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Les Marocains dans l’attente des prix raffinés

La guerre du pétrole a déjà lieu


Rédigé par Ahmed NAJI Jeudi 12 Mars 2020

Suite à la mésentente entre Saoudiens et Russes, les cours du brut se sont effondrés. Les prix à la pompe suivront-ils ?



Les Marocains dans l’attente des prix raffinés
Les plus de 4.000 morts victimes de l’épidémie du Coronavirus ne sont que la partie visible de l’iceberg des dommages causés par cette maladie pneumo-virale. Avec une économie qui tourne au ralenti, du fait de la mise en quarantaine de villes entières et de la contraction de ses échanges commerciaux avec l’étranger, la Chine, atelier du monde, a consommé moins de pétrole qu’en temps normal, sa demande de ce produit s’étant alors brutalement réduite.

Les cours du baril de pétrole piquent du nez

Et comme l’hiver n’a pas été très froid cette année, Européens et Américains ont eu moins besoin d’énergie pour se chauffer. Depuis la fin de l’année écoulée, face à une offre surabondante, les cours du baril de pétrole brut ont entamé une tendance baissière que le consommateur marocain a commencé à constater seulement depuis quelques jours, de manière d’ailleurs fort modérée.

Hier, le baril de pétrole brut affichait approximativement les 35 dollars, suite à une dégringolade des cours de 30% sur les marchés entamée le vendredi 6 mars, la chute des cours du lundi 9 mars étant la pire depuis la Guerre du Golfe, en 1991.

La légère reprise du mardi est loin de parvenir à absorber le krach de la veille.

Ce fameux vendredi où l’engrenage du recul des prix du baril de pétrole a été enclenché est celui qui a vu l’Arabie Saoudite proposer à la Russie, au cours de la réunion de l’OPEP, de réduire la production mondiale de 1,5 million de barils par jour, pour contrecarrer la tendance baissière des cours. Sauf que Moscou avait une tout autre vision des choses et sa réponse fut « Niet»! C’est là où la lutte d’hégémonie entre grandes puissances vient fausser tous les calculs.

L’ours veut assouvir sa vengeance quand l’aigle bat de l’aile

À moins de 48 dollars le baril, le pétrole et le gaz de schiste extrait aux Etats-Unis par la technique de fracturation ne sont pas du tout rentables, les entreprises du secteur, qui ne parviennent pas à dégager de bénéfices, étant même déjà surendettées. Pour parvenir à dégager suffisamment de recettes pour rester à flot, l’industrie de la fracturation américaine a besoin, selon Bloomberg, d’un prix de près de 70 dollars le baril de pétrole, qu’il n’a plus atteint depuis 2014.

Les Russes le savent et comptent bien profiter de l’opportunité de la chute des cours du pétrole pour briser définitivement les entreprises de fracturation américaines. Une manière de rendre la monnaie aux Etats-Unis pour toutes les misères qui leur ont faites à travers les sanctions à leur encontre, ainsi qu’en Ukraine et en Syrie, outre les bâtons dans les roues de la construction du gazoduc North Stream 2, dont l’achèvement ne cesse d’être ainsi retardé. Comme Moscou a amassé un sacré matelas de devises et stocké des tonnes d’or au cours des dernières années, il peut se permettre de voir venir. Six à dix ans, pour un baril entre 25 à 30 dollars, selon le ministre russe des Finances. Alors que les Etats-Unis, endettés jusqu’aux yeux, n’évitent le krach que grâce aux interventions de la Réserve fédérale qui alimente les marchés financiers en liquidités, solution qui ne saurait être durable.Enchevêtrement d’intérêts contradictoires.

Si l’Arabie Saoudite ne voit pas d’un mauvais oeil l’industrie américaine de la fracturation se fracturer sur des cours bas du pétrole, elle a, toutefois, ses propres problèmes, avec un déficit budgétaire de 50 milliards de dollars prévu en 2020, soit 6,4% du PIB saoudien, mais ce sur la base d’un baril à 63 dollars.

Déjà saignée par une guerre du Yémen qu’elle ne parvient pas à remporter, Ryad, dans une réaction outrancière de dépit face au « Niet » russe de réduire la production de brut, s’est lancé dans une guerre de parts de marchés face à la Russie, en décidant d’inonder le marché de 12,3 millions de baril par jour, pour un prix de 10,25 dollars inférieur au baril du Brent.

Sachant que la capacité de production saoudienne est de 9,7 millions de barils par jour, elle devra donc puiser dans ses stocks, estimés à 260 millions de barils. Objectif : punir Moscou pour avoir fait de l’OPEP un zombie. Gagnera cette partie de bras de fer celui dont les réserves financières lui permettront de tenir le plus longtemps.

Pour les consommateurs marocains, chaque baisse des cours ne se reflète sur les prix à la pompe qu’une fois acquis par les distributeurs du produit raffiné. Ainsi, malgré la baisse de 27% des cours depuis le 1er janvier, elle n’est que de 9% à la pompe.
Ahmed NAJI



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