieux lotie que ses historiques intérieurs. Quand un passage écrase le contenant-contenu, on n’est plus que dans le maquillage surmonté de farfelues suggestions. Casablanca dont la fréquentation quotidienne s’inscrit dans l’axe Kénitra-Settat a besoin de plus d’attention, dans divers domaines, dans l’absolu. Et, visuellement, pendant que Rabat s’embellit, Casablanca s’amoche. Cette incroyable dissymétrie est également sonore. Le chauffeur de taxi n’y est certes pas pour beaucoup, mais y participe largement. Vous et moi certainement aussi, en avalant notre langue.