Abdelkader Retnani
Le Prix du Maroc du Livre 2020 vient d’être rendu public. Ce qui devait être une fête du livre et de l’édition est passé quasiment inaperçu. Ce rituel se répète depuis 52 ans. Le Prix Grand Atlas et en fin de vie. La Confrérie Gutenberg a lancé le sien mais a été frappé dans son élan par la Covid-19, comme celui de la Région Casa-Settat, sans oublier les éphémères et mondains Prix de la Mamounia et Sofitel Tour Blanche. Pour faire le point des prix littéraires au Maroc, « L’Opinion » a contacté Abdelhak Najib, auteur et éditeur, Kenza Sefrioui, auteur et éditeur, lauréate du Prix Grand Atlas, Abdelkhaleq Jayed, auteur, et l’incontournable Abdelkader Retnani, éditeur et cheville ouvrière du Prix de la Confrérie Gutenberg et du Prix de la Région Casa-Settat.
Le Prix du Maroc du Livre 2020 vient d’être rendu public. Qu’en pensez-vous comme éditeur ? Quelle utilité représente-t-il pour les auteurs ?
Les prix littéraires sont, en général, les bienvenus, surtout dans un environnement qui n’est pas très favorable à la médiatisation de la littérature. C’est un secret de polichinelle que de dire que la presse culturelle est peu présente au Maroc. Aussi, toutes les occasions sont à prendre pour parler des livres et des auteurs.
Quelle utilité représente-t-il pour les libraires ? Aide-t-il, selon vous, à améliorer les ventes des livres ayant obtenu ce prix ?
C’est un effet automatique. Car qui dit Prix du Maroc du Livre, dit communication presse autour et donc publicité. Les lecteurs sont intéressés et les achats se font chez les libraires. Après, l’ampleur de cet élan varie en fonction des genres, des auteurs, de la langue et des thématiques abordées.
Nous sommes loin des augmentations colossales déclenchées par l’attribution de prix prestigieux comme le Goncourt mais, à l’échelle du pays, c’est une initiative louable qui gagnerait à être plus valorisée au niveau communicationnel, le rôle de l’éditeur est important pour la communication, médias et librairies.
La communication autour des ouvrages primés vous paraît-elle suffisante pour la promotion du Prix du Maroc du Livre en tant que tel ?
Justement, à mon sens, il y a une grande lacune au niveau de la communication, et ce, à toutes les étapes : que ce soit pour la candidature, les délibérations ou l’attribution des prix. Je vous donne un exemple : je suis éditeur et j’ai proposé des ouvrages pour ce prix cette année. J’ai été informé de la date de l’attribution le jour-même !
Alors qu’il aurait été bienvenu d’avoir une communication sur les ouvrages shortlistés vers la fin de l’année puis, au moins, d’être au courant de la date de remise des prix une quinzaine de jours au préalable.
On dirait que ce n’est pas un processus qui revient chaque année et que nous sommes continuellement surpris par ce que nous devons faire.
Cette communication vous paraît-elle suffisante pour la promotion des livres primés auprès des libraires et des lecteurs potentiels ?
Après la remise des prix, je ne note aucun effort de communication de la part du ministère. Ni auprès de ses services dans tout le Royaume pour veiller à la promotion des ouvrages primés ni auprès du grand public. C’est le grand silence!
Certes, il incombe à la maison d’édition de faire son travail mais un soutien de la part du ministère ne peut qu’être le bienvenu.
Les mêmes questions se posent pour le Prix Grand Atlas de l’Ambassade de France au Maroc. Que pensez-vous de ce prix ?
C’est une bonne initiative qui permet de garder ce lien et cet esprit de la francophonie qui me sont chers personnellement. Pendant longtemps, cela a été un signe de partenariat culturel entre la France et le Maroc.
Quel est l’effet sur l’édition au Maroc et des ventes des livres primés par le service culturel de l’Ambassade de France, de la communication faite autour des ouvrages primés par le Grand Prix Atlas ?
Au niveau communicationnel, il y a clairement plus d’efforts de la part de l’Ambassade de France. Des rencontres sont également organisées avec l’auteur autour de l’ouvrage primé, que ce soit dans les différents instituts français présents au Royaume ou dans des manifestations comme le Salon du Livre (Casablanca, Tanger...)
Selon vous le marché de l’édition et du livre est-il mûr pour lancer un prix sur le modèle français du Goncourt ou du Renaudot, par exemple ?
Les prix que vous citez n’ont pas connu leur notoriété actuelle du jour au lendemain. Elle a été bâtie sur 129 ans pour le Goncourt et 95 ans pour le Renaudot. Soulignons aussi que ce sont des initiatives privées et non étatiques. Il faut être réaliste et pragmatique tout en étant rêveurs. Pourquoi n’aurions-nous pas un prix littéraire, ou plusieurs, de cette envergure? Cela est possible. À condition de nous en donner les moyens. Que consacrons-nous aujourd’hui à la culture plus globalement et aux livres en particulier? Si les pouvoirs publics ont clairement un rôle à jouer pour la promotion de la lecture, notamment par l’introduction d’ouvrages marocains dans le programme scolaire, il en est de même pour les acteurs privés qui souvent préfèrent se tourner vers des projets autres que culturels par méconnaissance mais aussi car les accompagnements dans ce secteur ne sont pas à la hauteur des attentes, alors que le lecteur marocain attend avec impatience ces publications.
Une idée lancée il y a 4 ansle Prix Gutenberg par la confrérie des Gutenberg et qui a eu trois éditions. La pandémie l’a stoppé mais il devrait revenir en 2021.
Comment ne pas dire un mot sur les Prix littéraires lancés par la région CasablancaSettat en partenariat avec l’Union professionnelle des éditeurs du Maroc (UPEM) dans le but de promouvoir la culture et la lecture, des prix qui portent des noms emblématiques: Driss Chraïbi pour le Prix de l’Essai ou du Roman de l’année en langue française, Mohamed Zefzaf pour l’Essai ou le roman en langue arabe sera appelée, Mohamed Zerktouni pour l’essai ou le roman en langue amazighe et Tayeb Saddiki pour la traduction. Ce prix a connu un coup de frein avec la pandémie mais il n’est pas mort. Pour terminer, je dirais enfin qu’un prix c’est le lancement, et les signatures dans les librairies des différentes villes, c’est ce qui fait le succès d’une œuvre primée, ce n’est pas juste une annonce et une remise du prix au lauréat.
Entretien réalisé par Abdallah Bensmaïn.
Le Prix du Maroc du Livre 2020 vient d’être rendu public. Qu’en pensez-vous comme éditeur ? Quelle utilité représente-t-il pour les auteurs ?
Les prix littéraires sont, en général, les bienvenus, surtout dans un environnement qui n’est pas très favorable à la médiatisation de la littérature. C’est un secret de polichinelle que de dire que la presse culturelle est peu présente au Maroc. Aussi, toutes les occasions sont à prendre pour parler des livres et des auteurs.
Quelle utilité représente-t-il pour les libraires ? Aide-t-il, selon vous, à améliorer les ventes des livres ayant obtenu ce prix ?
C’est un effet automatique. Car qui dit Prix du Maroc du Livre, dit communication presse autour et donc publicité. Les lecteurs sont intéressés et les achats se font chez les libraires. Après, l’ampleur de cet élan varie en fonction des genres, des auteurs, de la langue et des thématiques abordées.
Nous sommes loin des augmentations colossales déclenchées par l’attribution de prix prestigieux comme le Goncourt mais, à l’échelle du pays, c’est une initiative louable qui gagnerait à être plus valorisée au niveau communicationnel, le rôle de l’éditeur est important pour la communication, médias et librairies.
La communication autour des ouvrages primés vous paraît-elle suffisante pour la promotion du Prix du Maroc du Livre en tant que tel ?
Justement, à mon sens, il y a une grande lacune au niveau de la communication, et ce, à toutes les étapes : que ce soit pour la candidature, les délibérations ou l’attribution des prix. Je vous donne un exemple : je suis éditeur et j’ai proposé des ouvrages pour ce prix cette année. J’ai été informé de la date de l’attribution le jour-même !
Alors qu’il aurait été bienvenu d’avoir une communication sur les ouvrages shortlistés vers la fin de l’année puis, au moins, d’être au courant de la date de remise des prix une quinzaine de jours au préalable.
On dirait que ce n’est pas un processus qui revient chaque année et que nous sommes continuellement surpris par ce que nous devons faire.
Cette communication vous paraît-elle suffisante pour la promotion des livres primés auprès des libraires et des lecteurs potentiels ?
Après la remise des prix, je ne note aucun effort de communication de la part du ministère. Ni auprès de ses services dans tout le Royaume pour veiller à la promotion des ouvrages primés ni auprès du grand public. C’est le grand silence!
Certes, il incombe à la maison d’édition de faire son travail mais un soutien de la part du ministère ne peut qu’être le bienvenu.
Les mêmes questions se posent pour le Prix Grand Atlas de l’Ambassade de France au Maroc. Que pensez-vous de ce prix ?
C’est une bonne initiative qui permet de garder ce lien et cet esprit de la francophonie qui me sont chers personnellement. Pendant longtemps, cela a été un signe de partenariat culturel entre la France et le Maroc.
Quel est l’effet sur l’édition au Maroc et des ventes des livres primés par le service culturel de l’Ambassade de France, de la communication faite autour des ouvrages primés par le Grand Prix Atlas ?
Au niveau communicationnel, il y a clairement plus d’efforts de la part de l’Ambassade de France. Des rencontres sont également organisées avec l’auteur autour de l’ouvrage primé, que ce soit dans les différents instituts français présents au Royaume ou dans des manifestations comme le Salon du Livre (Casablanca, Tanger...)
Selon vous le marché de l’édition et du livre est-il mûr pour lancer un prix sur le modèle français du Goncourt ou du Renaudot, par exemple ?
Les prix que vous citez n’ont pas connu leur notoriété actuelle du jour au lendemain. Elle a été bâtie sur 129 ans pour le Goncourt et 95 ans pour le Renaudot. Soulignons aussi que ce sont des initiatives privées et non étatiques. Il faut être réaliste et pragmatique tout en étant rêveurs. Pourquoi n’aurions-nous pas un prix littéraire, ou plusieurs, de cette envergure? Cela est possible. À condition de nous en donner les moyens. Que consacrons-nous aujourd’hui à la culture plus globalement et aux livres en particulier? Si les pouvoirs publics ont clairement un rôle à jouer pour la promotion de la lecture, notamment par l’introduction d’ouvrages marocains dans le programme scolaire, il en est de même pour les acteurs privés qui souvent préfèrent se tourner vers des projets autres que culturels par méconnaissance mais aussi car les accompagnements dans ce secteur ne sont pas à la hauteur des attentes, alors que le lecteur marocain attend avec impatience ces publications.
Une idée lancée il y a 4 ansle Prix Gutenberg par la confrérie des Gutenberg et qui a eu trois éditions. La pandémie l’a stoppé mais il devrait revenir en 2021.
Comment ne pas dire un mot sur les Prix littéraires lancés par la région CasablancaSettat en partenariat avec l’Union professionnelle des éditeurs du Maroc (UPEM) dans le but de promouvoir la culture et la lecture, des prix qui portent des noms emblématiques: Driss Chraïbi pour le Prix de l’Essai ou du Roman de l’année en langue française, Mohamed Zefzaf pour l’Essai ou le roman en langue arabe sera appelée, Mohamed Zerktouni pour l’essai ou le roman en langue amazighe et Tayeb Saddiki pour la traduction. Ce prix a connu un coup de frein avec la pandémie mais il n’est pas mort. Pour terminer, je dirais enfin qu’un prix c’est le lancement, et les signatures dans les librairies des différentes villes, c’est ce qui fait le succès d’une œuvre primée, ce n’est pas juste une annonce et une remise du prix au lauréat.
Entretien réalisé par Abdallah Bensmaïn.