Cette année s’achève le plan « Maroc digital 2020 ». À son lancement, en juillet 2016, il était question de dématérialiser la moitié des procédures administratives et qu’au moins une PME sur cinq soit connectée. En ce qui concerne les procédures administratives, c’est à peine près de la moitié du travail qui a été faite, selon une étude du ministère des Finances, également en charge de la réforme de l’administration.
Fracture et analphabétisme numériques
D’après la même source, 700 administrations marocaines, départements ministériels, collectivités locales et établissements publics sont entré,s dans l’ère numérique. Sauf que la crise du covid19 a laissé voir une profonde fracture numérique au sein même de l’administration publique. Certains départements ministériels, comme ceux de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances, de la Justice… sont parfaitement à la page. D’autres, dont on a peu ou pas entendu parler durant toute la période du confinement, sont toujours hors-course.
Pire, nulle part on ne peut lire ne serait-ce qu’un semblant d’esquisse de plan de lutte contre l’analphabétisme numérique. Car c’est bien beau d’évoquer l’article 154 de la Constitution, qui stipule que « les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations », pour promouvoir la dématérialisation des procédures administratives. En supprimant le contact physique, elle rend, en effet, impossible la ségrégation et la corruption.
Il reste à savoir s’il n’y a pas déjà ségrégation entre les citoyens « connectés » et ceux qui ne le sont pas, entre ceux aptes à accomplir les démarches administratives numérisées et les autres qui ne savent pas le faire. En pareil cas, numérisation sans alphabétisation numérique serait source d’aggravation de ces inégalités contre lesquelles ont prétend lutter.
Le borgne au pays des aveugles
Ce n’est pas d’ailleurs sans lien que seules 5% des PME sont connectées. Comme toute révolution technologique, la numérisation a également une dimension socioculturelle, dont la négligence ne peut qu’entraîner des retards dans l’évolution escomptée. Constat de la situation actuelle, le Maroc traîne dans les arrières rangs des classements mondiaux, 104ème en matière d’infrastructures numériques, 148ème en matière de ressources humaines qualifiées.
Bien entendu, on ne manque pas d’afficher fièrement l’« avance » NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information de la Communication) du Maroc à l’échelle du continent. Avec 23,1 millions de connectés à Internet, soit un taux de pénétration de 65,6%, il dépasse, il est vrai, de loin la moyenne africaine, qui est de 36%. Le Maroc est également 2ème africain en matière de couverture 4G et 3ème en matière de commerce électronique. Ce n’est pas sans rappeler le fameux proverbe sur le borgne au pays des aveugles.
À l’horizon, l’industrie 4.0
La numérisation du Maroc ne s’arrête pas à celle des administrations publiques et concerne tout autant, sinon plus, l’appareil productif national. Numérisation et digitalisation ont un effet de levier économique certain, en termes d’élargissement exponentiel des échanges d’informations et de gains de productivité. Or, si les grandes entreprises marocaines se digitalisent à marche forcée, les PME et TPE vivent encore en majorité dans l’âge pré-numérique.
Le chantier de la numérisation a progressé, jusqu’à présent, à coups de lancement de stratégies gouvernementales, aux résultats mitigés, et de promulgation de divers textes de loi, traitant chacun d’un volet spécifique du sujet. Si l’Agence de Développement Digital, créée en 2017, est destinée à superviser l’ensemble de ce chantier, aucune vision d’ensemble, en dépeignant l’esprit, n’en a été explicitée.
Dans le tableau ainsi tracé, le coronavirus fait figure de promoteur du numérique. Si le Maroc avait besoin d’un stimulant psychosociologique et politique pour avancer dans sa numérisation, l’épidémie a joué ce rôle. Ailleurs dans le monde, la prise de conscience de l’émergence d’une industrie 4.0 et la volonté politique de l’accompagner sont réelles, les efforts sont déjà tournés vers l’intelligence artificielle.
Fracture et analphabétisme numériques
D’après la même source, 700 administrations marocaines, départements ministériels, collectivités locales et établissements publics sont entré,s dans l’ère numérique. Sauf que la crise du covid19 a laissé voir une profonde fracture numérique au sein même de l’administration publique. Certains départements ministériels, comme ceux de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances, de la Justice… sont parfaitement à la page. D’autres, dont on a peu ou pas entendu parler durant toute la période du confinement, sont toujours hors-course.
Pire, nulle part on ne peut lire ne serait-ce qu’un semblant d’esquisse de plan de lutte contre l’analphabétisme numérique. Car c’est bien beau d’évoquer l’article 154 de la Constitution, qui stipule que « les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations », pour promouvoir la dématérialisation des procédures administratives. En supprimant le contact physique, elle rend, en effet, impossible la ségrégation et la corruption.
Il reste à savoir s’il n’y a pas déjà ségrégation entre les citoyens « connectés » et ceux qui ne le sont pas, entre ceux aptes à accomplir les démarches administratives numérisées et les autres qui ne savent pas le faire. En pareil cas, numérisation sans alphabétisation numérique serait source d’aggravation de ces inégalités contre lesquelles ont prétend lutter.
Le borgne au pays des aveugles
Ce n’est pas d’ailleurs sans lien que seules 5% des PME sont connectées. Comme toute révolution technologique, la numérisation a également une dimension socioculturelle, dont la négligence ne peut qu’entraîner des retards dans l’évolution escomptée. Constat de la situation actuelle, le Maroc traîne dans les arrières rangs des classements mondiaux, 104ème en matière d’infrastructures numériques, 148ème en matière de ressources humaines qualifiées.
Bien entendu, on ne manque pas d’afficher fièrement l’« avance » NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information de la Communication) du Maroc à l’échelle du continent. Avec 23,1 millions de connectés à Internet, soit un taux de pénétration de 65,6%, il dépasse, il est vrai, de loin la moyenne africaine, qui est de 36%. Le Maroc est également 2ème africain en matière de couverture 4G et 3ème en matière de commerce électronique. Ce n’est pas sans rappeler le fameux proverbe sur le borgne au pays des aveugles.
À l’horizon, l’industrie 4.0
La numérisation du Maroc ne s’arrête pas à celle des administrations publiques et concerne tout autant, sinon plus, l’appareil productif national. Numérisation et digitalisation ont un effet de levier économique certain, en termes d’élargissement exponentiel des échanges d’informations et de gains de productivité. Or, si les grandes entreprises marocaines se digitalisent à marche forcée, les PME et TPE vivent encore en majorité dans l’âge pré-numérique.
Le chantier de la numérisation a progressé, jusqu’à présent, à coups de lancement de stratégies gouvernementales, aux résultats mitigés, et de promulgation de divers textes de loi, traitant chacun d’un volet spécifique du sujet. Si l’Agence de Développement Digital, créée en 2017, est destinée à superviser l’ensemble de ce chantier, aucune vision d’ensemble, en dépeignant l’esprit, n’en a été explicitée.
Dans le tableau ainsi tracé, le coronavirus fait figure de promoteur du numérique. Si le Maroc avait besoin d’un stimulant psychosociologique et politique pour avancer dans sa numérisation, l’épidémie a joué ce rôle. Ailleurs dans le monde, la prise de conscience de l’émergence d’une industrie 4.0 et la volonté politique de l’accompagner sont réelles, les efforts sont déjà tournés vers l’intelligence artificielle.
Ahmed NAJI
Repères
Arsenal juridique
La législation marocaine relative à la numérisation comporte la loi 53- 05 relative à l’échange électronique de données juridiques, la loi 61- 16 portant création de l’Agence de développement digital, la loi 87- 17 sur la création d’entreprise par voie électronique, la loi 88-17 sur l’accompagnement d’entreprises par voie électronique, la loi 89- 17 sur la domiciliation des entreprises, la loi 27- 18 édictant des dispositions transitoires relatives à l’échange automatique d’informations à des fins fiscales et la loi 54-19 portant charte des services publics.
Protection des données personnelles
Plusieurs textes de loi portent sur ce sujet, dont le Dahir du 18 février 2009 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractères personnelles, la loi 53-05 relative à l’échange électronique des données juridiques et la loi 31-08 édictant les mesures de protection du consommateur, en ce qui se rapporte au commerce et au paiement électroniques. La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel, créée en 2009, a réussi à instaurer la confiance nécessaire au développement du paiement en ligne.
Numérisation des archives universitaires
Le degré d’imprégnation d’une société de la culture numérique peut aisément être jaugé. Au Maroc, la numérisation des archives universitaires en est encore à ses premiers balbutiements. Jamaâ Baida, le directeur des Archives du Maroc, avait fait cette déclaration à un confrère, qui résume parfaitement la situation. «Notre institution ignore tout des conditions d’archivage des travaux universitaires, de leur volume actuel ou des supports utilisés pour leur conservation et leur communication au public». Il appelle à dresser d’abord un état des lieux.