Hamid El Kasri le 29 juin en clôture du 25e Festival Gnaoua et Musiques du Monde, place Moulay Hassan.
Vingt-cinq années de labeur et d’innovation avec, comme thème nodal, les Maâlems gnaouas, ceux-là qui connaissent progressivement la reconnaissance internationale. Et c’est un festival, auréolé du sceau privé, qui fait émerger tout un patrimoine, toute une histoire, plongeant le pays dans ses solides racines africaines. Un challenge qui continue de surprendre, une déflagration ininterrompue qui dévoile chaque année des facettes inédites sans jamais perdre l’essence de son identité. Un festival qui grandit à bords perdus, une manifestation où les publics se mêlent, où le mot d’ordre primordial est la communion. Communion également entre tagnaouite et des musiques venues de différents horizons. Avec des fusions à la clé. « Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde a réussi en 25 ans à porter la culture des Gnaoua au plus haut niveau, à la faire dialoguer avec les genres musicaux les plus courus d’un côté et les plus improbables de l’autre. C’est une programmation unique, une programmation que nous travaillons durant des mois, à plusieurs, avec rigueur et exigence, pour que ce festival soit un voyage à travers les musiques du monde, qu’il continue de porter haut la tagnaouite tout en offrant des moments inédits, des moments de grâce pour le bonheur du plus grand nombre. Nous sommes heureux que 25 ans après, la magie continue d’opérer, de plus en plus même et que ce festival ainsi que les Gnaoua et Essaouira gagnent en notoriété internationale », nous explique Neila Tazi, productrice du festival. L’engouement est tel qu’il faudrait peut-être penser à pousser les murs de la place Moulay Hassan, la plus grande scène du festival. Cette année, elle reçoit les Espagnols Nino de Los Reyes et Sergio Martinez, Maâlem Hamid El Kasri, le groupe samba-reggae salvadorien Ilê Aiyê, la compagnie ivoirienne Dumanlé, les Américains et célèbres jazzmen Michael et Randy Breker avec leur Band Reunion, l’Espagnole équato-guinéenne Buika, la Guadeloupéenne et également Canadienne Bokanté, le Serbo-palestinien de mère franco-algérienne Saint Levant… Un métissage bien prononcé. Dans les ruelles de la médina où quelques festivaliers se transforment en percussionnistes, on assiste à la même ferveur. C’est que la réussite est là, c’est que la fête est à son apogée.
Des scènes pour tous
D’autres lieux accueillent ces noubas plurielles. Au Borj Bab Marrakech une fusion fait rencontrer Mehdi Qamoum et les Sénégalais Ablaye Cissoko & CordaBa. Suivent l’étoile Asmaa Hamzaoui (première Maâlma à avoir participé à la grande parade de mise en bouche du festival) & Bnat Timbouktou, le quartet de Simon Shaheen et l’incontournable grand Maâlem Mustapha Baqbou. Quant à la scène dite jeune, celle de La Plage, elle ouvre ses bras à la pop des Sud-africains BCUC, à l’électro à peine voilé de Aïta Mon Amour, au chaâbi décomplexé de Mazagan, à la tagnaouite colorée de Mehdi Nassouli, au son algérois mâtiné de flamenco de Labess, au Maâlem au sang neuf Younes El Hadri. Dar Souiri et les zaouias prennent le relais tard le soir pour des sets intimistes où des Maâlems de poids font voyager adeptes et curieux. Ainsi va le Festival Gnaoua et Musiques du Monde qui s’associe cette année au prestigieux institut américain de musique contemporaine et des arts du spectacle Berklee College pour des ateliers thématiques animés par des Marocains et des invités venus des Etats-Unis. Sans occulter un forum enfanté il y a une douzaine d’année. Neila Tazi nous en parle avec vigueur : « Le Forum des Droits Humains que nous avons créé en 2012 prend une place de plus en plus intéressante dans le festival, avec chaque année un thème différent. Le forum est ouvert et accessible à tous, y participent des intervenants et un public de différentes nationalités, et cela permet des interactions très intéressantes. Cette année le thème ‘’Maroc, Espagne, Portugal, une histoire qui a de l’avenir’’ est un sujet que nous avons voulu mettre en débat car ces trois pays sont des piliers de l’espace méditerranéen et nous sommes convaincus que la réussite de la Coupe du Monde de Football organisée par ces trois pays en 2030 fera de cet espace méditerranéen un solide pont entre l’Afrique et l’Europe, pour plus de stabilité et de prospérité entre ces deux régions du monde. Revisiter notre histoire commune, la partager entre générations avec conscience, fierté et respect est essentiel pour construire l’avenir, tout comme rappeler l’importance stratégique de l’intensification des échanges culturels car ils sont à la base des relations entre les peuples et il se trouve que nous vivons actuellement un grand moment dans les relations entre nos trois pays. » En somme, un festival dont la main ne tremble pas.