Il ne fait aucun doute que l’Afrique est le nouvel eldorado de la Chine qui y a renforcé sa présence au cours des vingt dernières années de façon si remarquable qu’elle est parvenue à devenir le premier partenaire commercial du continent noir. Avec un volume d'échanges supérieur à 263,3 milliards de dollars, Pékin s’est enraciné en Afrique au point que son projet des nouvelles routes de la soie préoccupe ses rivaux internationaux. Au moment où le continent se transforme en un rude théâtre de compétition entre les puissances mondiales qui rivalisent d’investissement pour s’arroger des zones d’influence, la Chine parie sur le business mutuellement bénéfique. L’Empire du Milieu n’entend pas s’arrêter là et voit plus loin. Pas de meilleure occasion que celle qu’offre le Forum sino-africain dont on connaît désormais la date. Le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) aura lieu en automne prochain à Pékin, selon les déclarations du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors d’une conférence de presse. Le gouvernement chinois entend faire de ce rendez-vous, devenu incontournable, une plateforme d’échanges et de débat sur l’avenir de la coopération sino-africaine dans les années à venir. Le ministre Wang a fait part de la volonté de son pays “d’ouvrir de nouveaux horizons pour le développement commun”.
Les priorités du Royaume
Selon nos informations, le Maroc participera comme chaque année à ce rendez-vous annuel. Or, le niveau de participation reste à définir, selon une source diplomatique. Pour le Royaume, le cap est fixé. Il s’agit de passer à la vitesse supérieure au moment où le partenariat économique n’a jamais été aussi prospère qu’aujourd’hui, bien que les deux pays soient capables d’en faire plus. Le Maroc a fait part de ses attentes par la voix de son ambassadeur à Pékin, Abdelkader El Ansari. Lorsqu’il s’est confié à la chaîne de télévision publique chinoise CGTN, il a clairement fait savoir que le Maroc est “prêt à se positionner comme partenaire économique essentiel de la Chine à la faveur des excellentes relations qui lient les deux pays et de leurs marchés qui représentent des hubs dans leurs régions respectives. Donc, la stratégie marocaine est claire. Le Maroc, qui se présente comme une porte d’entrée en Afrique, veut se positionner comme un hub régional pour les investissements chinois.
Cette déclaration n’est pas fortuite et semble être faite au moment où Rabat et Pékin s’emploient à fructifier leur coopération économique. Ceci a fait l’objet de la dernière réunion entre le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, et son homologue chinois, Wang Wentao, à Rabat. Le ministre chinois a clamé, au nom de la Chine, la volonté de “promouvoir les relations de coopération entre les deux pays”. A scruter ses déclarations faites à l’issue de la réunion, on comprend que Pékin entend jouer deux cartes principales pour renforcer sa présence au Maroc. D’abord, il entend augmenter ses investissements à travers ses entreprises. Ensuite, Pékin entend saisir le potentiel de la Zone de libre-échange continentale africaine pour promouvoir le commerce.
Pour sa part, le Maroc veut s’affirmer davantage comme une destination privilégiée pour les investisseurs chinois en jouant la carte des accords de libre-échange dont il est signataire et qui donnent accès à un marché de 2,4 milliards de consommateurs. C’est ce qu’a expliqué l’ambassadeur marocain lors de son interview accordée à CGTN.
Un commerce en plein essor, au grand bonheur de la Chine
Actuellement, Rabat et Pékin veulent raffermir leur coopération au moment où les indices sont encourageants. Le commerce bilatéral ne cesse de progresser avec une hausse de 50% du volume des échanges en 2022. Maintenant, nous sommes à 7,6 milliards de dollars, ce qui fait de la Chine le troisième partenaire commercial du Royaume et son principal partenaire en Asie. Cet élan positif concerne également les investissements qui ont atteint, en 2022, 56 millions de dollars. Les IDE chinois, rappelons-le, sont répartis sur plusieurs secteurs, tels que l’industrie, les grands travaux, le transport, l’immobilier, l’énergie et les mines. L’industrie se taille la part du lion en accaparant 52%. Toutefois, la Chine peut faire mieux et investir plus, aux yeux des autorités marocaines. Abdelkader El Ansari a été clair quand il a fait savoir que les investissements chinois au Maroc demeurent en deçà des potentialités des deux pays.
Le Maroc porte également le souci d’équilibrer autant que possible son commerce avec le géant asiatique, sachant qu’il en sort déficitaire. Force est de constater que le déficit ne cesse de s'aggraver d’année en année pour dépasser la barre de 70,6 milliards de dirhams en 2023. L’hémorragie continue depuis 2011. C’est pour cette raison que le ministre Ryad Mezzour a plaidé, lors de son entretien avec son homologue chinois à Rabat, pour “une accessibilité renforcée” des entreprises marocaines dans le marché chinois.
Les investissements peinent à suivre le négoce !
Entre-temps, le Maroc parie également sur une hausse des investissements chinois pour compenser les pertes au niveau commercial. La Chine, rappelons-le, ne figure même pas dans le top 5 des premiers pays pourvoyeurs d’IDE. Ce souci est partagé également par les autorités chinoises, comme le fait savoir l’ambassadeur de Chine, Li Changlin. Dans une précédente interview accordée à “L’Opinion”, le diplomate a indiqué que “la Chine ne cherche pas éperdument d’excédent commercial”. “Ce n’est pas notre ultime objectif”, a-t-il répondu quand nous l’avons interrogé sur le caractère chronique du déficit commercial subi par le Maroc.
Maintenant, les deux pays veulent capitaliser sur les acquis obtenus jusqu’à présent pour aller de l’avant. Des projets sont en cours de préparation pour attirer davantage d’investisseurs chinois. Ceci a fait l’objet d’un mémorandum de Coopération signé, en avril 2023, entre l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), la Zone de Développement Économique de Wuhan et la Fédération Internationale des Entrepreneurs Chinois, à l'occasion du Road Show organisé par l’AMDIE en Chine. Un accord destiné à attirer les investissements chinois, surtout dans le secteur automobile. Le Maroc semble mettre le paquet sur ce secteur stratégique en pariant sur la technologie chinoise pour développer un écosystème de production des voitures électriques.
Un premier pas a été fait suite à la signature d’un mémorandum d’entente entre l’AMDIE et le géant sino-européen Gotion High-tech en vue d’installer une usine de production de batteries électriques au Maroc avec un investissement estimé à 65 milliards de dirhams. Cette première gigafactory, la première en Afrique, devrait marquer la naissance d’un nouveau secteur de pointe au Maroc et un prélude à une présence renforcée de la Chine au Royaume. Encore faut-il traduire les annonces en réalité.