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Culture

MAGAZINE : Fatime Zahra Morjani, le feuillage qui cache la forêt


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 27 Octobre 2024

Elle expose jusqu’au 23 novembre à la galerie Shart de Casablanca. Architecte de formation, l’artiste s’entiche de l’art pictural et photographique et y plonge depuis 2010. Avec « Analogies », elle explore le végétal, le sombre et la lumière. Avec classe et abnégation. Lecture.



​Un cas ! Elle ne fait qu’à sa tête ou plutôt qu’à ce qui la fait vibrer. Seule. Mais elle le partage avec la nonchalance d’une artiste, bien que l’exigence de l’architecte qu’elle est la pousse à ramasser le geste en le diluant dans une création indéterminée. Elle est dans la photo non avouée, dans la peinture, dans la récupération visuelle et par à-coups physique. Avec cette spécificité de gorger la lumière d’ombre. Son monde plastique garde de la définir et c’est bien ainsi. Qu’elle continue à surprendre, à troubler, à taire les émotions qui la font avancer. Son coin de jardin secret ne peut que s’élargir dans un esprit voué à promouvoir le chuchotement de vibrations enfouies. Elle compte émouvoir, mais laissons agir l’avenir.

Apparemment, elle y tient coeur et âme. Que ce « Analogies » l’assiste pour la suite de ses beaux égarements. Et si elle ne se trompe pas, Fatime Zahra Morjani se trempe dans un univers bouillonnant de non-dits mais elle saura continuellement en relever la tête. On y croit. Dans le texte du catalogue, teint de proximité avec l’artiste, l’architecte et enseignante Salima S. El Mandjra raconte en expliquant : « Depuis quelques années, elle utilise le cyanotype comme procédé photographique. Pour le réaliser, elle allie fragment de plante, émulsion chimique et temps de pause au rayonnement solaire, en se fiant à leurs intelligences respectives. Le geste des ‘’Rituels’’, un des ferments de son inspiration et objet en 2020 d’une exposition, apparait en filigrane. Chaque empreinte progressivement révélée malgré les 150 millions de kms qui séparent le végétal de l’onde immémoriale, retrace cette imperceptible application. Ce contact peau à peau ravive le souvenir de ces ‘’Taxidermies du paysage’’ présentées en 2018. La cristallisation de cette silencieuse pulsation du présent, allégorie de la nécessaire photosynthèse opérée par l’énergie solaire pour féconder la vie sur terre, ressuscite et restitue la fugacité d’une métamorphose et l’échappée du temps. Cet instantané atteste de ce qui fut et n’est plus, aussi bien dans le choix du média que dans l’objet de l’oeuvre produite. » Ce fragment du texte du catalogue intitulé « Miroitements » laisse sans voie, tellement ses ruelles s’entrechoquent.
 
Maroc, Pologne, Ethiopie

On y retourne. « Analogies » est une création plus nocturne que diurne. Pas par rapport à l’ambiance, mais plus pour l’approche qui renvoie à un isolement hors sons et tons, ce calme dans lequel fusionnent toutes les musiques de la vie, celles qu’on aime et les autres. Mais pour El Mandjra qui dessine également, la description est claire comme le jour. Poursuivons : « La lumière si active dans ses cyanotypes lui inspire une série de tableaux à l’huile, technique qui bien que toujours d’actualité, est encore plus ancienne et requiert du temps. Elle figure sur la toile ‘’ La physionomie recueillie des végétaux’’, en orientant différemment à chaque fois la source du rayonnement, rappelant ainsi la rotation de la terre et l’impermanence de tout instant. La palette chromatique de ces modulations ne reprend ni les teintes du cyanotype ni celles de la plante originelle.

Par ce détachement, l’artiste en dévoile une nature additionnelle qui en déploie le discernement. Ce jumelage, cette représentation d’une représentation, souligne combien chacune, aussi proche soit-elle de la réalité, restitue l’effigie d’une perception singulière sans pour autant en transmettre l’entière teneur. Prélèvement incomplet, chaque image refléterait ainsi de façon altérée une situation pourtant capturée. » Grandiose et édifiant ! Et cela n’est pas « au creux du silence ». En somme, entre feuilles et effeuillage, toute une forêt de création se dresse devant Fatime Zahra Morjani. Sans conformité aucune. De ce que lui suggèrent ses expériences cultivées entre le Maroc, la Pologne et l’Ethiopie, la palette ne risque pas de sécher. Et que pleuvent les idées… L’inondation artistique est toujours la bienvenue.








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