Les signes précurseurs étaient là, du plus évident au plus improbable. Il y eut d’abord la sortie étonnante du chef du gouvernement dimanche 19 juillet, lors de laquelle il a appelé les Marocains à ne pas se déplacer lors des vacances de l’Aïd El Kbir. Propos jugé dans un premier temps farfelu au vu de la circulaire émise par le même El Othmani trois jours auparavant, appelant les Marocains à privilégier le tourisme interne et à loger dans les hôtels. Propos également et complètement à contrepied de la circulaire émise la veille par le ministère de l’Intérieur annonçant le passage à la troisième phase du déconfinement et instituant le rehaussement de la capacité des hôtels et des transports publics, respectivement à 100 et 75%. Propos, enfin, que le chef du gouvernement confirmera lors de son passage lundi à la Chambre des Représentants à l’occasion de la séance mensuelle des questions de politique générale.
Indices et signes précurseurs
Dans cette série d’indices, il y avait aussi l’inquiétante explosion du nombre de contaminations au Covid-19 enregistrée durant les quatre derniers jours avec un pic alarmant de 811 nouveaux cas confirmés le samedi 25 juillet et dont la majorité a été diagnostiquée à Tanger. Au lendemain même de l’annonce de ce bilan record qui laissait présager le pire pour la ville du détroit, les images insolites de hordes composées de centaines de marcheurs qui quittaient Tanger à pied, surgissent sur les réseaux sociaux, rappelant ces images d’exodes consécutifs aux conflits armés.
Mais voilà, en ce dimanche 26 juillet, très ensoleillé et donc très propice aux déplacements et aux débuts de voyages, les Marocains étaient loin de se douter de ce qui allait suivre, ne croyant guère à la perspective pourtant très probable d’un reconfinement général annoncée la veille même par le ministre de la santé Khalid Aït Taleb. «Le retour au confinement peut intervenir à tout moment en cas de non respect des mesures sanitaires», avait-il en effet prévenu lors de son intervention dans un webinaire organisé par la Société marocaine des sciences médicales.
Verdict sévère
La sentence tombe dimanche en début de soirée, à un moment de grand trafic routier en raison des retours de vacances ou simplement de plages. Un communiqué commun des ministères de la Santé et de l’Intérieur, celui-là même qui avait décrété une semaine auparavant le rehaussement de la capacité hôtelière à 100%, annonce aux Marocains qu’ils étaient désormais interdits d’aller ou de quitter huit villes dont plusieurs chefs lieux de région: Marrakech, Settat, Berrechid, Casablanca, Fès, Meknès, Tanger et Tétouan.
Il n’en faut pas plus pour provoquer une véritable ruée au niveau des principaux axes routiers du Royaume. Routes, gares ferroviaires et routières sont assaillies dès la moitié de soirée de ce dimanche 26 juillet de triste mémoire par des nuées de citoyens soucieux de rejoindre les leurs ou de regagner leurs villes de résidence. Résultat : des bouchons et un désordre indescriptibles ont été signalés dans plusieurs régions du royaume. Notamment à l’entrée et à la sortie de Casablanca, Tétouan et Marrakech, ainsi que des autres villes visées par les mesures de restriction de déplacement édictées par les ministères de l’Intérieur et de la Santé.
Des gens mettent fin brutalement à leurs vacances, soucieux qu’ils sont de regagner leurs maisons en cette période porteuse de grandes incertitudes. Des retours improvisés et en catastrophe sont rapportés par des témoins oculaires dans des hôtels.
Et inversement, d’autres gens, notamment les ouvriers et les petites mains du commerce et des services au niveau des grandes villes, s’empressent de faire leurs bagages pour aller rejoindre les leurs dans leurs régions d’origine. «J’ai déjà envoyé l’argent pour l’achat du mouton et je ne peux pas rester seul ici à Rabat, j’ai donc avancé ma date de départ, sans même en aviser mon employeur», nous dit ainsi Saïd, jeune jardinier marié et père de famille originaire du Sud du Maroc, rencontré à la gare routière de Kamra. Questionné sur les répercussions d’une telle démarche sur son avenir professionnel, Saïd nous dit avec aplomb : «Je n’en sais rien et de toute façon, au vu de la façon avec laquelle le gouvernement prend ses décisions, je ne peux pas me projeter vers l’avenir. Je ne peux donc parer qu’au plus urgent».
La désolation des hôteliers
Du côté des hôteliers, c’est la stupéfaction totale et la désolation. «Je me sens trahi. J’avais trois cent réservations pour la période de l’Aïd, j’ai investi dans la réouverture de mon établissement en effectuant des travaux, en soumettant l’ensemble de mon personnel et à mes frais aux tests PCR, sans oublier l’achat des équipements de contrôle et de désinfection, ainsi que le ravitaillement. En tout, nous avons dépensé un million de dirhams en cette période de crise et qui sont partis en fumée après la décision des autorités de verrouiller huit villes. Aujourd’hui, je songe sérieusement à fermer mon établissement en attendant d’y voir plus clair», nous a déclaré le propriétaire d’un grand établissement hôtelier de Marrakech, spécialisé dans l’hébergement en all inclusive.
Techniquement, la décision prise par le gouvernement de verrouiller huit parmi les plus grandes villes du pays équivaut à un re-lockdown général des populations qui ne dit pas son nom. Elle équivaut aussi à une annulation pure et simple du système de zonage des villes et régions selon leur degré de contamination en zone 1 et 2. De facto, des villes comme Rabat quoique épargnées par les nouvelles restrictions, se retrouvent enclavées et leur population également interdites de déplacements en dehors d’un certain périmètre. «J’avais réservé et payé des billets d’avion pour ma famille à destination de Dakhla et en partance de Marrakech. J’avais également réservé et payé un hôtel. Là, tout mon plan vacances tombe à l’eau», déplore Hicham, cadre Rbati.
Dans sa formulation, le communiqué des ministères de l’Intérieur et de la Santé établit une corrélation justifiée mais culpabilisante de ce retour au mode lockdown avec le relâchement constaté parmi les populations en ce qui concerne le respect des mesures de distanciation et de protection sanitaire, dont notamment le port des masques et bavettes. Si ce retour de bâton semble justifié au vu de l’augmentation alarmante du nombre de cas de contamination et de décès enregistrée depuis l’allégement des mesures de confinement, ce qui interpelle c’est la façon et le timing de prise de décision.
Lundi matin, au lendemain de ce qui est désormais appelé le reconfinement, des barrages surgissent sur les principaux axes routiers. La vigilance quant au port du masque, ainsi que sur la vérification des titres et autorisations de déplacements qui doivent êtres délivrées par les autorités et non plus par l’employeur, semble moins sévère qu’attendu. Ce qui n’empêche pas la formation de bouchons plus ou moins longs à l’entrée des villes. Entre automobilistes, la même rengaine est de mise : «Pourquoi ils n’ont pas annoncé cette mesure à l’avance de manière claire et transparente, pourquoi ils n’ont tout bonnement pas annulé l’Aïd El Kbir?»… Oui, pourquoi?
Mais voilà, en ce dimanche 26 juillet, très ensoleillé et donc très propice aux déplacements et aux débuts de voyages, les Marocains étaient loin de se douter de ce qui allait suivre, ne croyant guère à la perspective pourtant très probable d’un reconfinement général annoncée la veille même par le ministre de la santé Khalid Aït Taleb. «Le retour au confinement peut intervenir à tout moment en cas de non respect des mesures sanitaires», avait-il en effet prévenu lors de son intervention dans un webinaire organisé par la Société marocaine des sciences médicales.
Verdict sévère
La sentence tombe dimanche en début de soirée, à un moment de grand trafic routier en raison des retours de vacances ou simplement de plages. Un communiqué commun des ministères de la Santé et de l’Intérieur, celui-là même qui avait décrété une semaine auparavant le rehaussement de la capacité hôtelière à 100%, annonce aux Marocains qu’ils étaient désormais interdits d’aller ou de quitter huit villes dont plusieurs chefs lieux de région: Marrakech, Settat, Berrechid, Casablanca, Fès, Meknès, Tanger et Tétouan.
Il n’en faut pas plus pour provoquer une véritable ruée au niveau des principaux axes routiers du Royaume. Routes, gares ferroviaires et routières sont assaillies dès la moitié de soirée de ce dimanche 26 juillet de triste mémoire par des nuées de citoyens soucieux de rejoindre les leurs ou de regagner leurs villes de résidence. Résultat : des bouchons et un désordre indescriptibles ont été signalés dans plusieurs régions du royaume. Notamment à l’entrée et à la sortie de Casablanca, Tétouan et Marrakech, ainsi que des autres villes visées par les mesures de restriction de déplacement édictées par les ministères de l’Intérieur et de la Santé.
Des gens mettent fin brutalement à leurs vacances, soucieux qu’ils sont de regagner leurs maisons en cette période porteuse de grandes incertitudes. Des retours improvisés et en catastrophe sont rapportés par des témoins oculaires dans des hôtels.
Et inversement, d’autres gens, notamment les ouvriers et les petites mains du commerce et des services au niveau des grandes villes, s’empressent de faire leurs bagages pour aller rejoindre les leurs dans leurs régions d’origine. «J’ai déjà envoyé l’argent pour l’achat du mouton et je ne peux pas rester seul ici à Rabat, j’ai donc avancé ma date de départ, sans même en aviser mon employeur», nous dit ainsi Saïd, jeune jardinier marié et père de famille originaire du Sud du Maroc, rencontré à la gare routière de Kamra. Questionné sur les répercussions d’une telle démarche sur son avenir professionnel, Saïd nous dit avec aplomb : «Je n’en sais rien et de toute façon, au vu de la façon avec laquelle le gouvernement prend ses décisions, je ne peux pas me projeter vers l’avenir. Je ne peux donc parer qu’au plus urgent».
La désolation des hôteliers
Du côté des hôteliers, c’est la stupéfaction totale et la désolation. «Je me sens trahi. J’avais trois cent réservations pour la période de l’Aïd, j’ai investi dans la réouverture de mon établissement en effectuant des travaux, en soumettant l’ensemble de mon personnel et à mes frais aux tests PCR, sans oublier l’achat des équipements de contrôle et de désinfection, ainsi que le ravitaillement. En tout, nous avons dépensé un million de dirhams en cette période de crise et qui sont partis en fumée après la décision des autorités de verrouiller huit villes. Aujourd’hui, je songe sérieusement à fermer mon établissement en attendant d’y voir plus clair», nous a déclaré le propriétaire d’un grand établissement hôtelier de Marrakech, spécialisé dans l’hébergement en all inclusive.
Techniquement, la décision prise par le gouvernement de verrouiller huit parmi les plus grandes villes du pays équivaut à un re-lockdown général des populations qui ne dit pas son nom. Elle équivaut aussi à une annulation pure et simple du système de zonage des villes et régions selon leur degré de contamination en zone 1 et 2. De facto, des villes comme Rabat quoique épargnées par les nouvelles restrictions, se retrouvent enclavées et leur population également interdites de déplacements en dehors d’un certain périmètre. «J’avais réservé et payé des billets d’avion pour ma famille à destination de Dakhla et en partance de Marrakech. J’avais également réservé et payé un hôtel. Là, tout mon plan vacances tombe à l’eau», déplore Hicham, cadre Rbati.
Dans sa formulation, le communiqué des ministères de l’Intérieur et de la Santé établit une corrélation justifiée mais culpabilisante de ce retour au mode lockdown avec le relâchement constaté parmi les populations en ce qui concerne le respect des mesures de distanciation et de protection sanitaire, dont notamment le port des masques et bavettes. Si ce retour de bâton semble justifié au vu de l’augmentation alarmante du nombre de cas de contamination et de décès enregistrée depuis l’allégement des mesures de confinement, ce qui interpelle c’est la façon et le timing de prise de décision.
Lundi matin, au lendemain de ce qui est désormais appelé le reconfinement, des barrages surgissent sur les principaux axes routiers. La vigilance quant au port du masque, ainsi que sur la vérification des titres et autorisations de déplacements qui doivent êtres délivrées par les autorités et non plus par l’employeur, semble moins sévère qu’attendu. Ce qui n’empêche pas la formation de bouchons plus ou moins longs à l’entrée des villes. Entre automobilistes, la même rengaine est de mise : «Pourquoi ils n’ont pas annoncé cette mesure à l’avance de manière claire et transparente, pourquoi ils n’ont tout bonnement pas annulé l’Aïd El Kbir?»… Oui, pourquoi?
Lilya EL ALLOULI
Encadré
Etrange chronologie d’une mesure volte-face
Ni zone 1, ni 2, seulement le lockdown
Investissements partis en fumée
Des exceptions à préciser
Le jeudi 16 juillet, à l’issue d’un Conseil de gouvernement, le chef du gouvernement publie une circulaire dans laquelle il incite les Marocains à voyager et à loger dans des hôtels en vue d’aider à la relance d’un tourisme local complètement ravagé par la pandémie du Coronavirus. Deux jours plus tard, samedi 18 en soirée, le ministère de l’Intérieur semble lui emboîter le pas en annonçant un étonnant passage à la troisième phase de déconfinement à compter de dimanche à minuit, alors même que le pays commence à enregistrer une inquiétante remontée des contaminations. Quelques heures avant l’entrée en vigueur de cette mesure, le chef du gouvernement, lors d’une conférence avec le ministre de la Santé, surprend son monde en faisant machine arrière et en appelant les Marocains à ne pas voyager pendant la période de l’Aïd. Il confirmera cette volte-face perçue comme un appel au boycott du tourisme local, le lendemain, lundi à la Chambre des Représentants à l’occasion de la séance mensuelle des questions de politique générale.Repères
Ni zone 1, ni 2, seulement le lockdown
Echaudés par des rebondissements à répétition, les hôteliers ne savent plus sur quel pied danser. Après l’annonce d’un rehaussement de leur capacité d’hébergement à 100% par le ministère de l’Intérieur, qui avait été interprété comme un fort signal de reprise d’activité et donc d’investissements, les professionnels du tourisme et notamment ceux des villes de Marrakech et de Tanger, ont vite dû déchanter après l’annonce du gouvernement du maintien de la distinction entre zone 1 et zone 2 qui excluait de facto leurs établissements d’une reprise tant attendue. Avec la dernière décision, cette mesure vient d’être annulée. Mais …
Investissements partis en fumée
Parmi les hôteliers des villes confinées, l’espoir demeurait quant à une certaine souplesse envers leur secteur littéralement ravagé par la crise. Encore une fois, il n’en sera rien avec l’entrée en application d’une mesure stricte de reconfinement de plusieurs villes à compter du dimanche 26 juillet à minuit. Entre temps, d’importants investissements en termes d’équipements et de ravitaillement spécialement consentis pour les vacances de l’Aïd seront partis en fumée. Résultat des courses : nombre d’hôteliers songent sérieusement aujourd’hui à fermer leurs établissements et à licencier leur personnel.
Des exceptions à préciser
La formulation du communiqué des ministères de l’Intérieur et de la Santé laisse place à quelques exceptions, notamment pour les personnes en déplacement pour raisons médicales et les transporteurs de marchandises. Sont également exclus de l’interdiction de déplacement les employés des secteurs privé et public à condition qu’ils justifient d’un ordre de mission signé par leurs employeurs et d’une attestation délivrée par les autorités locales. Cette dernière exigence constitue un durcissement des conditions de circulation en comparaison avec ce qui était en vigueur en période de confinement total. Elle pose problème au même titre que l’absence d’échéance chronologique quant au maintien de cette mesure.