Oeuvres politiques s’il en fut, « Le passé simple » de Driss Chraïbi, perçu ainsi par un lectorat « idéologue », et « La répudiation », présentée comme telle par son auteur qui signifiait par là son engagement, ont été suivies par d’autres oeuvres dans lesquelles les préoccupations politiques et sociales des auteurs se sont affirmées avec force pour Rachid Boudjedra, avec beaucoup moins d’enthousiasme pour Driss Chraïbi.
Au-delà de l’horizon oedipien et du complexe de castration, la psychanalyse n’a pas trouvé, semble-t-il, fertile le champ romanesque développé par Rachid Boudjedra, et Driss Chraïbi. Cette situation est due à plusieurs raisons : la polarisation de la critique sur les données politiques a occulté la dimension de l’inconscient.
Celui-ci, dans l’analyse idéologique, étant incompatible avec les impératifs socio-politiques de l’engagement.
L’effort de l’analyse de la littérature maghrébine était d’aboutir à une mise en relief du complexe d’Oedipe, à faire ressortir le complexe de castration essentiellement.
Le face à face Père-Fils
Dans sa préface à Oedipiades, une pièce de théâtre dont il est l’auteur, Driss Ksikes explique que la pièce est née de « L’obsession de mettre face à face un père et un fils, incertains de leur attachement l’un à l’autre ». Mais ce n’est pas pour autant, et malgré le titre, que le nom d’OEdipe va apparaître quelque part dans la pièce.
Dans la logique d’affrontement qui oppose le fils au père, le mythe n’est pas, à proprement parler, celui d’OEdipe mais celui de la horde primitive. OEdipe n’est pas en révolte contre le père, il le fuit même pour éviter de le rencontrer et démentir ainsi les oracles. Les enfants de la horde primitive le sont, pour lever les interdits, quitte à tuer le patriarche qui en est l’impitoyable et cruel gardien. Cette démarche, historiquement datée dans l’évolution de la critique psychanalytique, présente l’inconvénient majeur d’ignorer tout le travail de composition, d’élaboration des complexes, qu’ils soient oedipiens, de castration ou autres. A la manière de l’écriture, ces complexes sont des constructions.
A titre d’exemple, la crise de l’identité n’est pas perçue par rapport au sujet mais au groupe. Rachid Boudjedra qui affirme que «Le problème d’identité maghrébine est une invention d’anthropologues coloniaux», explique ce fourvoiement qui a longtemps caractérisée l’approche du texte maghrébin, engoncée qu’elle était dans la tradition et autre authenticité par opposition à l’Occident et ses valeurs, représenté souvent par la France, ancienne puissance colonisatrice. Le choix de Kateb Yacine comme précurseur de la littérature maghrébine procède d’un inconscient idéologique. Driss Chraïbi apparaît comme un antipatriote en ces temps de décolonisation où les peuples colonisés sont les « purs », avec des traditions et des cultures idéales. Si Driss Chraïbi magnifie l’Occident et jette un regard sans concession sur le pays, Kateb Yacine, au contraire, est dans la démarche d’inscription culturelle avec la figure tutélaire non pas du père mais de l’ancêtre Keblout. Une oeuvre théâtrale de Kateb Yacine ne porte-t-elle pas le titre emblématique « Les ancêtres redoublent de férocité » ?
Le sujet, la Tribu
Lacan dit bien que « Le père idéal, c’est le père mort », pour citer Edmond Ortigues qui ajoute que « les instances prescriptives sont empruntées à la génération antérieure, aux ascendants, parents, grands-parents…L’autorité n’est jamais contemporaine, elle est toujours antérieure ».
Le père ; c’est la loi. Ce n’est pas une personne physique mais « Le nom du père » qui en assure le respect. Père géniteur, père substitut, père social et père symbolique, « Le père est désigné par la mère et institué par le groupe social. Aucun père n’est père tout seul... Le père est l’homme d’une femme qui le désigne comme tel selon la loi et cette désignation n’est pas sans l’affecter, qu’il soit le géniteur ou non, son mari ou son compagnon ».
La démarche n’est pas psychanalytique mais anthropologique sinon idéologique qui s’inscrit dans la construction des identités nationales à versants fortement politiques à même de cacher ou, à tout le moins, de corrompre la démarche scientifique. L’analyse du texte littéraire, conte ou croyance ne s’inscrit pas dans une démarche clinique et thérapeutique, elle s’inscrit dans l’herméneutique. André Green affirme ainsi « qu’il existe en psychanalyse non seulement une théorie de la clinique, mais une pensée clinique, c’est-à-dire un mode original et spécifique de rationalité issue de l’expérience pratique».
Mais quelle expérience pratique le critique littéraire a-t-il de la clinique ?
Cette inflexion est importante : le contexte n’est pas clinique mais d’énonciation (littéraire, politique, économique, scientifique, par exemple). La butée n’est pas le symptôme (névrotique, paranoïaque, psychotique ou autre perversion) mais l’énonciation et sa structure.
Au-delà de l’horizon oedipien et du complexe de castration, la psychanalyse n’a pas trouvé, semble-t-il, fertile le champ romanesque développé par Rachid Boudjedra, et Driss Chraïbi. Cette situation est due à plusieurs raisons : la polarisation de la critique sur les données politiques a occulté la dimension de l’inconscient.
Celui-ci, dans l’analyse idéologique, étant incompatible avec les impératifs socio-politiques de l’engagement.
L’effort de l’analyse de la littérature maghrébine était d’aboutir à une mise en relief du complexe d’Oedipe, à faire ressortir le complexe de castration essentiellement.
Le face à face Père-Fils
Dans sa préface à Oedipiades, une pièce de théâtre dont il est l’auteur, Driss Ksikes explique que la pièce est née de « L’obsession de mettre face à face un père et un fils, incertains de leur attachement l’un à l’autre ». Mais ce n’est pas pour autant, et malgré le titre, que le nom d’OEdipe va apparaître quelque part dans la pièce.
Dans la logique d’affrontement qui oppose le fils au père, le mythe n’est pas, à proprement parler, celui d’OEdipe mais celui de la horde primitive. OEdipe n’est pas en révolte contre le père, il le fuit même pour éviter de le rencontrer et démentir ainsi les oracles. Les enfants de la horde primitive le sont, pour lever les interdits, quitte à tuer le patriarche qui en est l’impitoyable et cruel gardien. Cette démarche, historiquement datée dans l’évolution de la critique psychanalytique, présente l’inconvénient majeur d’ignorer tout le travail de composition, d’élaboration des complexes, qu’ils soient oedipiens, de castration ou autres. A la manière de l’écriture, ces complexes sont des constructions.
A titre d’exemple, la crise de l’identité n’est pas perçue par rapport au sujet mais au groupe. Rachid Boudjedra qui affirme que «Le problème d’identité maghrébine est une invention d’anthropologues coloniaux», explique ce fourvoiement qui a longtemps caractérisée l’approche du texte maghrébin, engoncée qu’elle était dans la tradition et autre authenticité par opposition à l’Occident et ses valeurs, représenté souvent par la France, ancienne puissance colonisatrice. Le choix de Kateb Yacine comme précurseur de la littérature maghrébine procède d’un inconscient idéologique. Driss Chraïbi apparaît comme un antipatriote en ces temps de décolonisation où les peuples colonisés sont les « purs », avec des traditions et des cultures idéales. Si Driss Chraïbi magnifie l’Occident et jette un regard sans concession sur le pays, Kateb Yacine, au contraire, est dans la démarche d’inscription culturelle avec la figure tutélaire non pas du père mais de l’ancêtre Keblout. Une oeuvre théâtrale de Kateb Yacine ne porte-t-elle pas le titre emblématique « Les ancêtres redoublent de férocité » ?
Le sujet, la Tribu
Lacan dit bien que « Le père idéal, c’est le père mort », pour citer Edmond Ortigues qui ajoute que « les instances prescriptives sont empruntées à la génération antérieure, aux ascendants, parents, grands-parents…L’autorité n’est jamais contemporaine, elle est toujours antérieure ».
Le père ; c’est la loi. Ce n’est pas une personne physique mais « Le nom du père » qui en assure le respect. Père géniteur, père substitut, père social et père symbolique, « Le père est désigné par la mère et institué par le groupe social. Aucun père n’est père tout seul... Le père est l’homme d’une femme qui le désigne comme tel selon la loi et cette désignation n’est pas sans l’affecter, qu’il soit le géniteur ou non, son mari ou son compagnon ».
La démarche n’est pas psychanalytique mais anthropologique sinon idéologique qui s’inscrit dans la construction des identités nationales à versants fortement politiques à même de cacher ou, à tout le moins, de corrompre la démarche scientifique. L’analyse du texte littéraire, conte ou croyance ne s’inscrit pas dans une démarche clinique et thérapeutique, elle s’inscrit dans l’herméneutique. André Green affirme ainsi « qu’il existe en psychanalyse non seulement une théorie de la clinique, mais une pensée clinique, c’est-à-dire un mode original et spécifique de rationalité issue de l’expérience pratique».
Mais quelle expérience pratique le critique littéraire a-t-il de la clinique ?
Cette inflexion est importante : le contexte n’est pas clinique mais d’énonciation (littéraire, politique, économique, scientifique, par exemple). La butée n’est pas le symptôme (névrotique, paranoïaque, psychotique ou autre perversion) mais l’énonciation et sa structure.
Abdallah BENSMAÏN