Pour rendre hommage au personnel médical durant l’épidémie de Coronavirus survenue en 2020, le street-artiste britannique Bansky a peint un tableau qu’il a intitulé « Game Changer », plusieurs héros y figurent: Batman, Spider-Man et une infirmière. A chercher le point commun faisant de ces figures un système cohérent, nous trouvons leurs actes héroïques, l’infirmière s’est ajoutée à cette liste d’héros suite à ses efforts très louables fournis tout au long de cette épreuve universelle. Un second point assure la cohérence de l’univers créé dans ce tableau, il s’agit du masque dont sont affublés les trois héros déjà cités. Il semble que pour effectuer leur tâche consistant à sauver l’humanité, ces figures héroïques se trouvent dans le besoin de se protéger à l’aide d’un masque. D’ailleurs, « Bansky » n’est qu’un pseudonyme, la vraie identité de cet artiste demeure inconnue depuis ses débuts en 1990.
Engagé dans la défense des causes humaines à travers ses tableaux, il apparaît toujours masqué durant ses passages dans les médias. Précisons d’emblée que le masque reste l’objet le plus représentatif de la crise de Coronavirus. Par l’introduction de l’objet-masque dans cette oeuvre picturale, Bansky manifeste son souci d’impliquer son acte créatif dans le traumatisme mondial dont le Covid-19 est un catalyseur.
Le même souci de réalisme et d’effet d’actualité incite des auteurs d’oeuvres littéraires à introduire des objets dans l’univers fictionnel qu’ils créent, tels que le miroir et le masque. La nouvelle intitulée Le Masque (1889) de Guy de Maupassant réussit la mise en scène de double perspective du masque à la fois objet matériel offrant une protection assurée par l’anonymat et métaphore du déguisement. La notion du masque, objet couvrant le visage pour protéger son porteur, nous la trouvons implicitement présente dans la littérature des épidémies. Le discours littéraire rend compte ainsi des efforts de l’humanité qui a dû faire face à des épidémies telles que la peste, la tuberculose, le Choléra et le Coronavirus, et qui s’est trouvée obligée de confectionner des masques afin de limiter la propagation de ces virus mortels.
Le pouvoir de l’anonymat
Guy de Maupassant, dans sa nouvelle Le Masque, restitue l’atmosphère du bal costumé. Parmi les invités, un vieillard déguisant son visage ridé à l’aide d’un masque représentant un jeune homme souriant. En cachant son visage, le vieillard ne court le risque ni d’être reconnu ni de déplaire, ainsi il se protège contre tout regard méprisant. Il est si excité qu’il danse avec effervescence, il n’a pas le souci d’être mal vu, étant donné qu’il est personne, un masque. Le portrait de l’homme masqué est décrit comme suit : « Un joli masque verni sur le visage, un masque à moustache blonde frisée que coiffait une perruque à boucles. Il avait l'air d'une figure de cire du musée Grévin, d'une étrange et fantasque caricature du charmant jeune homme des gravures de mode, et il dansait avec un effort convaincu, mais maladroit, avec un emportement comique ».
D’après ce passage, le danseur masqué réussit à déjouer les lois du temps traçant sur sa chair des signes de vieillesse, à l’aide d’un masque joli, verni et à moustache blonde frisée. Le choix d’un masque ayant ces traits dévoile la volonté de son porteur se voulant paraître jeune et charmant. En choisissant un tel masque, le vieil homme semble chercher une légitimité lui permettant de ne pas avoir honte durant un égarement passager, durant un moment d’excès de plaisir. Il déploie un grand effort pour arriver à imiter et à accompagner le rythme des autres danseurs, jeunes. Mais au lieu de fasciner, il est ridiculisé. Pourtant, ce masqué semble peu conscient de la moquerie dont il fait objet. Une fois masqué, il cède à l’illusion transformatrice de sorte qu’il se voit tel qu’il veut être et non pas tel qu’il est réellement, vieux. L’explication donnée par sa femme éclaire le réel motif de son déguisement : « il faut qu'il se déguise en polisson pour qu'on le croie jeune, c'est le regret qui le conduit là et qui lui fait mettre une figure de carton sur la sienne. ».
Grand séducteur et armé d’un masque de dandy, le vieux danseur se transforme en illusionniste faisant croire en une réalité qui n’a plus lieu : sa jeunesse. Cette illusion est consolatrice dans la mesure où elle le protège contre tout regret introduit par la vieillesse et l’échec de séduire. Sa femme témoigne : « pour qu'on le croie jeune sous son masque, pour que les femmes le prennent encore pour un godelureau ».
Le pouvoir dont le masque dote son porteur consiste à la possibilité de reconstruction de son identité tous les soirs dans des bals masqués. Masqué, il n’adhère plus à son visage du vieux. De l’homme réel condamné à endurer la vieillesse, il se transforme en être fictif, se réjouissant d’une jeunesse qu’il a créée de toutes pièces.
Se masquer pour (se) sauver
La littérature se dresse comme un réservoir qui donne à réfléchir les crises collectives. Bien qu’elle soit de fond fictif, l’oeuvre littéraire constitue un champ de réflexions offrant des explications-réponses. Lourdement éprouvée, l’humanité puise au moment d’épidémie dans les livres pour trouver des réponses qui pourraient l’aider à faire face au traumatisme psychologique introduit par l’angoisse de la mort. Cela justifie le regain de vente que connaît actuellement La Peste de Camus, suite à l’apparition de l’épidémie de Coronavirus en 2020.
Dans toute cette littérature des épidémies, le masque médical est présent. Il est souvent décrit comme un outil employé pour limiter les risques de contamination de maladies hautement contagieuses. L’un des premiers masques médicaux a été inventé par Charles Delorme, médecin de Louis XIII, ce qui a été appelé tenue des « médecins becs ». Le médecin de la peste était reconnaissable grâce à son manteau noir et à sa tête recouverte d’un capuchon et équipé d’un bec, évoquant celui d’un corbeau. Ce bec était rempli de plantes odorantes destinées à protéger le médecin des miasmes. Pourtant ce masque ne protégeait pas vraiment les médecins, toutefois, il répondait à leur besoin de se sentir protégé. La Peste de son auteur Albert Camus s’inscrit dans le cadre de la littérature des épidémies, le masque médical y évoqué en rapport direct avec le degré de contagion de ce fléau, comme il est illustré dans le passage suivant : « Les médecins et les aides, qui fournissaient un effort épuisant,(...). La contagiosité risquait maintenant d’être plus grande, avec cette nouvelle forme de l’épidémie. Au vrai, les avis des spécialistes avaient toujours été contradictoires sur ce point. Pour plus de sûreté cependant, le personnel sanitaire continuait de respirer sous des masques de gaz désinfectée. A première vue, en tout cas, la maladie aurait dû s’étendre. ».
Dans ce roman, les médecins et les aides-soignants sont en contact direct avec des pestiférés. Pour eux, le masque de protection constitue une barrière physique contre le virus. L’importance de cet outil de protection consiste à leur permettre d’accomplir leur tâche sans craindre le risque de l’infection. Le masque constitue ainsi un moyen de sécurité, notamment pour les infirmiers passant beaucoup de temps auprès des personnes atteintes. Plus loin, nous lisons : « On frappa à la porte, et un infirmier entra, masqué de blanc. Il déposa sur le bureau de Tarrou un paquet de fiches et, d’une voix que le linge étouffait, dit seulement : « Six», puis sortit. ».
A travers le thème de l’épidémie, Camus semble vouloir penser le vivre-ensemble et la vie en communauté durant une période de crise. Le masque médical porté par les infirmiers et la maman d’un pestiféré se voit comme une solution permettant de fréquenter et de soigner les malades tout en demeurant protégé.
Pourtant, ce masque pourrait être source d’une sécurité illusoire dans la mesure où il nourrit la conscience d’être protégé sans l’être réellement : plus de cinq millions d’atteints de Coronavirus en 2020, alors que la majorité de gens porte un masque médical en sortant de la maison, comme l’explique si bien Mustapha Fahmi, auteur et professeur de littérature, guéri de Coronavirus : « Lorsque tu arrives à l’hôpital dans une ambulance et que tu vois les médecins et les infirmières qui t’attendent avec leurs visières, leurs masques, leurs sarraus et leurs gants, tu te rends, soudain, compte que tu représentes un danger pour la santé des personnes qui veulent te guérir. Et tu te sens mal. Tu te sens coupable. ».
L’illusion protectrice du masque
Toute épidémie constitue un événement surprenant et surtout menaçant. Pour y faire face, l’homme développe un ensemble de mécanismes psychologiques, telle que l’"illusion de contrôle". D’après la psychologue Ellen Langer, cette notion est évoquée lorsque l’homme agit comme s’il avait bien un contrôle sur une situation donnée, bien qu’il soit souvent le contraire. Lors du Coronavirus (2020), l’accumulation de papier toilette et de masque médical est un geste effectué pour nourrir l’illusion de contrôle lors de cette épidémie. Aux yeux d’une population sous la panique, le masque se dresse comme une garantie contre ce fléau, par conséquent il nourrit un sentiment de fausse sécurité et l’illusion de maîtrise de la situation.
Nous qualifions cette sécurité de « fausse » pour la simple raison que le masque médical, jugé insuffisant, protège les autres, au cas où son porteur soit atteint, mieux qu’il protège ce dernier, d’après les spécialités. Pourtant, et par besoin de surmonter la peur d’être contaminé, la population mène la course effrénée au masque médical et au papier toilette. Elle effectue des « achats de panique » pour se sentir armée face au virus. Dans La Peste, nous lisons le passage suivant : « Il ouvrit l’un d’eux, tira d’un stérilisateur deux masques de gaz hydrophile, en tendit un à Rambert et l’invita à s’en couvrir. Le journaliste demanda si cela servait à quelque chose et Tarrou répondit que non, mais que cela donnait confiance aux autres. ».
En dépit de sa fonction protectrice contre tout virus contagieux, le masque médical est source du confort psychologique, celui de se savoir protégé, échappant à l’emprise des maladies contagieuses, en les bloquant.
Le port du masque s’inscrit dans une stratégie de protection de soi. Il révèle un besoin d’être couvert pour pouvoir accomplir une tâche ou se procurer un plaisir. Cette idée, se retrouve Le Masque de Maupassant et La Peste de Camus. Dans un bal masqué, le masque attribue le pouvoir de demeurer anonyme, d’être présent au sein d’une foule et de s’exposer aux regards sans être vu et reconnu. Lors d’une épidémie, le masque médical protège son porteur contre des maladies contagieuses. Il assure également une forme de sécurité psychologique contre toute crise de panique. Ainsi, le port du masque est une source de courage incitant à oser faire. Les membres du célèbre mouvement contestataire Anonymous dissimulent leur identité derrière le masque du personnage historique Guy Fawkes. Pour dénoncer la mort d’un Afro-Américain lors de son interpellation par la police à Minneapolis, vendredi 25 mai 2020, un nombre d’Anonymous a lancé une vidéo qui a eu une grande audience médiatique. Protégé par l’anonymat assuré par son masque, il a opté pour un discours contestataire très menaçant à l’égard de la police et les dirigeants américains.
Engagé dans la défense des causes humaines à travers ses tableaux, il apparaît toujours masqué durant ses passages dans les médias. Précisons d’emblée que le masque reste l’objet le plus représentatif de la crise de Coronavirus. Par l’introduction de l’objet-masque dans cette oeuvre picturale, Bansky manifeste son souci d’impliquer son acte créatif dans le traumatisme mondial dont le Covid-19 est un catalyseur.
Le même souci de réalisme et d’effet d’actualité incite des auteurs d’oeuvres littéraires à introduire des objets dans l’univers fictionnel qu’ils créent, tels que le miroir et le masque. La nouvelle intitulée Le Masque (1889) de Guy de Maupassant réussit la mise en scène de double perspective du masque à la fois objet matériel offrant une protection assurée par l’anonymat et métaphore du déguisement. La notion du masque, objet couvrant le visage pour protéger son porteur, nous la trouvons implicitement présente dans la littérature des épidémies. Le discours littéraire rend compte ainsi des efforts de l’humanité qui a dû faire face à des épidémies telles que la peste, la tuberculose, le Choléra et le Coronavirus, et qui s’est trouvée obligée de confectionner des masques afin de limiter la propagation de ces virus mortels.
Le pouvoir de l’anonymat
Guy de Maupassant, dans sa nouvelle Le Masque, restitue l’atmosphère du bal costumé. Parmi les invités, un vieillard déguisant son visage ridé à l’aide d’un masque représentant un jeune homme souriant. En cachant son visage, le vieillard ne court le risque ni d’être reconnu ni de déplaire, ainsi il se protège contre tout regard méprisant. Il est si excité qu’il danse avec effervescence, il n’a pas le souci d’être mal vu, étant donné qu’il est personne, un masque. Le portrait de l’homme masqué est décrit comme suit : « Un joli masque verni sur le visage, un masque à moustache blonde frisée que coiffait une perruque à boucles. Il avait l'air d'une figure de cire du musée Grévin, d'une étrange et fantasque caricature du charmant jeune homme des gravures de mode, et il dansait avec un effort convaincu, mais maladroit, avec un emportement comique ».
D’après ce passage, le danseur masqué réussit à déjouer les lois du temps traçant sur sa chair des signes de vieillesse, à l’aide d’un masque joli, verni et à moustache blonde frisée. Le choix d’un masque ayant ces traits dévoile la volonté de son porteur se voulant paraître jeune et charmant. En choisissant un tel masque, le vieil homme semble chercher une légitimité lui permettant de ne pas avoir honte durant un égarement passager, durant un moment d’excès de plaisir. Il déploie un grand effort pour arriver à imiter et à accompagner le rythme des autres danseurs, jeunes. Mais au lieu de fasciner, il est ridiculisé. Pourtant, ce masqué semble peu conscient de la moquerie dont il fait objet. Une fois masqué, il cède à l’illusion transformatrice de sorte qu’il se voit tel qu’il veut être et non pas tel qu’il est réellement, vieux. L’explication donnée par sa femme éclaire le réel motif de son déguisement : « il faut qu'il se déguise en polisson pour qu'on le croie jeune, c'est le regret qui le conduit là et qui lui fait mettre une figure de carton sur la sienne. ».
Grand séducteur et armé d’un masque de dandy, le vieux danseur se transforme en illusionniste faisant croire en une réalité qui n’a plus lieu : sa jeunesse. Cette illusion est consolatrice dans la mesure où elle le protège contre tout regret introduit par la vieillesse et l’échec de séduire. Sa femme témoigne : « pour qu'on le croie jeune sous son masque, pour que les femmes le prennent encore pour un godelureau ».
Le pouvoir dont le masque dote son porteur consiste à la possibilité de reconstruction de son identité tous les soirs dans des bals masqués. Masqué, il n’adhère plus à son visage du vieux. De l’homme réel condamné à endurer la vieillesse, il se transforme en être fictif, se réjouissant d’une jeunesse qu’il a créée de toutes pièces.
Se masquer pour (se) sauver
La littérature se dresse comme un réservoir qui donne à réfléchir les crises collectives. Bien qu’elle soit de fond fictif, l’oeuvre littéraire constitue un champ de réflexions offrant des explications-réponses. Lourdement éprouvée, l’humanité puise au moment d’épidémie dans les livres pour trouver des réponses qui pourraient l’aider à faire face au traumatisme psychologique introduit par l’angoisse de la mort. Cela justifie le regain de vente que connaît actuellement La Peste de Camus, suite à l’apparition de l’épidémie de Coronavirus en 2020.
Dans toute cette littérature des épidémies, le masque médical est présent. Il est souvent décrit comme un outil employé pour limiter les risques de contamination de maladies hautement contagieuses. L’un des premiers masques médicaux a été inventé par Charles Delorme, médecin de Louis XIII, ce qui a été appelé tenue des « médecins becs ». Le médecin de la peste était reconnaissable grâce à son manteau noir et à sa tête recouverte d’un capuchon et équipé d’un bec, évoquant celui d’un corbeau. Ce bec était rempli de plantes odorantes destinées à protéger le médecin des miasmes. Pourtant ce masque ne protégeait pas vraiment les médecins, toutefois, il répondait à leur besoin de se sentir protégé. La Peste de son auteur Albert Camus s’inscrit dans le cadre de la littérature des épidémies, le masque médical y évoqué en rapport direct avec le degré de contagion de ce fléau, comme il est illustré dans le passage suivant : « Les médecins et les aides, qui fournissaient un effort épuisant,(...). La contagiosité risquait maintenant d’être plus grande, avec cette nouvelle forme de l’épidémie. Au vrai, les avis des spécialistes avaient toujours été contradictoires sur ce point. Pour plus de sûreté cependant, le personnel sanitaire continuait de respirer sous des masques de gaz désinfectée. A première vue, en tout cas, la maladie aurait dû s’étendre. ».
Dans ce roman, les médecins et les aides-soignants sont en contact direct avec des pestiférés. Pour eux, le masque de protection constitue une barrière physique contre le virus. L’importance de cet outil de protection consiste à leur permettre d’accomplir leur tâche sans craindre le risque de l’infection. Le masque constitue ainsi un moyen de sécurité, notamment pour les infirmiers passant beaucoup de temps auprès des personnes atteintes. Plus loin, nous lisons : « On frappa à la porte, et un infirmier entra, masqué de blanc. Il déposa sur le bureau de Tarrou un paquet de fiches et, d’une voix que le linge étouffait, dit seulement : « Six», puis sortit. ».
A travers le thème de l’épidémie, Camus semble vouloir penser le vivre-ensemble et la vie en communauté durant une période de crise. Le masque médical porté par les infirmiers et la maman d’un pestiféré se voit comme une solution permettant de fréquenter et de soigner les malades tout en demeurant protégé.
Pourtant, ce masque pourrait être source d’une sécurité illusoire dans la mesure où il nourrit la conscience d’être protégé sans l’être réellement : plus de cinq millions d’atteints de Coronavirus en 2020, alors que la majorité de gens porte un masque médical en sortant de la maison, comme l’explique si bien Mustapha Fahmi, auteur et professeur de littérature, guéri de Coronavirus : « Lorsque tu arrives à l’hôpital dans une ambulance et que tu vois les médecins et les infirmières qui t’attendent avec leurs visières, leurs masques, leurs sarraus et leurs gants, tu te rends, soudain, compte que tu représentes un danger pour la santé des personnes qui veulent te guérir. Et tu te sens mal. Tu te sens coupable. ».
L’illusion protectrice du masque
Toute épidémie constitue un événement surprenant et surtout menaçant. Pour y faire face, l’homme développe un ensemble de mécanismes psychologiques, telle que l’"illusion de contrôle". D’après la psychologue Ellen Langer, cette notion est évoquée lorsque l’homme agit comme s’il avait bien un contrôle sur une situation donnée, bien qu’il soit souvent le contraire. Lors du Coronavirus (2020), l’accumulation de papier toilette et de masque médical est un geste effectué pour nourrir l’illusion de contrôle lors de cette épidémie. Aux yeux d’une population sous la panique, le masque se dresse comme une garantie contre ce fléau, par conséquent il nourrit un sentiment de fausse sécurité et l’illusion de maîtrise de la situation.
Nous qualifions cette sécurité de « fausse » pour la simple raison que le masque médical, jugé insuffisant, protège les autres, au cas où son porteur soit atteint, mieux qu’il protège ce dernier, d’après les spécialités. Pourtant, et par besoin de surmonter la peur d’être contaminé, la population mène la course effrénée au masque médical et au papier toilette. Elle effectue des « achats de panique » pour se sentir armée face au virus. Dans La Peste, nous lisons le passage suivant : « Il ouvrit l’un d’eux, tira d’un stérilisateur deux masques de gaz hydrophile, en tendit un à Rambert et l’invita à s’en couvrir. Le journaliste demanda si cela servait à quelque chose et Tarrou répondit que non, mais que cela donnait confiance aux autres. ».
En dépit de sa fonction protectrice contre tout virus contagieux, le masque médical est source du confort psychologique, celui de se savoir protégé, échappant à l’emprise des maladies contagieuses, en les bloquant.
Le port du masque s’inscrit dans une stratégie de protection de soi. Il révèle un besoin d’être couvert pour pouvoir accomplir une tâche ou se procurer un plaisir. Cette idée, se retrouve Le Masque de Maupassant et La Peste de Camus. Dans un bal masqué, le masque attribue le pouvoir de demeurer anonyme, d’être présent au sein d’une foule et de s’exposer aux regards sans être vu et reconnu. Lors d’une épidémie, le masque médical protège son porteur contre des maladies contagieuses. Il assure également une forme de sécurité psychologique contre toute crise de panique. Ainsi, le port du masque est une source de courage incitant à oser faire. Les membres du célèbre mouvement contestataire Anonymous dissimulent leur identité derrière le masque du personnage historique Guy Fawkes. Pour dénoncer la mort d’un Afro-Américain lors de son interpellation par la police à Minneapolis, vendredi 25 mai 2020, un nombre d’Anonymous a lancé une vidéo qui a eu une grande audience médiatique. Protégé par l’anonymat assuré par son masque, il a opté pour un discours contestataire très menaçant à l’égard de la police et les dirigeants américains.
Zakia Rmida