Dès la fin d’avril, les diverses espèces de rampants à sang froid deviennent plus actives. Alors que les grands prédateurs ont quasiment tous disparu des écosystèmes marocains, ces créatures sont les seules qui peuvent encore personnifier pour les êtres humains la primaire –mais justifiée- « peur de la bête ». Les décès causés chaque année par des morsures de vipères ont conditionné chez les citoyens du Maroc une très grande méfiance vis-à-vis de tous les rampants. 350 morsures de serpent sont ainsi recensées chaque année par le Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc avec un taux de létalité qui est passé de 8,9% en 2011 à 1,7% en 2018. « Un bon serpent et un serpent mort » pourrait-on penser. Pourtant tous les reptiles que compte le Royaume ont un rôle écologique à jouer, et parmi eux, seuls le cobra et les vipères sont réellement capables d’être dangereux pour l’Homme.
Couleuvres inoffensives
« Les espèces de couleuvres qui existent au Maroc sont représentées par une vingtaine d’espèces. Elles ne constituent aucun danger pour l’être humain », explique Brahim Bakass, naturaliste et herpétologie amateur. La majorité des couleuvres du Royaume n’ont pas de venin. Cinq sont « opisthoglyphes », c’est-à-dire qu’elles possèdent un appareil venimeux dont les crochets sont situés à l’arrière de la mâchoire. Le venin de ces 5 couleuvres ne peut cependant pas être utilisé contre l’homme sauf dans le cas de deux espèces : la couleuvre de Montpellier et la couleuvre de Moïla qui sont connues pour imiter la posture défensive du cobra même si leur venin est beaucoup moins dangereux. Tous les spécialistes s’accordent cependant sur le fait que le danger des morsures fatales reste l’exclusivité des vipères et du cobra.
Les vipères et le cobra
Parmi les 26 espèces de serpents qui vivent dans les divers écosystèmes du Royaume, seules 7 sont potentiellement dangereuses pour l’Homme. « Les vipères représentées au Maroc par six espèces, sont venimeuses et toutes peuvent représenter un danger pour les humains en cas de morsure. Le degré de dangerosité varie selon l’espèce : depuis la grande (et très dangereuse) vipère du Maghreb jusqu’à la petite (et moins dangereuse) vipère de l’Atlas », souligne Bakass. La septième espèce potentiellement dangereuse n’est autre que le grand cobra qui est le seul représentant au Maroc de la famille des « Elapidés » ». Les morsures de ces espèces venimeuses sont certes potentiellement mortelles pour l’Homme, mais loin du mythe de la vipère agressive et sournoise, ces espèces n’attaquent l’Homme que pour se défendre.
Des espèces utiles et en danger
« Pour ces espèces, l’Homme est un prédateur et non pas une proie. Elles chercheront toujours à prendre la fuite et la morsure ne peut arriver que dans le cas où elles sont acculées dans un espace dont l’issue est obstruée, quand quelqu’un les surprend ou leur marche dessus par inadvertance », explique Dr Abdellah Bouazza, hépatologue et enseignant chercheur à l’Université Ibn Zohr. Victimes d’une très mauvaise réputation, les vipères autant que les couleuvres sont systématiquement tuées quand elles ont le malheur d’être trouvées. Pourtant ces espèces jouent un rôle écologique important. « Les vipères et les couleuvres font partie intégrante des écosystèmes et de la chaine alimentaire. Elles sont parfois les proies d’autres espèces menacées et jouent un rôle de régulation pour limiter les populations d’espèces envahissantes comme les rongeurs par exemple », souligne Dr Abdellah Bouazza. Si certaines espèces de rampants du Maroc sont plus menacées que d’autres, force est de constater que la loi 29- 05 -relative à la protection des espèces de flore et de faune sauvages et au contrôle de leur commerce interdit formellement la destruction, la détention et le commerce de toutes les espèces de reptiles.
Malgré cette protection légale, subsistent cependant certaines pratiques « culturelles » à l’instar des spectacles de charmeurs de serpents dans la place de Jemaa Lefna à Marrakech. Depuis une dizaine d’années, plusieurs collectifs d’écologistes et de scientifiques marocains demandent régulièrement aux autorités de mettre fin à ces activités. Selon nos sources, ces appels ont été entendus car les autorités concernées planchent actuellement sur les dispositions nécessaires pour mettre fin progressivement aux « spectacles » de montreurs de serpents.
Malgré cette protection légale, subsistent cependant certaines pratiques « culturelles » à l’instar des spectacles de charmeurs de serpents dans la place de Jemaa Lefna à Marrakech. Depuis une dizaine d’années, plusieurs collectifs d’écologistes et de scientifiques marocains demandent régulièrement aux autorités de mettre fin à ces activités. Selon nos sources, ces appels ont été entendus car les autorités concernées planchent actuellement sur les dispositions nécessaires pour mettre fin progressivement aux « spectacles » de montreurs de serpents.
Oussama ABAOUSS
Encadré
30.000 personnes piquées par des scorpions chaque année
Au Maroc, les piqûres de scorpion sont un véritable problème de santé public. Chaque année environ 30.000 cas sont enregistrés. Selon les données épidémiologiques établies par le Centre Anti-Poisons du Maroc (CAPM), l’intoxication par piqûre de scorpion occupe la première place parmi les différentes intoxications (30%). La piqûre de scorpion est particulièrement dangereuse chez l’enfant.
Les régions les plus touchées par ce fléau sont les provinces du centre et du sud du Maroc : Agadir, Safi, Beni Mellal, Essaouira, Kalaâ Sraghna, Khouribga, Marrakech et Tiznit. Les piqures de scorpions se font plus fréquentes durant les mois chauds avant 9h et après 18h car les scorpions n’aiment pas la chaleur du soleil et vont donc se cacher dans les endroits humides et obscurs particulièrement sous les pierres et dans les débarras ou dans des endroits où on accumule les vieux objets.
Plusieurs espèces de scorpions existent au Maroc, les plus dangereuses sont l’Androctonus mauritanicus et le Butus occitanus. Après la piqûre, le venin de scorpion se diffuse rapidement dans le corps humain. La fixation du venin au niveau des tissus est souvent à l’origine de manifestations cliniques qui peuvent mettre en jeu la vie du malade. Pour lutter contre ce problème, le ministère de la Santé a mis en place une stratégie nationale de lutte contre les envenimations qui a permis de réduire nettement la létalité liée aux piqures et envenimations scorpioniques de 2,37% en 1999 à 0,18% en 2018.
Au Maroc, les piqûres de scorpion sont un véritable problème de santé public. Chaque année environ 30.000 cas sont enregistrés. Selon les données épidémiologiques établies par le Centre Anti-Poisons du Maroc (CAPM), l’intoxication par piqûre de scorpion occupe la première place parmi les différentes intoxications (30%). La piqûre de scorpion est particulièrement dangereuse chez l’enfant.
Les régions les plus touchées par ce fléau sont les provinces du centre et du sud du Maroc : Agadir, Safi, Beni Mellal, Essaouira, Kalaâ Sraghna, Khouribga, Marrakech et Tiznit. Les piqures de scorpions se font plus fréquentes durant les mois chauds avant 9h et après 18h car les scorpions n’aiment pas la chaleur du soleil et vont donc se cacher dans les endroits humides et obscurs particulièrement sous les pierres et dans les débarras ou dans des endroits où on accumule les vieux objets.
Plusieurs espèces de scorpions existent au Maroc, les plus dangereuses sont l’Androctonus mauritanicus et le Butus occitanus. Après la piqûre, le venin de scorpion se diffuse rapidement dans le corps humain. La fixation du venin au niveau des tissus est souvent à l’origine de manifestations cliniques qui peuvent mettre en jeu la vie du malade. Pour lutter contre ce problème, le ministère de la Santé a mis en place une stratégie nationale de lutte contre les envenimations qui a permis de réduire nettement la létalité liée aux piqures et envenimations scorpioniques de 2,37% en 1999 à 0,18% en 2018.
3 questions à Abdellah Bouazza, herpétologue
Abdellah Bouazza
« Un cobra vit 30 ans dans la Nature, mais ne survit que quelques semaines à Jemaâ Lefna »
Docteur en herpétologie et enseignant-chercheur à l’université d’Ibn Zohr, Abdellah Bouazza répond à nos questions sur l’utilisation des serpents dans la place de Jemaâ Lefna.
Pensez-vous qu’il faille interdire les spectacles qui utilisent des serpents à Jemaâ Lefna ?
Il est certain que depuis très longtemps, des personnes ont développé au Maroc un vrai savoir-faire pour capturer et manipuler les serpents qu’ils ont mis à profit pour des spectacles. Cela-dit ces activités sont à mon avis à proscrire parce qu’elles véhiculent des informations erronées sur les reptiles et aussi parce qu’elles utilisent des espèces souvent menacées qui sont régulièrement prélevées dans la Nature.
-Ces activités participent-elles à l’extinction de ces espèces ?
De l’aveu même des personnes qui vont à la recherche de cobras pour alimenter les montreurs de serpents, il suffisait il y a quelques années de se déplacer dans la région qui se situe entre Agadir et Essaouira pour trouver l’espèce. Actuellement ils sont obligés d’aller jusqu’au sud de Tan Tan pour en trouver. Les serpents qui sont utilisés ne survivent pas longtemps. Leurs crochets sont arrachés et ils sont exposés à des moments où ils ne sont pas censés être actifs. Le cobra qui peut vivre jusqu’à 30 ans dans la Nature ne survie que quelques semaines à cause de ces mutilations et à cause de l’énorme stress qu’il subit pour garder une position défensive « impressionnante ». Quand ces animaux sont morts d’autres sont capturés pour les remplacer…
Que faut-il faire pour conserver ces reptiles ?
Il faut accompagner les personnes qui vivent de ces spectacles de serpents pour trouver d’autres alternatives. Il faut également sensibiliser le grand public aux rôles écologiques que jouent les serpents en lui donnant des informations fiables.
Docteur en herpétologie et enseignant-chercheur à l’université d’Ibn Zohr, Abdellah Bouazza répond à nos questions sur l’utilisation des serpents dans la place de Jemaâ Lefna.
Pensez-vous qu’il faille interdire les spectacles qui utilisent des serpents à Jemaâ Lefna ?
Il est certain que depuis très longtemps, des personnes ont développé au Maroc un vrai savoir-faire pour capturer et manipuler les serpents qu’ils ont mis à profit pour des spectacles. Cela-dit ces activités sont à mon avis à proscrire parce qu’elles véhiculent des informations erronées sur les reptiles et aussi parce qu’elles utilisent des espèces souvent menacées qui sont régulièrement prélevées dans la Nature.
-Ces activités participent-elles à l’extinction de ces espèces ?
De l’aveu même des personnes qui vont à la recherche de cobras pour alimenter les montreurs de serpents, il suffisait il y a quelques années de se déplacer dans la région qui se situe entre Agadir et Essaouira pour trouver l’espèce. Actuellement ils sont obligés d’aller jusqu’au sud de Tan Tan pour en trouver. Les serpents qui sont utilisés ne survivent pas longtemps. Leurs crochets sont arrachés et ils sont exposés à des moments où ils ne sont pas censés être actifs. Le cobra qui peut vivre jusqu’à 30 ans dans la Nature ne survie que quelques semaines à cause de ces mutilations et à cause de l’énorme stress qu’il subit pour garder une position défensive « impressionnante ». Quand ces animaux sont morts d’autres sont capturés pour les remplacer…
Que faut-il faire pour conserver ces reptiles ?
Il faut accompagner les personnes qui vivent de ces spectacles de serpents pour trouver d’autres alternatives. Il faut également sensibiliser le grand public aux rôles écologiques que jouent les serpents en lui donnant des informations fiables.
Recueillis par O. A.
Repères
L’Inde interdit les charmeurs de serpents
Alors même que l’Inde comptait quelque 800.000 charmeurs de serpents qui vivaient de cette activité, le pays n’a pas hésité à interdire cette pratique dès le début des années 90 malgré les vagues de protestations qui se sont étalées sur plusieurs années. La raison évoquée pour justifier cette mesure est la nécessité de conserver des espèces qui étaient au bord de l’extinction à cause du braconnage et de la maltraitance. A noter que ce genre d’activité n’est pratiqué qu’en Afrique du Nord et en Asie du Sud.
Conduite à tenir en cas de morsure ou de piqure
En cas de morsure d’un serpent ou de piqure d’un scorpion, le ministère de la Santé recommande de transférer en urgence la victime vers le service des urgences le plus proche. Tout retard dans le traitement de tels cas ne fait que limiter l’efficacité de l’intervention thérapeutique. Le ministère exhorte les citoyens à ne pas recourir à des méthodes traditionnelles qui peuvent entraîner de graves complications. A noter que le Centre Antipoison dispose d’un numéro dédié (7/7, 24/24) : 0537686464 ou 0810000180.