C’est là toute la symbolique de l’écriture. Grâce à la littérature, le regard profond et attentif de l’auteur parvient à éveiller l’âme du lecteur qui cherche aussi un moyen pour survivre. De ce fait, l’écriture détruit et sauve en même temps des vies. Ceux qui ont lu les souffrances d’un jeune Werther se sont suicidés parce qu’ils n’ont pas pu résister au pouvoir destructeur de la souffrance littéraire, alors que ceux qui ont accompagné Robinson Crusoé dans ses aventures, connaissaient déjà que la vie est une grande aventure et ont survécu parce qu’ils ont cru au pouvoir de l’espoir littéraire. Lire par exemple Hermann Hesse changera sans aucun doute notre conception du monde et de l’homme. Loin de son rôle de divertissement, la littérature construit l’homme par son aspect éducatif et émotionnel. Elle nous apprend à vivre, à nous adapter à la machine infernale de ce monde en vitesse, à penser au fond du chaos, à vivre malgré le désarroi et le désordre. Elle a le pouvoir de libérer l’individu de sa soumission aux forces extérieures. La littérature est le refuge des solitaires, des blessés, des pessimistes, des révolutionnaires, des rêveurs…etc.
Un lieu des identités réinventées
La littérature marocaine par exemple est un tissu de souffrances, de rêves, de peurs, de joies incomplètes et de désirs inachevés.
Chez les maghrébins, l’écriture est l’espace où l’écrivain se constitue comme matière de réflexion. Il y a dans leurs textes le désir de repenser la notion de l’individu à travers la dualité de l’identité et de l’altérité. Driss Chraïbi repense les valeurs collectives, Abdelkébir Khatibi se réjouit de son rapport à la fois amoureux et libérateur avec la littérature, Abdelwahad Meddeb puise son inspiration dans l’héritage des anciens cherchant tout ce qui est «autre» et «différent». Face à l’oubli et à la mort, l’écriture devient le refuge des mémoires tatouées et le lieu des identités réinventées. Mohammed Khair-Eddine attache beaucoup d’importance à cette question identitaire qui se manifeste dans ses écrits à travers les symboles de la famille, la religion, la généalogie, l’Etat, la tribu…etc. D’autres écrivains comme Kateb Yacine et Malek Haddad participent à ce débat en remettant en cause leur langue d’écriture. Ecrire dans une langue c’est garantir une certaine identité, véhiculer un héritage culturel et donner à l’écriture une nouvelle dimension à la fois esthétique et idéologique. De l’amour bilingue à l’étrangeté du « je », l’écriture ravive les souvenirs du passé simple et donne à la mémoire le pouvoir de la jouissance et de la séduction. Tous ces exemples empruntés à la littérature maghrébine nous montrent à quel point l’écriture est au centre des préoccupations de l’homme.
Fasciné par l’Histoire, Rachid Boudjedra déclare que l’écriture est sa seule passion, Mahi Binebine qui vient de remporter le Prix Méditerranée de littérature 2020, la considère comme une affaire intérieure, une sorte d’évasion. A travers une écriture humaniste, Kebir Mustapha Ammi s’interroge sur le mensonge, l’imposture et la cruauté. Il renverse les rôles pour faire parler des personnages rejetés par leurs communautés. Tous ces écrivains ont fait le pari d’interroger leurs identités à travers une écriture qui met «l’Autre» au centre de ses finalités. L’expérience poétique a montré aussi que rien ne peut remplacer le rôle de l’écriture. Laâbi par exemple fait de ses poèmes un vœu de libération de soi en vue d’une quête de l’altérité. Selon Khalid Hadji, Laâbi parvient à développer une écriture où l’évanescence du pays réel ou nostalgique finit par l’adaptation (et l’adoption) de l’être à la condition poétique qui est inexpugnable.
Ecrire pour changer, pour déranger
De ce fait, l’écrivain marocain croit au pouvoir de l’écriture même dans une société qui souffre d’une crise de culture et d’un taux de lecture très faible. Faut-il soulever ici le problème de la situation des écrivains marocains ? Sans nul doute, tout écrivain marocain a lu d’autres écrivains nationaux ou étrangers et a cherché une ascendance spirituelle pour continuer à écrire malgré sa condition désenchantée. La plupart des lecteurs marocains avertis et non avertis s’intéressent aux littératures étrangères au lieu de promouvoir la littérature nationale pour diverses raisons : dominance des œuvres étrangères programmées aux écoles et à l’université, une quasi-absence de la critique universitaire, en sont les principales. Tout cela n’empêche pas les écrivains marocains de continuer à écrire et à produire des nouvelles œuvres chaque année, parce que l’écriture pour eux est devenue un mode de vie.
L’écriture pour quoi faire ? Pour changer, pour déranger, pour créer un monde possible où le bonheur et la jouissance n’ont aucune limite. On écrit par besoin et par nécessité pour nous débarrasser du bruit de nos cris et faire parler l’enfant qui nous habite. L’écriture nous dévoile la face cachée de l’homme, son aspect intime et solitaire, ses hallucinations et obsessions, sa peur ininterrompue de l’avenir.
Un lieu des identités réinventées
La littérature marocaine par exemple est un tissu de souffrances, de rêves, de peurs, de joies incomplètes et de désirs inachevés.
Chez les maghrébins, l’écriture est l’espace où l’écrivain se constitue comme matière de réflexion. Il y a dans leurs textes le désir de repenser la notion de l’individu à travers la dualité de l’identité et de l’altérité. Driss Chraïbi repense les valeurs collectives, Abdelkébir Khatibi se réjouit de son rapport à la fois amoureux et libérateur avec la littérature, Abdelwahad Meddeb puise son inspiration dans l’héritage des anciens cherchant tout ce qui est «autre» et «différent». Face à l’oubli et à la mort, l’écriture devient le refuge des mémoires tatouées et le lieu des identités réinventées. Mohammed Khair-Eddine attache beaucoup d’importance à cette question identitaire qui se manifeste dans ses écrits à travers les symboles de la famille, la religion, la généalogie, l’Etat, la tribu…etc. D’autres écrivains comme Kateb Yacine et Malek Haddad participent à ce débat en remettant en cause leur langue d’écriture. Ecrire dans une langue c’est garantir une certaine identité, véhiculer un héritage culturel et donner à l’écriture une nouvelle dimension à la fois esthétique et idéologique. De l’amour bilingue à l’étrangeté du « je », l’écriture ravive les souvenirs du passé simple et donne à la mémoire le pouvoir de la jouissance et de la séduction. Tous ces exemples empruntés à la littérature maghrébine nous montrent à quel point l’écriture est au centre des préoccupations de l’homme.
Fasciné par l’Histoire, Rachid Boudjedra déclare que l’écriture est sa seule passion, Mahi Binebine qui vient de remporter le Prix Méditerranée de littérature 2020, la considère comme une affaire intérieure, une sorte d’évasion. A travers une écriture humaniste, Kebir Mustapha Ammi s’interroge sur le mensonge, l’imposture et la cruauté. Il renverse les rôles pour faire parler des personnages rejetés par leurs communautés. Tous ces écrivains ont fait le pari d’interroger leurs identités à travers une écriture qui met «l’Autre» au centre de ses finalités. L’expérience poétique a montré aussi que rien ne peut remplacer le rôle de l’écriture. Laâbi par exemple fait de ses poèmes un vœu de libération de soi en vue d’une quête de l’altérité. Selon Khalid Hadji, Laâbi parvient à développer une écriture où l’évanescence du pays réel ou nostalgique finit par l’adaptation (et l’adoption) de l’être à la condition poétique qui est inexpugnable.
Ecrire pour changer, pour déranger
De ce fait, l’écrivain marocain croit au pouvoir de l’écriture même dans une société qui souffre d’une crise de culture et d’un taux de lecture très faible. Faut-il soulever ici le problème de la situation des écrivains marocains ? Sans nul doute, tout écrivain marocain a lu d’autres écrivains nationaux ou étrangers et a cherché une ascendance spirituelle pour continuer à écrire malgré sa condition désenchantée. La plupart des lecteurs marocains avertis et non avertis s’intéressent aux littératures étrangères au lieu de promouvoir la littérature nationale pour diverses raisons : dominance des œuvres étrangères programmées aux écoles et à l’université, une quasi-absence de la critique universitaire, en sont les principales. Tout cela n’empêche pas les écrivains marocains de continuer à écrire et à produire des nouvelles œuvres chaque année, parce que l’écriture pour eux est devenue un mode de vie.
L’écriture pour quoi faire ? Pour changer, pour déranger, pour créer un monde possible où le bonheur et la jouissance n’ont aucune limite. On écrit par besoin et par nécessité pour nous débarrasser du bruit de nos cris et faire parler l’enfant qui nous habite. L’écriture nous dévoile la face cachée de l’homme, son aspect intime et solitaire, ses hallucinations et obsessions, sa peur ininterrompue de l’avenir.
Outhman BOUTISANE