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Le Maroc à J-5 du déconfinement...et toujours pas de plan à l'horizon !


Rédigé par Ahmed NAJI Jeudi 4 Juin 2020

Les Marocains doivent encore prendre leur mal en patience au sujet de l’après-déconfinement. A l’exception du bilan de son département dans la lutte contre l’épidémie, Laftit n’avait rien à leur dire à ce sujet. Il faudra attendre le 11 juin et la séance mensuelle de politique générale pour l’énoncé de la stratégie détaillée de sortie du confinement devant le Parlement.



La capitale sous le respect strict de l’urgence sanitaire
La capitale sous le respect strict de l’urgence sanitaire
Mardi, à la Chambre des conseillers, l’intervention du ministre de l’Intérieur lors de la séance des questions orales consacrée aux mesures prises par son département dans la lutte contre la propagation du Coronavirus, avait un arrière goût d’inachevé.

Les épanchements d’autocongratulation de haute volée patriotique de Laftit avaient quelque chose de gênant, dans la mesure où les succès enregistrés par le Maroc dans sa gestion de la crise épidémiologique ont déjà été ressassés par les médias nationaux et étrangers à satiété. Et qu’il reste encore à réussir la sortie de l’état d’urgence sanitaire et la reprise des activités socioéconomiques, politiques et culturelles.

C’est surtout vers la phase suivante de la gestion de la crise que l’attention des citoyens est, actuellement, tournée

Imprécision

La date du 10 juin pour le déconfinement est-elle acquise ? Comme depuis le début de cette crise du Coronavirus, les politiciens se plaisent à botter la balle vers les scientifiques, qui se réfugient, pour leur part, derrière les indicateurs de la situation épidémiologique. Ainsi, selon Laftit, il faudra attendre « jusqu’à ce que les décisions appropriées soient prises au moment opportun compte tenu de plusieurs considérations »…

Pour des indications précises sur lesquelles les opérateurs économiques peuvent s’appuyer et planifier la relance de leurs activités, qui passe, pour certains d’entre eux, par le retour de la population dans l’espace public, il faudra encore attendre.

Le retour d’unités industrielles et commerciales à leurs activités, même de manière partielle, est une démarche saluée par tous, tellement les conséquences de l’épidémie sur le gagne-pain de nombre de citoyens ont fini par sembler encore plus désastreuses que la maladie elle-même. Les Marocains sont, par ailleurs, parfaitement conscients que si les autorités responsables ont réussi à brider la propagation de l’épidémie et évité au pays bien des décès et des drames, c’est bel et bien en se montrant fermes dans l’application des mesures de confinement. Et qu’il serait bête de tout gâcher en déviant vers le laxisme, au risque d’assister à une hausse de la courbe des nouveaux cas de contamination. 

S’ils trouvent le personnage de Mohamed Lyoubi, le directeur de l’épidémiologie au ministère de la Santé, fort sympathique, ne plus le revoir présenter quotidiennement à la télévision le bilan de l’épidémie leur serait d’un réel soulagement.

La question du comment

Continuer à veiller au « strict respect des mesures de prévention compte tenu de la persistance du risque de propagation du virus », comme l’a souligné Laftit, est largement admis, mais le déconfinement, même progressif, est déjà entamé. C’est un fait que l’on peut constater de visu. C’est la méthodologie globale à lui appliquer et son implémentation aux échelles sectorielles et régionales qui laissent encore à désirer.

Lors de discussions avec des citoyens exerçant diverses activités et petits métiers, le sentiment de désarroi est réel en l’absence d’une vision claire de l’avenir, qui leur semble plutôt sombre. Le cafetier se tord en calculs sur le nombre de clients à accueillir, dans le respect de la distanciation sociale, et les recettes qu’il peut ainsi escompter, comparativement aux charges. 

Le garçon de café se demande, lui, quand est-ce que son patron va le reprendre, puisqu’il n’a, jusqu’à présent, pas besoin de lui tant qu’il ne s’agit que de commandes à emporter. Outre les boutiquiers qui font la somme de leurs charges fixes (loyer, eau et électricité…) et autres échéances bancaires à payer, qui, même si reportées, doivent bien l’être un jour, alors qu’une reprise des affaires qui puisse couvrir ses décaissements ne se profile nullement à l’horizon.

Clarifier pour apaiser

Ce sont ces centaines de milliers de petits opérateurs économiques et autres travailleurs indépendants, bien reconnaissants envers les autorités de leur être venus en aide en ces temps de crise sanitaire, qui en attendent maintenant d’éclaircir leur chemin dans la brume du post-Covid19. L’attente est à la fois financière et méthodologique, vu qu’il y a nombre de dispositions de sécurité sanitaire à adopter, au risque de se voir infliger une amende ou mettre son local sous scellés. 

Les Marocains restés bloqués à l’étranger, après la fermeture des frontières à la mi-mars, n’ont pas été plus informés sur leur sort, Laftit ayant déclaré que « la problématique sera réglée dans les plus brefs délais »...

Le Maroc a affronté la crise épidémiologique avec brio, il doit maintenant en sortir en procédant avec non-moins de savoir-faire. Ce serait également un atout pour attirer les relocalisations industrielles attendues de la reconfiguration géoéconomique mondiale post-Covid-19 vers lesquelles décideurs politiques et économiques marocains lorgnent avec grand appétit.

Sauf que, jusqu’à présent, l’impression donnée autant par l’intervention du Premier ministre que celles du ministre des Finances et celui de l’Intérieur est qu’à l’exception de vagues slogans, la navigation post-confinement se fait plutôt à vue.

Ahmed NAJI 

Encadré: 
Assistance financière : Bénéficiaires du Fonds spécial de gestion de la pandémie, jusqu’à quand ?
4,5 millions de familles ont eu droit à une assistance financière allouée par le Fonds spécial de gestion de la pandémie et plus d’un million d’autres via la Caisse nationale de sécurité sociale. 2 millions de personnes n’ayant pas reçu l’aide ont déposé des réclamations. 800.000 ont été acceptées, 400.000 rejetées. 800.000 autres dossiers sont en cours de traitement. En parallèle, plus de 3.5 millions de personnes ont bénéficié d’aides alimentaires, pour quelque 1 milliard de Dhs. Et enfin, 10.490 sans-abris ou sans domicile fixe ont été hébergés. La question qui se pose maintenant avec acuité est celle de savoir si ces aides vont être prolongées au-delà de la période de confinement. Il est un fait en effet que les effets économiques de l’actuelle crise sanitaire ne se dissiperont pas par magie aussitôt l’état d’urgence sanitaire levé. Bien au contraire prédisent les observateurs les plus pessimistes pour lesquels les conséquences économiques désastreuses de la pandémie de covid-19 qui a déjà généré la cessation d’emploi pour environ un million de salariés déclarés à la CNSS, se feront plus ressentir à moyen et long terme. Notamment dans le secteur informel, ainsi que dans des activités économiques frappées de plein fouet par la crise tel que le tourisme, l’événementiel, l’artisanat et autres. La préparation du déconfinement revient donc aussi à penser des solutions économiques pour ces catégories sociales plus que jamais vulnérables.

Entretien avec Najib Mikou Consultant en Prospective et Etudes Stratégiques

Najib Mikou
Najib Mikou
Consultant en Prospective, Etudes Stratégiques, Economiques, Financières et Sociales, Najib Mikou nous livre sa vision de l’après covid-19 et la manière de s’y préparer.

1- Quels sont les périls d'un déconfinement mal maîtrisé?
C'est la perception et l'exercice du déconfinement par les gens, qui décidera de ce qui va arriver après le 10 juin prochain. Si le déconfinement équivaut certes, au retour à une vie sociale et professionnelle normale, la notion de normalité ne devra plus avoir le même contenu dans la conscience collective.

Dorénavant elle rimera avec distanciation sociale et barrières sanitaires. Aussi bien le salut que le péril, proviendront justement de cette nuance décisive entre la normalité d'avant le coronavirus et celle d'après. Si les populations prennent conscience de la nécessaire et stricte observation des règles de distanciation et de protection sanitaire, notre pays aura gagné sa bataille contre ce virus ravageur. Sinon, on aura compromis tous les acquis antérieurs et on se sera exposé à un véritable drame sanitaire qui générera un drame économique et social. Le péril qu'à Dieu ne plaise, sera un reconfinement, dont on n'a ni les moyens ni la capacité à en supporter les multiples et dévastateurs corollaires.

2- A j-5 de la date du 10 juin annoncée comme celle de la levée de l'état d'urgence sanitaire, a-t-on toujours le temps pour bien nous y préparer?
Evidemment que oui. Je fais totalement confiance au pilotage qui a été fait à cette crise qui nous a subitement frappée de plein fouet. Certes, qu'il ne nous sépare plus que 5 jours du Grand Jour, mais je suis absolument confiant que le génie marocain sous le Pilotage direct de Sa Majesté Le Roi, qui nous a accompagné pendant trois mois maintenant, avec une compétence et un sens du devoir inégalés, saura organiser la phase ultérieure. Il n'y a pas de raison, il n'y a pas de doute.

3- Le Ministre de l'intérieur vient de s'exprimer à ce sujet, mais une vision claire et un plan précis de déconfinement, tardent toujours à voir le jour? Sur quoi était attendu Laftit et qu'aurait-il dû dire aux Marocains?
Le Ministre de l'Intérieur a répondu à des questions par rapport aux étapes franchies. Il était là à mon sens, pour informer et surtout rassurer, mais sans naïveté ni emballement. Il a même appelé à plus de vigilance pour que tous les sacrifices consentis ne partent pas en fumée.

Je suppose que le Chef du Gouvernement fera une déclaration devant les Représentants de la Nation le 8 ou 9 juin prochain, où il exposera le dispositif que l'Etat compte mettre en oeuvre dès le 11 prochain.

Je pense que l'essentiel de deadline qui devra être annoncé, s'articule autour de trois segments d'intervention clés :
  • un segment préventif, qui a été déjà entamé depuis le 26 mai et continue à être mis en oeuvre. Il s'agit de la généralisation des tests de dépistage à l'ensemble du tissu économique et à tous les prestataires administratifs et sociaux, pour permettre une vie sociale et professionnelle entre des personnes saines. Ceci est certes, très coûteux, mais il n'a aucun prix. Il va rassurer tout le monde et faire éviter la psychose de la suspicion et de la peur de l'autre. A ceci s'ajoute concomitamment, l'ouverture des usines et commerces qui donnent les garanties requises de non contamination.
 
  • un segment curatif, qui va être exigé dès le 11 juin prochain, consistant en des barrières sanitaires incontournables à savoir, le masque, le lavage récurrent des mains au savon, la stricte observation des règles d'hygiène dans les espaces collectifs de travail, la distanciation sociale. Notre pays a déjà préparé tout ce qu'il faut pour ce faire : manuels et affichages d'information, spots médias de sensibilisation, production de masques en dizaines de millions, production excédentaire de produits de stérilisation. En sachant que notre pays est totalement autosuffisant dans l'ensemble de ce dispositif curatif.
 
  • un segment de vigilance, qui va prévaloir pendant toute la phase du 11 juin jusqu'à la découverte d'un traitement et/ou d'un vaccin contre le coronavirus.
Il consistera en deux comportements contradictoirement complémentaires :
  •  ouvrir graduellement les espaces de liberté et de vie sociale tels que les cafés et restaurants, les salles de sports, les compétitions sportives grand public, les fêtes, les mosquées ...etc
  • observer d'un côté, un contrôle sans faille à travers les dépistages massifs et réguliers, et l'inspection très rapprochée des infrastructures économiques et des prestataires administratifs et sociaux. Et préparer d'un autre côté, les infrastructures sanitaires à l'éventualité d'un retour de contaminations massives.
Comme quoi, la guerre contre le coronavirus est loin d'être terminée et encore moins gagnée. Elle durera encore pendant 9 mois à un an. De son côté, l'Etat devra continuer à observer le même niveau de compétence, d'engagement, de don de soi et de vigilance, et les citoyens de leur côté, devront persévérer en sacrifices. Ils passeront des sacrifices du dedans aux sacrifices du dehors qui ne seront nullement moins contraignants. Si l'Etat tient aujourd'hui en main, les moyens du succès, le peuple, lui, tient en main la décision finale du succès contre le coronavirus.
Recueillis par L. E. A.

Repères

Contrôle des unités industrielles et commerciales:
4.122 unités industrielles et commerciales ont été contrôlées lors d’opérations menées, jusqu’à la fin du mois dernier à travers le royaume. Des manquements aux mesures de sécurité sanitaire ont été constatés dans 150 unités, alors sommées de les respecter. 115.000 employés ont été soumis au test du Covid-19. 783 cas ont été déclarés positifs. 34.240 chauffeurs de taxi ont également subi le test, 11 cas étaient positifs. Dans les établissements pénitentiaires, 9.213 fonctionnaires et détenus ont été testés, le nombre des cas positifs n’a pas été précisé.
Surveillance sécuritaire
Le bilan des opérations de surveillance sécuritaire effectuées depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, le 24 mars, jusqu’au 22 mai, est de 91.623 personnes sous poursuites judiciaires pour violation de l’état d’urgence sanitaire et autres délits. 4.362 d’entre eux ont été placées en détention préventive. 8,5 millions d’autorisations de déplacement exceptionnel ont été imprimées et distribuées par les autorités locales. 215.000 autres autorisations ont été délivrées pour des raisons professionnelles et économiques, 149.000 pour des raisons humaines.Une fois les mesures de confinement obligatoires levées, l’attention sécuritaire sera focalisée sur le respect des mesures de distanciation sociale et de protection sanitaire dans les commerces et les entreprises. Parmi les points qui risquent de générer un grand nombre de verbalisations, le port du masque de protection sanitaire dont on perçoit déjà un déclin d’utilisation.









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